Edgar
VARESE (1883-1965)
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« DESERTS» (1954)
«Nous devons démuseler la musique si
nous voulons lui permettre d’accomplir sa fonction qui est de stimuler l’esprit
des hommes et de les émouvoir»
«L’art n’a pas pour fonction de rassurer. S’il rassurait, il serait mort depuis
longtemps»
«Chaque maillon de la chaîne de la
tradition, a été faite par un révolutionnaire de son époque»
I - ELEMENTS BIOGRAPHIQUES
II - CONTEXTE MUSICAL PENDANT
III - L’ŒUVRE DE VARESE
IV - DESERTS: PRESENTATION GENERALE ET ANALYSE
I - ELEMENTS BIOGRAPHIQUES
* Edgard
Varèse est un compositeur français naturalisé américain né à Paris le 22
décembre 1883 et mort à New York le 6 novembre 1965 à l'âge de 81 ans.
* Originaire d’Italie et de bourgogne,
il reconnaît avoir été fortement marqué par l’architecture romane de l’abbaye
de St Philibert de Tournus. Il y a un rapprochement à établir entre la nature
des murs, la puissance des gros piliers et sa musique. «S’il y a quelque beauté ou quelque force dans ma musique, c’est à St
Philibert de Tournus que je le dois» dit Varèse»
Eglise romane de Saint Philibert de
Tournus (XIIe siècle)
* Son père lui interdisait la musique,
il quitte Milan à 18 ans pour Paris et s’inscrit à
* Depuis son arrivée à Paris, Varèse
avait su s’entourer de l’élite artistique: Picasso, Cocteau, Appolinaire, Modigliani qui tous cherchaient à rompre avec
le passé. Mais malgré ce bouillonnement culturel, il décide de quitter Paris
pour aller vivre à Berlin où il espère trouver un public plus large d’esprit et
apte à comprendre sa musique. Il y découvre Schönberg. En même temps le Sacre du Printemps de Stravinsky (1913)
le marque profondément.
* Il part aux Etats-Unis en 1915. Il
compose dans les années 1920 ses premières grandes partitions conservées: Amériques, Offrandes, Hyperprism,
Octandre dans lesquelles s’affirme un style dans lequel priment les
combinaisons de timbres à l’état brut, sur la mélodie ou l’harmonie.
* Naturalisé américain en 1927, il
retourne à Paris et crée Intégrales
et Arcana
dans laquelle se manifeste son attirance pour l’alchimie (transformation de la matière).
Mais c’est surtout Ionisation, une
partition uniquement composée de percussions et difficilement reçue du public
qui marqua ce retour parisien.
* Varèse retourne aux Etats-Unis et ne
composera plus pendant plus de 15 ans, atteint d’une sévère dépression et d’un
manque d’inspiration. Pendant vingt ans, entre 1934 et 1954, Varèse n’acheva
qu’une seule partition: Density 21,5 pour flûte seule (1936). C’est
l’œuvre la plus jouée qui demeura pendant longtemps la seule connue.
* Durant ce silence, il semblerait que
Varèse ait surtout médité sur les nouveaux moyens d’expression (Chou Weng-chung, son élève et ami chinois, l’exécuteur
testamentaire de son œuvre, remarque
qu’il en était si fortement préoccupé
« qu’il ne termina jamais aucun des projets sur lesquels il
travaillait »).
* Cette même année, Varèse écrit la
partition instrumentale de Déserts, qu’il termine en 1952. L’année suivante,
Pierre Schaeffer invite Varèse à Paris pour qu’il puisse réaliser les
interpolations électro-acoustiques de son œuvre. Varèse hésita longtemps à
revenir en France, mais en septembre 1954 il était sur le chemin le menant à la
capitale française.
