OPTION FACULTATIVE  BAC 2002: 
SUD de Jean Claude RISSET

 

ELEMENTS DE COURS


 

Généralités: La musique électroacoustique

 

 * L’histoire de la musique montre que les compositeurs se sont de plus en plus intéressés à l’univers sonore de leur œuvre, en venant petit à petit à donner plus d’importance au son qu’aux notes constituant une œuvre. Plus on s’approche du XXe siècle plus les compositeurs notent avec précision les phrasés, nuances, tempi, etc... Lorsque la technologie électrique puis électronique fit son apparition, le phénomène de la «partition interprétée» vola en éclat: l’enregistrement en tant que but final devient plus important.

 * La révolution technologique du XXe siècle est tout aussi comparable à l’apparition de la notation musicale au moyen-âge. Grâce à l’écriture, on peut construire à partir d’une mélodie préexistante une deuxième voix, puis une troisième, etc... pour faire une œuvre polyphonique. La technique du crayon et du papier laisse la place aux ordinateurs avec lesquels il est très facile de partir d’un son et de le transformer.

 * La technologie joue un rôle très important dans l’évolution de la musique au XXe siècle. Un simple haut-parleur ou un micro sont des transformateurs électroacoustiques. Tout signal sonore supporté par un signal électrique est l’élément de base de la musique électroacoustique. Elle est composée et réalisée en studio à partir de machines et, plus tard dans son évolution par des ordinateurs. Qu’elle qu’en soit l’origine, le résultat final s’obtient par un processus de transformation électrique de ce qui le constitue: fréquence, durée, intensité. 

 * Les musiques populaires actuelles et post 1950 sont baignées de techniques électroacoustiques: le monde de la variété ou du rock avec ses amplificateurs, sons saturés, réverbérations, delay, echo, wawa, synthétiseurs, effets en tout genre, etc... et le monde de la techno dont les caractéristiques premières sont une pulsation forte et ultra régulière provoquant la danse voire la transe, et puis l’origine totalement électronique des sons utilisés. Sans parler des emprunts, montages et autres samplages  de la techno dont l’origine revient aux expériences d’un certain Pierre Schaeffer.

  

* C’est à partir des années 1950 que Pierre Shaeffer démarre en France l’étude du son pour lui-même indépendamment de tout instrument préexistant: toute manifestation sonore au sens le plus large possible est considérée, c’est la musique concrète. Et grâce aux microsillons et premiers appareils à bande magnétique, un son de base pouvait désormais être manipulé: passage à l’envers, faire tourner un sillon en boucle sur lui-même, ralentir, accélérer, prélever des fragments, etc...

 

  *  Pierre Schaeffer fonde le GRM (Groupe de Recherches Musicales) et publie le Traité des objets musicaux en 1966, et il a déjà composé plusieurs œuvres dont cinq Etudes de bruit en 1948.

 

 * En Allemagne existait depuis les années 1950 le studio de la radio de Cologne dans lequel des expériences de musique purement électronique avaient vu le jour: György Ligeti (1923) écrit Artikulation en 1958, Karlheinz Stockhausen (1928) écrit Kontakte en  1960.

 

 

 

SUD de Jean-Claude RISSET

 

 

* Jean-Claude Risset, compositeur français né en 1938, s’inspire de ces deux techniques: concrète et électronique pour élaborer Sud. Il utilise des sons provenant de trois origines: les sons de la nature, des sons d’instruments de musique et des sons synthétiques en leur faisant subir toutes sortes de transformations, pour en former une œuvre originale.  JC Risset est un scientifique de formation dont la tache dans Sud a été de modifier et de transformer les paramètres physiques du son par l’intermédiaire de techniques électroacoustiques. Il est nécessaire d’avoir une bonne culture mathématique et physique pour comprendre en détail les processus de transformation du son. Qu’on ait cette culture ou non, il en restera toujours que la perception finale et le jugement esthétique seront des éléments déterminants dans l’appréciation de l’œuvre, en sachant bien que cette perception varie en fonction des individus, de leur culture, des préférences personnelles, etc...

 

* Dans Sud, il n’y a pas de mélodie, de pulsation régulière, d’harmonie répertoriée, d’instruments reconnaissables, de sensation de temps qui passe. C’est une œuvre formidable qui permet à notre oreille de se libérer de ses habitudes, d’ouvrir à notre sensibilité de vastes domaines insoupçonnés. En cela, on retrouve une certaine virginité d’écoute qui n’est pas perturbée par des à priori ou sensations préconçues.


