”Atom heart mother” - Pink Floyd (1970)
(extrait de l’album du même nom)
Superbe reprise d’Atom Heart Mother par les étudiants du
Conservatoire Supérieur de musique de Paris en
2003, film de Raphaël Allain. Cliquez ici.
I - La musique populaire et son contexte 1960-1970
II - Le rock progressif v.1968- v.1976
III - Pink Floyd: un géant du rock progressif
IV - Atom Heart Mother: Présentation et analyse
I - La musique populaire et son contexte 1960-1970
A) Rock’n’roll, Beatles,
guitar heroes
* La musique populaire de ces années est
marquée par le Rock’n’roll, qui est une danse, popularisée principalement par
Bill Haley (et son célèbre Rock around
the clock de 1956), Little Richard (Tutti
Frutti, 1956), le crooner américain Elvis Presley et les célèbres groupes anglais
The Rolling stones ou évidemment les Beatles.
* Cette musique est légère, facile à
écouter, divertissante, passe facilement à la radio car les chansons sont
courtes. Elle est surtout marquée par son aspect dansant irrésistible, sa
structure simple couplets/refrains et ses mélodies faciles à retenir:
le bon cocktail pour une musique populaire à succès. Exemple: Love me do (Beatles, 1962)
* La formation emblématique de
l’orchestre rock est: basse, batterie, guitare(s) rythmique et solo. Un instrumentiste chante en
solo mais d’autres membres peuvent faire des chœurs.
* Outre le rock progressif (voir plus
loin) se développe à la fin des années 1960 un rock marqué par les guitar heroes, où le guitariste abonde
de solos virtuoses, gémissant d’un plaisir extasié, lui donnant un aspect de
super soliste comme Jimi Hendrix par
exemple. Le Hard-Rock fait aussi son
apparition avec abondance de guitares saturées et suramplifiées (Led Zeppelin, Deep Purple, Black Sabbath, AC/DC…)
Jimi Hendrix (1943 -1970
B) Le contexte à la fin des années 1960: hippies, psychédélisme et
drogues
a)
Le mouvement hippie, le «Flower Power»
« Dans les
années 1960 on voit apparaître aux USA et en Europe des idées nouvelles:
l'autogestion, l'écologie, le rejet des religions traditionnelles. Dans les
arts, la musique psychédélique et le pop-art marquent les esprits. Le slogan
Flower Power (l'énergie de la fleur) était le symbole de la non-violence.
Rupture avec la société de masse, évasion hors de l'Amérique consommatrice et
bien-pensante, goût de la prose spontanée (Kerouac), attirance pour la pensée
orientale, pacifisme (protestation contre la guerre du Viêt Nam), et la
pratique de la méditation caractérisent ce mouvement. Les hippies naissent du
baby-boom (en 1965, 50% de la population américaine est âgée de moins de 25
ans), et de la découverte en 1948 d'une substance hallucinogène qui va rester
légale jusqu'en 1967: le LSD. Un discours contestataire émerge dont les
conséquences ont des répercussions encore aujourd'hui : pacifisme, écologie,
internationalisme… » D’après un article d’Eric Michon.
b)
Le psychédélisme et les drogues:
«Psychédélisme
est le terme utilisé pour décrire un mouvement de la contre-culture apparu au
milieu des années 1960. Dans ce terme sont regroupées toutes les tentatives
pour recréer de façon consciente les perceptions sensorielles distordues créées
par l'ingestion de drogue hallucinogène tels que le LSD ou la mescaline. Il
s'applique donc principalement au domaine visuel et sonore. (…) Le mouvement
commence à apparaître à partir de 1966 quand l'usage du LSD (…) se répand dans
une population jeune plus importante et plus ouverte à la découverte que la
génération précédente élevée dans une société moins permissive. (…) L'art
psychédélique a gagné en popularité en tant que composant visuel de la musique
psychédélique (Jimi Hendrix, Grateful Dead et Pink Floyd) en particulier à travers
les affiches de concerts ou les couvertures d'albums de designers comme Wes
Wilson, Victor Moscoso, Rick Griffin (1944-1991), Nigel Waymouth et Martin
Sharp. Les enchevêtrements et les courbes sinueuses se multiplient à l'infini,
l'Art nouveau est une influence majeure et Alphonse Mucha (1860-1939) se trouve
ici des héritiers inattendus. Les lettrages suivent la même tendance jusqu'à
être presque illisibles. L'usage de couleurs saturées et multiples est de
rigueur» Eric Michon.