* Lorsque Varèse arrive à Paris dans les
premiers jours d’octobre 1954, après 21 ans de silence, c’est un musicien oublié
et inconnu. Ses échanges avec Pierre Schaeffer restent froids. Déserts qui
mélangeait des sons instrumentaux et des sons organisés fut difficilement mise
au point. La création eut lieu à Paris le 2 décembre 1954 au Théâtre des Champs-Elysées et provoqua un énorme scandale. Lorsque
l’œuvre fut interprétée le 30 novembre 1955 à New York, ce fut un succès.
* En 1956,
*A partir de cette œuvre, Varèse connaît
un certain renom. En juillet 1958, il quitte définitivement Paris pour ne plus
jamais y revenir. Aux Etats-Unis, Edgar Varèse était célèbre : ses œuvres
étaient enfin jouées et éditées en partitions et en disques. Désormais, le
monde entier connaît Edgar Varèse. En 1962, il fut élu membre de l’Académie
Royale de Suède.
Varèse dans les années 1920
II - CONTEXTE MUSICAL PENDANT
Varèse
n’est guère affecté par le romantisme finissant de Gustav Mahler ou de Richard
Strauss. Il se lie avec Debussy, sera très marqué par le Sacre du Printemps de Stravinsky (1913), découvrira Schönberg et la
musique atonale lors de son séjour berlinois du début des années 1910, ce
contemporain de Bartok (influences de la musique
populaire) et Messiaen (un peu plus jeune, dont il partage finalement assez peu
l’esthétique), marquera fortement les compositeurs avant-gardistes d’après
1945: Ligeti, Xenakis, Stockhausen, Boulez, Pierre Henry.
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Claude Debussy |
Igor Stravinsky Le sacre du printemps |
Pierrot lunaire |
Bela Bartok |
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Edgar Varèse |
Olivier Messiaen |
Gyorgy Ligeti |
Karlheinz
Stockhausen (1928-2007) Klavierstücke XI |
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Iannis
Xenakis |
Pierre Henry |
Pierre Boulez |
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III - L’ŒUVRE DE VARESE
A -
Quelques œuvres majeures
- Offrandes pour soprano et orchestre (1922) - Amériques
pour orchestre
- Density 21.5 pour
flûte seule - Hyperprism
pour vents et percussions
- Intégrales pour vents et percussions (1925)
- Ionisation pour percussions (1932). Il s’agit d’une œuvre pour une quarantaine de percussions jouées par 13
instrumentistes. Varèse veut montrer la richesse et la variété extraordinaires de timbres
qu’il est possible d’obtenir d’un tel ensemble. Il n’y a pas d’effets de masse,
au contraire, chaque instrument est mis en valeur dans un esprit de dispersion,
d’où l’image des ions.
- Déserts, pour orchestre et bande magnétique, 1954
- Poème
électronique (1958) 425
haut-parleurs présenté au pavillon Philips de Bruxelles à l’exposition
universelle de 1958
B - Son esthétique
* Penser le son dans sa globalité:
Perpétuellement révolté contre la tradition et révolutionnaire permanent,
Varèse se concentre sur le son qu’il veut libérer de tout système de langage.
Il est réellement un précurseur dans la mesure où il est l’un des rares
compositeurs à avoir pensé le son
avant la note, il le dit lui-même: «La musique est faite de sons et non de notes».
Le résultat final compte plus que la qualité de l’écriture. Il s’intéresse donc
à tous les sons, considérant ainsi que ce que l’on nomme bruit
peut devenir, s’il est organisé
rationnellement, un son. D’où son intérêt pour les instruments à
percussion et pour les bruits urbains.