                        Jean-Claude Risset

 

 

 * Interview de Pierre Schaeffer en 1960   "On peut se demander qui de l'homme ou de la nature est musicien. Ou plus exactement puisqu'il n'y a musique qu'à travers notre oreille et notre entendement, si la musique commence quand on la fait ou quand on l'entend".
 

 


A -
LE MATÉRIAU DE BASE UTILISÉ DANS SUD


 

I - Les sons issus de la nature, enregistrés dans le massif des Calanques, près de Marseille

 

Mer, flux et reflux avec galets  I, 0’

Oiseaux avec mouettes  I, 33’

Insectes (sauterelles, cigales) avec graines qui craquent au soleil  I, 8’46

 

 

II - Les sons d’instruments de musique

 

Piano  I, 4’55

Violoncelle  I, 3’42  (glissando)

Wood-Chimes (carillon de bois)  I, 5’08

Metal Chimes (carillon de métal)   III, 1’50

 

 

III - Les sons synthétisés

 

Pseudo clavecin   III, 1’20

Nuages harmoniques   I, 2’50

Arpèges harmoniques  III, 4’22

Grandes lignes aiguës comme un oiseau synthétique  I, 5’54

 

 

 

B - LES TECHNIQUES DE TRANSFORMATION DU SON

  

01 - Montage temporel  Lambeaux de piano  I, 5'09 à 5'22.wav

       Il s’agit du prélèvement et de la distribution de fragments d’un son

 

02 - Coloration par retard et mixage  Un sol# à la mer  III, 0'16 à 0'39

       «J’ai utilisé ce procédé pour introduire une hauteur dans les bruits de vagues: un sol# y apparaît de façon de plus en plus perceptible – à partir de simples mixages du même son, décalé par rapport à lui-même de multiples de 2,41 millisecondes – la période correspondant à une période de 415 Hz soit la fréquence du sol#»  JC Risset.

 

03 - PhasingDes sol# de violoncelle striés  III, 0'39 à 0'59

       C’est un effet obtenu en superposant un son à des copies de ce son avec un léger décalage de fréquences

 

04 - Changement de vitesse de lecture  Grillons: fa# à l’origine, modulant sur sol# et mi  I, 9'22 à 9'30

       En lisant un son à une vitesse différente, on obtient une transposition (un son lu plus vite est entendu plus 

       aigu, expérience du 33T en 45T).

 

05 - Filtrage résonnant  Vagues cannelées  III, 3'49 à 4'15

      Un filtre permet de sélectionner ou d’éliminer certaines fréquences (hauteurs) d’un son. «Je m’en suis servi quant à moi pour imposer la grille harmonique correspondant à l’échelle (sol, si, mi, fa#, sol#) prolongée vers le grave et l’aigu en alternant sol# et sol naturel: j’utilise alors 25 filtres résonnant en parallèle»

      JC Risset.

 

06 - Modulation en anneau  Piano gauchi par l’échelle sol, si, mi, fa#, sol#  III, 2’28 à 2’36

       Le modulateur en anneau produit la somme et la différence des deux fréquences qu’on y fait entrer. «J’ai  ainsi modulé des sons de piano par des sinusoïdes. Le résultat a été soumis au filtrage résonant décrit ci-dessus»  JC Risset

 

07 - Synthèse croisée    Chimères: Oiseaux de métal  III, 2'04 à 2'13

                                      Matière de clavecin et profil de vagues  III, 1'43 à 1'50

      Un son comprend une excitation (l’attaque) attaque et une réponse (la résonance). La synthèse croisée          permet de combiner l’excitation d’un son avec la réponse d’un autre, «ce qui donne lieu à d’étranges hybrides, voire de véritable chimères. J’ai surtout voulu [ainsi] imprimer à la matière d’un son les profils dynamiques d’un autre son»  JC Risset

 

08 - Spatialisation et réverbération  Sons qui se déplacent rapidement entre les deux haut-parleurs:

                                                         Oiseaux  I, à partir de 0’33

                                                         Flux de cloches  I, à partir de 4’16

     

 

Source principale:
Article de l'Education Musicale (F.Delalande, P.Gontcharoff, JC Risset, D.Terruggi), supplément au n°484-485 de septembre/octobre 2002, pages 40 à 67