Il est donc clair que le contexte esthétique des
premières années de Pink Floyd est baigné de ce « psychédélisme».
N’oublions pas que la musique s’écoutait sur des disques noirs «vinyles» et
qu’une face qui durait environ 25 minutes pouvait correspondre à la durée d’un trip, d’un voyage stimulé éventuellement
par le LSD ou «acide», cette drogue hallucinogène qui apportait au sujet des
perceptions imaginaires délirantes, stimulantes parfois pour la création, mais
qui le réduisait aussi en véritable légume. Le lien entre les musiques
progressives qui comportent souvent des morceaux longs, développés et l’univers
des drogues hallucinogènes est parfois vite établi, à tort ou à raison…
A saucerful of secrets (Pink Floyd,
1968):
une couverture bien psychédélique
II - Le rock progressif (env. 1968-1980)
Quelques groupes et albums emblématiques de rock
progressif, hors Pink Floyd qui est évidemment un maître du genre (voir plus
loin):
|
|
|
King Crimson |
Genesis |
Genesis |
|
|
|
Yes |
Yes |
Camel |
|
|
|
Jethro Tull |
National Helath |
Mike Oldfield |
|
|
|
Tangerine dream |
Magma |
Harmonium |
|
|
|
Ange |
Ange |
Atoll |
* A la fin de l’année 1970, un certain
Steve Hackett lit cette annonce dans Melody
Maker où l’on cherche un guitariste «determined
to strive beyond existing stagnant music forms» (déterminé à dépasser les
formes musicales stagnantes). L’annonce est passée par Peter Gabriel chanteur
de Genesis à la recherche d’un guitariste pour l’un des groupes de rock
progressifs les plus marquants. Cela montre à quel point ce courant
cherchait à expérimenter de nouvelles voies.
* Le rock progressif sera un genre dans
lequel Pink Floyd va passer maître. C’est un genre sérieux où l’on se prend au
sérieux. Très anglais, ce genre tente de partir d’un rock « de
base » pour l’emmener vers un style plus élaboré. Le rôle du
guitariste-star (tel J.Hendrix) ou du chanteur-star (tels Mick Jagger des Rolling Stones ou Jim Morrisson des Doors) s’efface rendant la scène
peut-être un peu moins sexy, mais au profit d’une qualité d’écriture et de
composition qui le rapproche de la musique classique. Le public des concerts
est surtout masculin, et n’est pas invité à pogoter, à casser du matériel, à
devenir saoul et prendre la musique pour un prétexte à faire la fête. «We like audiences who sit down and listen»
(nous aimons un public qui s’assoit et qui écoute) dit Mike Rutherford,
guitariste-bassiste de Genesis au
début des années 1970.
* A l’opposé de la chanson simple de
3 minutes s’élaborent des compositions longues, complexes aux caractères
contrastés: méditatif, planant, lyrique, emporté, hallucinant… On glisse
d’un genre populaire (le rock) vers un genre plus savant.
* On relève la présence de longues
parties instrumentales (longues plages planantes au début de Shine on you crazy diamond (album Wish you were here, 1975), solo de
clavier final de Cinema show (Genesis,
album Selling England by the pound,
1973) ou la superbe et très riche composition de 20 minutes Supper’s ready (Genesis, album Foxtrot,
1972)
* Enrichissement de l’orchestration:
s’il y a toujours le quartet de rock de base (guitare, basse, chant, batterie),
on rajoute volontiers des claviers à profusion aux effets multiples, des
instruments de l’orchestre symphonique (souvent la flûte traversière (Camel, The snow Goose, 1975), des bruitages (Atom Heart Mother)
* Il y a donc un glissement d’un
genre populaire et dansant vers un genre plus savant. De plus le croisement
avec d’autres styles à priori éloignés du rock est bienvenu (musique classique,
jazz, musique contemporaine, musiques traditionnelles, extra européennes…)
* Comme l’avaient déjà un peu fait les Beatles (Sergent Pepper’s lonely hearts club band, 1967), on sort des albums-concepts c'est-à-dire non
pas une suite de chansons isolées sans lien entre elles mais avec un véritable
fil conducteur (The wall (1979), ou The lamb lies down on Broadway (Genesis, 1974)
* Les chansons ne se limitent pas à
des textes d’amour simplistes. De
nombreuses références (culturelles, mythologiques, sociales…) sont sollicitées.