« C’est au fond lui qui, il y a un très grand
nombre d’années, a prévu les musiques concrètes et les musiques électroniques,
et cela non seulement par des orchestrations extraordinaires, et une façon
distendue de traiter les instruments, mais aussi par des choses qui étaient
absolument impensables à l’époque où il les a pensées, c’est à dire, par
exemple, des sons passés à l’envers, comme on en trouve dans Intégrales, où les
trombones font des attaques piano suivies d’un sforzando, qui sont évidemment
des sons rétrogradés. Cette espèce de question donnée aux sons, cette espèce
d’introduction du domaine de la microphysique en musique, c’était la
préparation évidente de l’électronisme, mais à
l’époque personne ne l’a compris, que Varèse seul. » (Olivier Messiaen)
« Toutes les
voies nouvelles nous sont ouvertes par les possibilités actuelles:
perfectionnements électriques, ondes, etc... (...) Le
système tempéré actuel me paraît périmé. Il est insuffisant pour exprimer
musicalement nos émotions ou nos conceptions (...). Avec le système tempéré,
nous sommes astreints à des règles arbitraires, tandis que de nouveaux moyens
nous offrent une spéculation illimitée sur les lois de l’acoustique et de la
logique » Varèse en 1930 (soit un an avant Ionisation)
* Refus d’une forme connue:
Varèse n’emploie jamais de forme préétablie. Chaque œuvre a sa propre forme
* Sonorités nouvelles: Varèse
estime que l’orchestre traditionnel est impuissant à traduire l’expression
moderne. Il veut l’enrichir de
sonorités nouvelles :
-
interférences de timbres
- agrégats de sons (bloc dur et serré des
cuivres),
- recherches de sonorités nouvelles grâce aux
percussions
- étendue des registres vers le grave et
l’aigu
-
peu de participation des cordes
*
La musique de Varèse ne contient ni thèmes, ni mélodies. Les effets de
timbres sont plus importants. Il faut se concentrer sur la nature multiple du
son plutôt que sur le déroulement de la mélodie
* Sur le plan rythmique , l’important
est la combinaison simultanée d’effets disparates, qui interviennent et
s’entrecroisent à des moments calculés, mais non réguliers
* L’esthétique de Varèse refuse le
concept de «jouissance» ou de «plaisir» de l’écoute musicale, attaché à la
tradition romantique et «bourgeoise». L’intention
du compositeur est à l’inverse de vouloir «éveiller
l’imagination» et d’«ôter tout repos
au spectateur», de faire en sorte qu’il écoute et que, stimulé, il sorte de
lui-même. «L’art n’a pas pour fonction de
rassurer. S’il rassurait, il serait mort depuis longtemps» dit Varèse
* Varèse ajoute à tout cela son
intérêt pour la musique concrète et la
musique électronique. Depuis ses débuts de compositeur, Varèse était
certain que l'électronique et les machines accompagneraient l'homme à la
recherche d'un nouveau langage musical. Il fallut cependant attendre la fin des
années 1940 et l'invention de la musique concrète d'une part et celle de la
musique électronique d'autre part, pour que naisse une musique ne venant pas
d'un instrument ou d'une voix mais d'une autre provenance.
- La musique concrète: elle considère
que n’importe quelle source sonore peut être comprise comme de la musique.
Elle consiste en des sons et des bruits enregistrés qui sont ensuite compilés,
mélangés, mixés et réarrangés sur une invention de l'époque: la bande
magnétique. Exemple: Symphonie pour un
homme seul de Pierre Schaeffer (1950) ou Variations pour une porte et un soupir de Pierre Henry
- La musique
électronique emploie des sons "artificiels", qui n'existent pas
dans la nature grâce à un générateur de fréquences et au modulateur en anneaux.
Exemple: Glissendi
de Ligeti (1957)
* Presque immédiatement après leur
naissance, ces musiques fusionnèrent pour former la musique acousmatique,
fusion des musiques électronique et concrète. Si elle permettait d'élargir
l'espace musical présent, en revanche elle supprimait totalement l'interprète. On
s'aperçut toutefois très vite de cette dérangeante limite et au milieu des années
50 fut créée la musique mixte dans laquelle les interpolations
électro-acoustiques se joignent à de la musique exécutée par un ensemble
orchestral plus ou moins grand.
