OPTION DE SPECIALITE BAC 2005 et 2006
"DIXIT DOMINUS"
de Georg Friedrich Haendel (1685-1759)

 

 

          

         

 A - Biographie

 

Allemand d’origine, Haendel naît en 1685 à Halle près de Leipzig. Il apprend très jeune l’orgue et le clavecin avec l’aide de sa mère et contre la volonté de son père. Il devient organiste titulaire de la cathédrale de Halle à 17 ans. Il fait un séjour à Hambourg (où il découvre la musique française), en Italie (de 1706 à 1710 où il compose le Dixit Dominus), puis Angleterre où Haendel se fera naturaliser anglais en 1726. Il connaît là-bas un immense succès en composant des opéras en italien comme Rinaldo en 1711. Il devient directeur de la Royal Academy of Music et ses opéras remportent un grand succès. En 1738, il compose de plus en plus d’oratorios (pièce religieuse sans mise en scène comprenant des chœurs, récitatifs, arias pour chanteurs et orchestre) comme Le Messie (1742) qui connait un énorme triomphe. Il meurt aveugle (comme Bach) en 1759 et est considéré par son pays d’adoption comme un compositeur anglais. Beethoven le tenait pour le meilleur compositeur de tous les temps.

 

 

Compositeurs contemporains: Johann Seb. Bach (1685-1750), Georg Philipp Telemann (1681-1767)

Œuvres principales: Rinaldo (Opéra, 1711), Water music (musique orchestrale, 1717), Le Messie (Oratorio, 1742), Fireworks music (musique orchestrale, 1749)

 

 

 

B - LE «DIXIT DOMINUS» GENERALITES

 

Circonstances de composition: Il fut composé lors du séjour d’Haendel en Italie, en 1707 exactement. Après Florence ou sa venue n’est guère remarquée, il va à Rome où le pape ayant interdit les opéras, on compose surtout de la musique instrumentale et religieuse. C’est dans ces circonstances qu’Haendel écrit le Dixit Dominus. On essaie de le convertir au catholicisme, sans succès, il restera protestant toute sa vie.

 

Origine et signification du texte: Le texte du Dixit Dominus est un psaume provenant du Psautier (livre des psaumes de l’Ancien testament. Il en existe 150 environ), écrit de -1300 à -538 avant JC. C’est donc un texte religieux glorifiant la puissance du Dieu hébraïque (Dieu des juifs).

 

Yahvé (ou Iavé, Jehova): nom du Dieu du peuple hébreu

 

Sion: colline de, ancien nom hébreu de la colline qui se dresse le plus à l'est de la ville de Jérusalem. Elle est devenue le centre politique et culturel des anciens Hébreux. Le nom de Sion fut assimilé à celui de la colline sacrée de Dieu. Avec le temps, le nom de Sion s'est étendu à Jérusalem tout entière et à la Palestine ; le peuple juif est parfois appelé la « fille de Sion»

 

Melchisédech: roi-prêtre de l'Ancien Testament. Dans le récit biblique, Melchisédech rencontre Abraham de retour d'une bataille contre les rois mésopotamiens. Il donne à Abraham du pain et du vin (selon certains érudits chrétiens, il préfigure ainsi l'Eucharistie) et reçoit en retour une dîme sur le butin d'Abraham. Dans le Psaume 110, il est considéré comme préfigurant le Messie. L'Épître aux Hébreux du Nouveau Testament cite les références de l'Ancien Testament pour montrer que Melchisédech préfigure le Christ.

 

Effectif: Un orchestre à cordes, un chœur mixte à 5 voix (sopranos 1 et 2, alto, ténor, basse), 5 chanteurs solistes (mêmes tessitures que le chœur), basse continue (orgue, clavecin pour les solistes, violoncelle, contrebasse). Pas de bois, ni de cuivres ou de percussions.

 

Basse continue (ou continuo): partie de basse dans un orchestre jouée le plus souvent par les violoncelles, contrebasses et un clavecin. Elle est utilisée à la période baroque* (d’environ 1600 à 1750).

 

Organisation interne: L’œuvre est composée de 9 numéros correspondant plus ou moins aux découpages des strophes. Celles-ci traitent d’un aspect différent de la grandeur de Dieu.

 

Styles d’écriture: Le Dixit Dominus comporte trois grands styles d’écriture: contrapuntique, concertant, mélodique

 

* Le style contrapuntique. C’est un style hérité des grands polyphonistes de la Renaissance et des prédécesseurs de Haendel (Roland de Lassus (1532-1594), Frescobaldi (1583-1643), Buxtehude (1637-1707).