Des textes parfois plus sombres, plus intravertis, plus réflexifs, plus
ésotériques (les paroles de Tales from
topographic oceans (Yes, 1972) s’inspirent par exemple de «l’autobiographie d’un Yogi» d’un sage
hindou Paramhansa Yogananda (1893-1952), nombreux textes de Genesis relèvent du
surréalisme anglais et d’un univers proche de celui d’Alice au pays des
merveilles de Lewis Caroll.
* Les groupes phares du rock progressif,
outre Pink Floyd évidemment, sont National Health, Mike Oldfield, King Crimson,
Yes, Genesis (jusqu’en 1978 environ), Emerson
Lake and Palmer (reprise des tableaux d’une exposition de Moussorgsky,
montrant le lien qu’il y a entre le rock progressif et la musique classique), Jethro Tull (et leur célèbre reprise de
* La vague disco (Donna Summer, Bee Gees, Boney M) et la
vague punk (Sex pistols) à partir de
1977 environ marqueront la fin de la grande époque du rock progressif.. Des
groupes progressifs à leurs origines comme Genesis,
se tournent vers une musique plus commerciale, accrocheuse et moins élaborée (Invisible touch, 1986), ou même Yes (Owner of a lonely heart,
1984). En France des groupes comme Téléphone
(Quelque chose en toi, Un autre monde)
ou Trust (Antisocial) à la fin des années 70 signent la mort du progressif
pour une musique plus directe, moins complexe, moins riche, mais plus efficace,
plus accessible, plus dansante, qui passe facilement à la radio, et qui
engrange de gros succès commerciaux.
III - Pink Floyd: un géant du rock progressif
A – Brève histoire du
groupe
* Pink Floyd est un groupe de rock
progressif et psychédélique britannique formé en 1964. Il est reconnu pour sa
musique planante et expérimentale, ses textes philosophiques et satiriques, ses
albums-concept et ses performances en concert originales et élaborées. De ses
débuts à aujourd'hui, le groupe a vendu plusieurs centaines de millions
d'albums à travers le monde. Aux seuls États-Unis, les ventes des albums de
Pink Floyd sont dénombrées par
* Initialement mené par le guitariste
Syd Barrett, le groupe connaît un succès modeste au milieu des années 1960,
puis devient l'un des groupes underground londoniens les plus populaires de la
scène psychédélique. Cependant, le comportement de plus en plus instable de
Barrett (rongé par une trop grande consommation de LSD), conduit les autres
membres à le remplacer par David Gilmour, un ami d'enfance de Barrett. Après le
départ de ce dernier, le bassiste Roger Waters devient progressivement le
meneur du groupe, composant la plupart des chansons et signant toutes les paroles
à partir de 1972. Pink Floyd acquiert l'année suivante une célébrité mondiale
avec The Dark Side of the Moon (1973), l'un des trois albums les plus vendus de
tous les temps.
* Le groupe enchaîne les succès au cours
des années 1970 avec Wish You Were Here
(1975), Animals (1977) et The Wall (1979), ce dernier donnant lieu
à une adaptation cinématographique. Mais des tensions dans le groupe
apparaissent au fil du temps et, en 1980, le claviériste Richard Wright est
exclu du groupe par Roger Waters, qui en prend entièrement le contrôle. Après
un album, The Final Cut (1983), dont
il est l'unique auteur, il annonce la fin du groupe en 1985. David Gilmour et
Nick Mason, les membres restants, décident d'enregistrer un nouvel album sans
Waters et en réintégrant Rick Wright. Le groupe produit A Momentary Lapse of Reason
(1987) et The Division Bell (1994)
tout en recommençant à se produire en concert, puis met ses activités en
sommeil en 1996.