* Musique mixte: appellation
réservée aux œuvres qui superposent une ou plusieurs parties instrumentales ou
vocales, exécutées sur scène, à une musique sur support. Sont donc désignées
ainsi toutes créations sonores associant une prestation scénique en direct,
avec le déroulement d’une partie composée sur support. Il y a bien alors mixité
des sources. Les sons fixés, dans les musiques mixtes, peuvent être
d’origines variées. Il peut s’agir :
- de sons instrumentaux enregistrés, numérisés et
éventuellement transformés en studio.
- de sons concrets, (non instrumentaux) travaillés ou
non.
- de sons de synthèse qui peuvent soit
provenir de synthétiseurs numériques, soit d’un programme informatique.
* Le genre "mixte" tentera
beaucoup de compositeurs à partir des années 50 mais rencontrera la résistance
des interprètes en raison des contraintes infligées par le caractère immuable,
figé, des sons enregistrés avec lesquels il n'est point
d'"interprétation" possible.
* Un grand nombre d'ouvrages
emprunteront cette voie soit en mixant sons enregistrés et instruments soit,
plus prudemment, en intercalant des éléments enregistrés au milieu de parties
confiées à des instruments. C'est justement le cas de Déserts d'Edgar Varèse dont la création le 2 décembre 1954 au
Théâtre des Champs-Elysées provoque un mémorable
scandale.
Pavillon Philpps
(architecte Le Corbusier) à l’exposition universelle de Bruxelles de 1958
où Varèse fit entendre son Poème
électronique
IV - DESERTS: PRESENTATION GENERALE ET ANALYSE
A - GENERALITES
*
A propos du titre de l’œuvre: «J’ai choisi comme titre Déserts parce
que c’est un mot magique qui suggère des correspondances à l'infini. Déserts
signifie pour moi non seulement les déserts physiques, du sable, de la
mer, des montagnes et de la neige, de
l’espace extérieur, des rues désertes dans les villes, non seulement ces
aspects dépouillés de la nature, qui évoquent la stérilité, l’éloignement,
l’existence hors du temps, mais aussi ce lointain espace intérieur qu’aucun
télescope ne peut atteindre, où l’homme est seul dans un monde de mystère et de
solitude essentielle » (Varèse).
* Œuvre majeure de Varèse, Déserts est créée le 2 décembre 1954 au
Théâtre des Champs Elysées à Paris après une longue
période de silence du compositeur. Il revient en France après ne pas être venu
depuis les années 30
* Déserts
fut joué le même soir que la symphonie pathétique de Tchaïkovsky,
qui est une symphonie romantique aux antipodes de la musique de Varèse. On
comprend la réaction hostile du public à l’œuvre de Varèse ce soir là. Les auditeurs
ont été pris d’hystérie, se sont mis à se moquer de l’œuvre en imitant les sons
qu’ils entendaient… Ce concert transmis à la radio en direct, fut la première
expérience de la diffusion de la stéréo. Près de 40
ans après la création du Sacre du printemps de Stravinsky (le 29 mai
1913), Déserts donna lieu à un 2e scandale musical du XXe siècle dans le
même théâtre. Si la cohabitation Mozart/Varèse/Tchaïkovski fut
malheureuse, l’intrusion de haut-parleurs dans une salle de concert fut perçue
comme une provocation. Varèse, alors âgé de
71 ans, quitta la salle complètement dépité.
Il fut moins choqué du scandale que de l’inaptitude du public à
véritablement écouter son œuvre: « Naturellement, si les gens n’aiment
pas une musique, c’est leur droit, c’est même leur devoir de la vomir s’ils le
veulent. Mais pour la vomir, au moins faut-il qu’ils l’aient avalée d’abord… Je
trouve qu’il est absolument imbécile de huer une œuvre avant de savoir ce que
cette œuvre veut dire. » (Varèse). Le choc provoqué par Déserts
finit par tourner en faveur du compositeur et l’oeuvre devint l’une des
bannières de la musique contemporaine. Elle eut par ailleurs un grand succès
pour sa création allemande, le 8 décembre 1954 à Hambourg.