 * Le style concertant italien (représenté à l’époque par Arcangelo Corelli (1653-1713) qui a fait de nombreux concertos grossos dans lesquels deux groupes de l’orchestre se répondent, et Antonio Vivaldi (1678-1741) un peu plus tard pour les concertos dans lesquels un instrument soliste dialogue avec orchestre.

* Le style mélodique de l’opéra italien dont il prenait connaissance lors de son séjour en Italie: exubérance des parties solistes manifestée par de longues vocalises virtuoses.

 

 

Ne pas oublier qu’à chaque parole nouvelle correspond une musique nouvelle, car la musique est toujours au service du sens du texte.

 

  

                                         TEXTE ET TRADUCTION

  

Piste CD

Numéro partition

Strophe

TEXTE ORIGINAL

TRADUCTION

02

I  p.1

1

Dixit Dominus Domino meo Sede a dextris meis. Donec ponam inimicos tuos scabellum pedum tuorum

Oracle de Yahvé à mon seigneur : "Siège à ma droite, je ferai de tes ennemis le marchepied de ton trône"

03

II  p.20

2

Virgam virtutis tuae emittet Dominus ex Sion: Dominare in medio inimicorum tuorum.

De Sion, le Seigneur te présente le sceptre de ta force : Domine jusqu'au cœur de l'ennemi

04

III  p.22

3

Tecum principium in die virtutis tuae in splendoribus sanctorum: ex utero ante luciferum genui te

À toi, éblouissant de sainteté, le principat au jour de ta naissance, les honneurs sacrés dès le sein, dès l'aurore de ta jeunesse.

05

IV  p.26

4

Juravit Dominus, et non poenitebit eum:

 

Yahvé l'a juré, il ne s'en dédiera point:

06

V  p.32

4 (suite)

Tu es socerdos in aeternum secundum ordinem Melchisedech,

"tu es prêtre à jamais, selon l'ordre de Melchisédech"

07

VI  p.39

5

Dominus a dextris tuis; confregit in die irae suae reges

À ta droite se tient le Seigneur, il brise les rois au jour de sa colère

07 (à 3’04)

VII  p.47

6

Judicabit in notionibus ; implebit ruinas ; conquassabit capita in terra multorum.

il juge les nations, entassant les cadavres, il brise les chefs sur l'immensité de ta terre.

08

VIII  p.58

7

De torrente in  via bibet; propterea exaltabit caput.

Au torrent il s'abreuve en chemin, c'est pourquoi il redresse ta tête.

09

IX  p.61

-

Gloria Patri et Filio Et Spiritui Sancto Sicut erat in principio; et nunc et semper Et in saecula saeculorum. Amen

Gloire au Père, au Fils' Et au Saint Esprit Comme il était au commencement Maintenant et à jamais Dans les siècles des siècles. Amen.

 

 

 

C - LE «DIXIT DOMINUS»  ANALYSE

 

 

01 - Dixit Dominus   «Oracle de Yahvé à mon seigneur : "Siège à ma droite, je ferai de tes ennemis le marchepied de ton

                                     trône

 

Points forts:

1-17: Prélude instrumental en sol mineur dominé par les vigoureux motifs des violons 1

18-28: Intervention du chœur dans un style globalement homorythmique: ainsi le texte est intelligible

29-38: Solistes (sop I puis alto) entament un nouveau motif car le texte a changé «Sede». C’est une marque du style mélodique emprunté à l’opéra. Le dialogue avec le violon I suggère une écriture de style concertant.

52-87: Les sop I et II chantent un motif en valeurs longues sur «Donec ponam», l’orchestre se taisant. Ce motif étant installé, il sera traité ensuite comme choral ou cantus firmus, c'est-à-dire toujours en valeurs longues pendant que les autres voix et l’orchestre font des valeurs rapides autour du rythme deux double croches deux croches. C’est une marque du style contrapuntique.

88: Vocalise à nouveau sur «Sede» (ténor cette fois)

94: Valeur longues à nouveau sur  «donec ponam»

122: Récapitulation du prélude instrumental

 

A noter que l’orchestre n’a pas de réelle partie qui lui est propre (en dehors des préludes), il se contente de souligner les voix et de leur laisser ainsi la primeur du discours.

 

 

 

02 - Virgam virtutis tuae  «De Sion, le Seigneur te présente le sceptre de ta force : Domine jusqu'au cœur de  

                                              l'ennemi»

 

     * Un aria pour alto solo accompagné de la basse continue, un véritable air d’opéra si l’on considère la virtuosité par les grandes vocalises impressionnantes sur «Dominus» mes 15 à 18, «Dominare» mes 20 à 24, dans lequel la chanteuse se met en valeur elle-même, et surtout les mots importants situés dans ces moments-là.