* Les différents membres se réunissent
ensuite à quelques occasions dans les années 2000. Pink Floyd dans sa formation
la plus connue (avec Gilmour, Mason, Waters et Wright) donne sa dernière
prestation publique le 2 juillet 2005 lors du Live 8 à Londres. L'événement
suscite de nombreuses rumeurs de reformation du groupe, démenties par David
Gilmour et devenues caduques avec la mort de Syd Barrett en 2006 puis de
Richard Wright en 2008.
Richard
Wright, Roger Waters, Nick Mason et Syd Barrett (à droite)
avant qu’il ne soit remplacé par David
Gilmour
* Les 5 membres de Pink Floyd sont : Syd Barrett (1946-2006,
guitare, écarté du groupe en 1968 à cause de sa surconsommation de drogue),
Roger Waters (basse, 1943) David Gilmour (guitare et chant, 1946), Nick Mason
(batterie, 1944), Richard Wright (claviers, 1943-2008). Ils sont issus de
bonnes familles et le noyau du groupe s'est rencontré en école d'architecture.
* Le nom du groupe : Pink + Floyd = Pink
Floyd. Le choix de ce nom est dû à Syd Barrett qui eut l'idée de joindre les
prénoms de deux bluesmen qu'il admirait : Pink Anderson (1901-1974) et Floyd
Council (1911-1976).
* Nick Mason a résumé l'évolution du
groupe avec humour: «À bord du Floyd,
j'étais sous les ordres de capitaines exigeants et parfois intransigeants. Le
premier fut le dingue capitaine Syd Barrett. Ses yeux brillants d'histoires de
trésor et de visions étranges ont failli nous mener à la catastrophe, jusqu'à
ce que la mutinerie nous pousse sous le commandement du cruel Roger Waters...
Un peu plus tard, Roger allait s'infliger le supplice de la planche et se faire
remplacer par le matelot deuxième classe David Gilmour. Je me suis maintenu au
poste de cuisinier du navire»
Formation classique du groupe avec (de g
à d)
Roger
Waters, Richard Wright, Nick Mason et David Gilmour vers 1972
Richard
Wright, David Gilmour, Nick Mason et Roger Waters. Début années 70
David
Gilmour, Roger Waters, Nick Mason et Richard Wright lors d’une
apparition très remarquée et très rare (la
dernière) à un concert de charité à Londres le 2 juillet2005
David
Gilmour vers 1973 (gauche) et vers 2008 (droite) affublé de la célèbre poppy
(coquelicot en papier qui se porte tous les ans aux alentours du 11 novembre,
en signe de donation en faveur des soldats britanniques morts au combat)
B - Discographie
et évolution de leur style
|
|
|
The piper at the gates of dawn (1967) |
A saucerful
of secrets (1968) |
More (1969) |
|
|
|
Ummagumma (1969) |
Atom Heart Mother (1970) |
Meddle (1971) |
|
|
|
Obscured by clouds (1971) |
Dark side of the moon (1973) |
Wish you were here (1975) |
|
|
|
Wish you were here (1975) |
Animals (1977) |
The Wall (1979) |
|
|
|
The final cut (1983) |
A momentary lapse of reason (1987) |
The division bell (1994) |
Le premier album, The
piper at the gates of dawn (1967) contemporain de l’album Sergent Pepper’s lonely hearts club band
des Beatles, est dominé par la personnalité de Syd Barrett qui compose
quasiment tous les titres. Il voit déjà surgir deux morceaux aux accents
progressifs: longs délires, teintés d’ambiances psychédéliques, très éloignés
du format de la chanson traditionnelle: Astronomy
Domine et surtout Interstellar
overdrive sont de véritables moments de folie, leurs longues digressions
improvisées signent le véritable avant-gardisme du groupe, tout en contraste
avec les chansons courtes et humoristiques du style de Barrett (The gnome, Bike..)
Dans le 2e album, A
saucerful of secrets (1968), Syd Barrett est définitivement écarté du
groupe. on retrouve encore davantage de plages délirantes et planantes comme
les excellents A saucerful of secrets et
surtout Set the controls for the heart of
the sun (promis à de nombreuses reprises dans les concerts futurs, et dans le
Live à Pompei).