B
- ANALYSE
B1 - Une orchestration élaborée qui
privilégie trois grands types d’instruments :
a) Les vents, dont des bois (2 flûtes, 2
clarinettes), et 10 cuivres (cors, trompettes, trombones, tuba basse, contre
tuba): dynamisme sonore très ample et
utilisés ici, la plupart du temps, pour effectuer de longues tenues. A
noter aussi les phénomènes d’écho et de résonance: effet de résonance
par attaque lente des 2 trompettes avec sourdines (m5).
b) Les percussions ont un
effectif impressionnant. (46 instruments que se partagent 5
percussionnistes):
- A hauteur déterminée: 4 timbales, claviers en bois :
xylophone, claviers en métal : glockenspiel, vibraphone, cloches tubulaires
- A hauteur indéterminée:
- membranophones (peaux):caisse-claire
(snare drum),
tambour (side drum)
et caisse roulante (field drum)
- idiophones (bois) : les blocs chinois, les
tambours de bois (wooden drums), le guiro et le fouet (slap
stick : 2 planchettes que l’on entrechoque) les lattes (lathes)
- métallophones (métaux) : les gongs (plaques
métalliques circulaires à mamelon central), le cencerro
(cloche typique de la musique cubaine), 1 feuille de métal pour imiter le tonnerre (thunder sheet)
On peut aussi classer les percussions en deux groupes: les percussions
résonnantes: gongs, cloches…et piano utilisées comme amplificateur des sons
des instruments à vents, et les percussions
sèches, aux sons très brefs pour
ponctuer les sons longs.
c) Le piano devient structure résonante (déjà dans Ionisation,1931)
destinée à colorer et amplifier les autres timbres (notamment par l’utilisation
des pédales et des touches
silencieuses). Sa fonction principale consiste à favoriser la fusion des individualités
en une sonorité globale.
* Déserts
alterne 4 épisodes instrumentaux et 3 interpolations réalisées sur bandes
magnétiques. Varèse explique que l’on peut jouer l’œuvre également sans les
interpolations.
* La présence simultanée
d’instruments acoustiques et de sons électroniques nous mettent en présence d’un
des premiers exemples de musique dite mixte. Karlheinz
Stockhausen composera Kontakte
dans le même esprit de juxtaposer les sons acoustiques et les sons
électroniques un peu plus tard en 1958. Cette œuvre fait entendre simultanément
les sons électroniques et acoustiques, alors que dans Déserts, sons acoustiques
et électroniques sont interpolés (alternés)
* Les interpolations de sons organisés
sont fondées sur des sons bruts (friction, percussion, sifflement, "swishing" ou sonorités cinglantes, broyage, souffle)
qui sont grâce à l'électronique, filtrés, transposés, transmués, mélangés et
composés pour s'adapter au plan pré-établi.
B2 - Esthétique sonore de Déserts
* Des masses sonores qui évoluent les unes contre les autres, comme des
plans et des figures géométriques qui se projettent dans l’espace
* Des blocs de cuivres (mes 30)
* Stridence de la flûte (et piccolo) et de la petite
clarinette (mes 37 et 38)
* Longues tenues de sons (mes 1, mes. 229-237)
* Nombreux rythmes percussifs (mes 27-30)
* Sons isolés par des silences (mes. 39-43)
* Courtes figures répétées (mes. 127-132)
* Etagements de sons s’échappant vers l’aigu
(mes.115-117)
* Les fréquents changements de mesure participent à la
perturbation de la régularité
B3 - Les interpolations
sur bande magnétique:
Selon Varèse, les interpolations sont fondées sur
«des bruits bruts (friction, percussion,
sifflement, sonorités cinglantes, broyage, souffle) qui ont été, grâce à
l’électronique, filtrés, transposés, transmués, mélangés et composés pour
s’adapter au plan préétabli de l’œuvre.». Elles
frappent par leur violence.
Leur matériau de base est
constitué de:
- bruits industriels enregistrés
dans diverses fonderies, scieries et usines de Philadelphie,
- de sons d’instruments à percussion (timbales,
caisse claire, claves, blocs de bois,
gong) ,
- de sons d’orgue (enregistrés à l’église
St Mary of the Virgin de New York)
- de sons électroniques.