 

        * Le continuo qui assure l’introduction et la coda détient un motif qui lui est propre (mes 1) que

           l’on retrouve à divers endroits. On le retrouve presque identique à la fin mesure 45, alors que le

           chanteur n’a pas terminé sa partie.

 

 

03 - Tecum principium    «À toi, éblouissant de sainteté, le principat au jour de ta naissance, les honneurs sacrés

                                                      dès le sein, dès l'aurore de ta jeunesse»

 

* Un aria pour soprano solo. Une ritournelle est proposée à l’orchestre, un motif qui lui est propre.  

   En dehors de celle-ci, l’orchestre n’a qu’un rôle accompagnateur.

 

* Un aria dans le style bel cantiste, où les vocalises ont la part belle (mes 20-27, 46-53) sur    

   splendoribus

 

04 - Juravit dominus   «Yahvé l'a juré, il ne s'en dédiera point»

 

       Deux éléments s’opposent, selon le texte.

 

     * Une écriture homorythmique en choral aux harmonies chargées pour Juravit dominus

     * Une autre autre comprenant un motif circulant aux voix.

 

 

               05 - Tu es sacerdos    "tu es prêtre à jamais, selon l'ordre de Melchisédech"

 

                    * L’orchestre n’a pas de motif qui lui est propre, il surligne les lignes chantées

                    * Les deux parties du texte s’opposent musicalemnt: la première sur tu es sacerdos est en valeurs

                       longues, la deuxième, sur secundum ordinem Melchisedech en valeurs rapides. Ce deuxième motif  

                        se présente en imitation.

 

 

               06 - Tu es sacerdos   "tu es prêtre à jamais, selon l'ordre de Melchisédech"

 

 * Un motif instrumental encadre une partie vocale. Celui-ci se présente aux violons I, aux  violons II puis enfin au continuo, il est constitué de croches ininterrompues. Ce motif fait «tache d’huile» et se répand à tout l’orchestre, non seulement en homorythmie mais aussi à l’unisson. Ces croches ininterrompues s’opposent aux valeurs longues des parties vocales.

             

               * Les voix de soprano entrent en premier en faisant entendre un degré montant: do, ré, mi, fa, sol,

                  etc… Le principe est le même lorsque les trois autres voix entrent mes 38 (do, ré, mi, fa, sol,

                  etc…)

 

               *  Le style utilisé ici est contrapuntique, les voix sont constamment écrites en imitation. 

                   Progressivement, en arrivant à la fin le texte tend à être chanté en même temps, en

                   homorythmie

 

 

                07 - Judicabit in nationibus  «il juge les nations, entassant les cadavres, il brise les chefs sur l'immensité de ta terre»

 

                * Comme souvent, un motif musical caractérise chaque phrase. Judicabit ruinas se fait en 

                   imitation.

 

                * S’en suit une introduction aux violons à l’unisson en valeurs rapides, lesquelles seront

                   maintenues dans toute cette partie sur le texte implebit ruinas. Les motifs musicaux y sont

                   présentés de manière très serrée

 

 

              08 - De torrente in via   «Au torrent il s'abreuve en chemin, c'est pourquoi il redresse ta tête»

 

                * Un magnifique aria pour deux sopranos. Les croches régulières de l’orchestre sont prétexte à       

                   de nombreuses modulations, elles installent une régularité rythmique sur laquelle les solistes

                   peuvent se mettre en valeur.

 

                * Les voix de soprano sont très ornées, dialoguent en s’échangeant des motifs de manière décalée  

                   dans le temps.

 

                 * Les voix d’hommes sont écrites en valeurs longues et égales, elles chantent toutes le thème en homorythmie. On trouve donc 3 plans: les croches régulières, les voix de sopranos ornementées, les voix d’homme en homorythmie

 

                  

              09 - Gloria Patri   «Gloire au Père, au Fils' Et au Saint Esprit Comme il était au commencement Maintenant et

                                                          à jamais Dans les siècles des siècles. Amen»

 

 

                   * Dernière pièce du Dixit, le texte ne fait pas partie du psaume d’origine, il comporte un caractère

                      extrêmement joyeux, affirmé et décidé. Il s’agit d’affirmer la gloire de Dieu pour l’éternité. Il est

                      en sol mineur

                 

                  * Il comporte deux sections, une première de 1 à 54 et un Allegro de mesure 55 à la fin. La première fait intervenir des chanteurs solistes aux vocalises marquées (style d’opéra) et la deuxième est une grande fugue dans laquelle toutes les voix apparaissent en imitation.

 

Sources: 1) Article de Sabine Bérard "Georg Friedrich Haendel - Dixit Dominus" dans la revue L'Education Musicale 
 Supplément au n° 515-516   Sept/Oct 2004

               2) "La musique baroque", Manfred Bukofzer, JC Lattès, 1947, 1993