Atom Heart Mother sort en 1970, comme 5e album et constitue
davantage une transition, une expérience provisoire pour un groupe qui se
cherche encore. La période véritablement «classique» du groupe démarre en 1973
avec le succès planétaire de Dark side of
the moon, jusqu’à The wall. Après
ce dernier album, les tensions au sein du groupe et la fin de la vague
progressive verront le groupe décliner.
The Australian Pink Floyd show (cover band)
insiste sur la restauration
des effets de lumières tels qu’ils étaient à l’origine
dans les concerts de Pink Floyd
IV - Atom Heart Mother: Présentation et analyse
* L’album Atom Heart Mother sort en 1970 entre l'héritage pop des Beatles et
le sommet en mars 1973, avec l'album The
Dark Side of the Moon qui est un des albums les plus vendus au monde. Il
sort en pleine naissance du genre du rock progressif.
* Son titre provient de la lecture d’un
article de journal où il était question de la première femme enceinte équipée
d’un cœur à pile atomique.
* La première face du vinyle comporte le
morceau portant le nom de l’album, la 2e face quelques chansons
courtes très différentes: If, Summer 68, Fat old sun et l’expérimental et curieux Alan’s psychedelic breakfast constitué de collages divers de bruits
de petit-déjeuner.
* La base du morceau a été faite par
Roger Waters et Nick Mason et s’appelait à l’origine The amazing pudding, qui montre que, tel ce gâteau savoureux
typiquement britannique constitué d’un mélange improbable de divers
ingrédients, le morceau était constitué d’un tas d’éléments hétéroclites.
«Cet album était un patchwork confus»
dit David Gilmour. Une œuvre hybride, composée de parties de style très
différent et sans véritable lien entre elles.
* Comme à son habitude le groupe fait
d’abord tourner ce morceau en concert (notamment à Paris au Théâtre des
Champs-Elysées le 23 janvier 1970) afin de le mûrir et l’enregistre après, en
juin 1970 sous son véritable nom d’Atom
Heart Mother
* Roger Waters fit appel au
compositeur écossais Ron Gessin
(1943), pour y apporter une orchestration originale: un ensemble de cuivres de
10 instruments (3 trompettes, 3 trombones, 3 cors, un tuba), un violoncelle
solo, un dispositif électronique, trois solistes femmes et un chœur mixte de 20
chanteurs, en plus de l’orchestre rock traditionnel (guitare, basse, batterie,
claviers). Ron Geesin travaille à partir d’une cassette du matériau de
base. La séance d’enregistrement est dans un premier temps dirigée par Ron
Geesin, mais dépassé par la tâche, dut laisser le chef de chœurs John Alldis
terminer le travail.
Ron Geesin à une époque, et à une autre…
Trompette, Trombone, Cor et Tuba: les cuivres employés dans Atom Heart Mother
* L'œuvre est emblématique du rock
progressif par sa durée (près de 25 minutes), sa composition en plusieurs
parties, son orchestration recherchée et raffinée, ses différentes parties
aux climats très variables.
* Des liens avec la musique savante
classique:
- une orchestration très travaillée
- Un caractère proche d’un mouvement
de symphonie romantique (héroïsme des thèmes avec cuivres dans le début d’Atom Heart Mother et du thème du dernier
mouvement de
- Une structure complexe avec de
nombreuses sous-parties et deux thèmes principaux
* Influence de la musique concrète
(hennissements, galopades, explosions et démarrage de moto) ainsi que celle
des collages sonores (notamment dans la partie «réminiscences diverses »,
voir tableau plus bas
Courbe de volume générale de toute la
pièce
ATOM HEART
MOTHER - structure générale
I - FATHER’S SHOUT «Le
cri du père»
* D’une introduction partant d’un son grave (un mi)
émergent des cuivres aux motifs dissonants dans un climat confus.
* Puis vient le grand thème cuivré. Bâti
sur une carrure de 4 mesures, il est tonal (mi mineur), majestueux, héroïque.
Si la grille existait déjà dans la version Amazing
pudding, c’est Ron Geesin qui composa le thème.