Pierre
Boulez donna quelques renseignements sur la 1e version des bandes,
réalisée à Paris en 1954:
- «Dans la 1e interpolation, l’on a utilisé
des sons pris au cours de recherches sur
les bruits d’usine, sons produits par
frictions, par percussions. Ce ne sont pas toutefois un élément pittoresque que
Varèse y a recherché, mais la production d’un matériel sonore en relation avec
le matériel orchestral.
- Dans la 2e interpolation, l’on a enregistré un ensemble de 5
musiciens jouant de divers instruments de percussion, le son étant pris
normalement, sans truquage sonore; le but de cette intervention est de donner
un relief stéréophonique à un enregistrement normal.
- La 3e interpolation est un mélange de 2 procédés où sons réels
et sons instrumentaux sont rassemblés en vue d’une structure double, mettant en
valeur les possibilités sonores sous toutes les formes qu’elles ont pu prendre
au cours de l’œuvre ». (Pierre Boulez, présentation
radiodiffusée de Déserts, RTF, 2 décembre 1954)
Pierre Boulez
(compositeur et chef d’orchestre)
Diffusion
des bandes magnétiques
Sur la
diffusion de ces bandes, Varèse
s’exprime en ces termes: « les
bandes magnétiques de son organisé sont diffusées par deux canaux au moyen d’un
système stéréophonique pour donner à l’auditeur une sensation de distribution
spatiale de sources sonores . Il y a trois interpolations de son
organisé. »
Boulez précisa: « La piste
magnétique, formée de 2 bandes différentes exigeant 2 haut-parleurs,
s’intercale par 3 fois au milieu du développement orchestral; il n’y donc pas
mélange de 2 moyens mais interpolations »
La 1ère
interpolation
L’effet produit est celui d’une superposition
hallucinatoire de sons. C’est l’interpolation la plus bruitée. On peut repérer
plusieurs pics de bruits à 0’32, 0’51, 1’19, 1’43, 2’04. La façon d’utiliser
les sons industriels montre une certaine parenté avec l’écriture pour
percussion notamment au début où l’on imagine facilement des attaques, des
roulements, des résonances de percussions.
On peut distinguer 2 sections différentes séparées par
un bref silence à 1’19
1e section
Caractère assez brutal
Contrastes entre zones denses et lisses avec
différents éléments :
- 0’27 : bips électroniques
- 0’31 : bruits métalliques rythmés
- 0’41 : tenues instables dans l’extrême grave
- 0’51 : motif strident qui marque la fin de
cette section
2e section
Ce partage des sons de percussions et des
glissandi évoque des sirènes (1’51). L’interpolation
se termine par une sonorité qui simule un timbre de cloche.
SOURCES
Espace
pédagogie du site de France Musiques: La
conquête du timbre: Edgard varèse,
Déserts
www.ircam.fr
Institut de recherche et coordination acoustique/musique
L’Education
musicale Septembre/Octobre 2010, supplément au n°567, Baccalauréat 2011. Edgar Varèse: Déserts, article de Paul Gontcharoff
L’Analyse
musicale n°63, Septembre 2010, Bac 2011.
- Varèse à la conquête de l’Amérique
(1916-1928) (M.Noubel)
- A partir des Ecrits de Varèse: une lecture
de la musique de l’avenir (M.Joubert)
- Déserts d’Edgar Varèse ou l’apothéose du son
(P.Lalitte)
- Eléments d’analyse comparée: Pour une vision
microscopique du son… (M.Joubert)
- Fiche de synthèse: Déserts de Varèse (M.Joubert)
Déserts de Varèse, présentation de Anne Poelen (Lille)
Déserts de Varèse, présentation de Marie-Paule Deram
(Lille)
Edgar Varèse, film de Mark Kidel, La
sept Arte, 1995, Production Les films d’ici