* Des bruitages divers (explosions, hennissements,
moto), marquant l’influence de la musique concrète (Pierre Henry) sur fond de lignes
de cors confus réintroduisent à nouveau le grand thème cuivré une 2e
fois, plus richement contrepointé que la première fois. On entend ce motif
chromatique à la trompette qui existait dans Amazing pudding, donné à l’origine en boucle au clavier.
II - BREAST MILKY «Sein
laiteux»
* Tout comme le grand thème cuivré de Father’s shout, le thème de la partie Breast Milky est composé par Ron Geesin
sur une grille d’accord préexistante, déjà composée par les Floyds. Dans un
climat plus calme et plus intimiste que la partie précédente, bâti lui aussi
sur une carrure de 8 mesures, il est entendu la première fois par le
violoncelle solo, accompagné par des arpèges de clavier:
* La suite d’accord est très déroutante:
si mi mineur est la tonalité de début et de fin, le passage central est très
modulant, à des tonalités très éloignées (sol# mineur, mib majeur…). On
retrouvera plus tard ce principe d’accords très modulants dans The great gig in the sky de l’album Dark side of the moon.
* Cette grille est répétée 5 fois avec
une orchestration qui s’enrichit à chaque fois
1) Violoncelle solo et arpèges brisés du clavier
2) Violoncelle solo 2e fois avec batterie et arpèges
continus et rapides du clavier
3) Solo guitare avec slides «hawaiens» (utilisation du
bottleneck)
4) Solo guitare dans l’aigu, de plus en plus passionné
sur fond de cuivres
5) Idem à 4) plus chœurs
* La guitare électrique utilise les techniques
standard et éprouvées des solos de guitare de rock:
- Bends:
Cela consiste à modifier la hauteur d’une note en tordant la corde vers le haut
ou vers le bas par le doigt de la main du manche qui la pince. Plus la corde
est tordue plus la hauteur de note change.
- Vibrato:
Un petit levier équipe certaines guitares qui permet de tendre plus ou moins
les cordes à la vitesse voulue créant un effet de vibrato ou trémolo
- Slides:
(to slide: glisser) Effet de jeu visant à modifier la hauteur de la note
obtenue en glissant le doigt, ici avec un bottleneck) le long
de la corde.
Bottleneck
III - MOTHER FORE «Mère
antérieure»
* Cette partie nous plonge dans un
climat encore très différent des deux premières. D’un caractère extatique et
hypnotique dû aux accords-pédales (deux accords seulement (mi mineur et la
mineur) tenus longtemps et en boucle), l’apparition des voix solistes puis du
chœur sur des vocalises gratuites (sans paroles) donne un aspect presque
religieux à l’ensemble. Il semble qu'il y ait eu une implication très
importante de John Alldis pour cette partie, alors que Ron Geesin connaissait
des difficultés pour diriger l'oeuvre.
* Trois solistes femmes et
chœur de près de cinq minutes,
entièrement chantée sur onomatopées. Interprétée avec le soutien de l’orgue et
de la basse dans ses deux premières parties, elle développe une montée
progressive en puissance (procédé de densification de la texture, en crescendo)
que vient renforcer in fine l’entrée de l’orchestre rock ; elle
évolue aussi d’un caractère mélodique affirmé, d’une écriture horizontale –
partie avec solistes - vers un développement beaucoup plus rythmique et
vertical.
* Cette pièce peut être structurée en trois parties,
dans une évolution du calme vers le grandiose (comme pour Breast Milky):
-
1ère partie C1: 3 solistes femmes
- 2ème partie C2: entrée du chœur - avec solistes
- 3ème partie C3: chœur, solistes et orchestre rock (sans guitare)
* A la toute fin,
la grille harmonique change pour introduire la partie suivante avec ces accords
de transition:
IV - FUNKY DUNG «Bouse funky»
* Une partie aux accents groovy, jazzy,
bluesy. Sur un riff entêtant de la basse en sol mineur se développe un solo de
guitare ponctué d’accords de l’orgue.
riff de la basse
* De longues notes aigues au clavier
mettent un terme au solo de guitare qui s’efface progressivement. Les chœurs
interviennent alors sur des phonèmes percutants «Fzzzz», «Rapaticaaaa», «Tchaaaa»
Manuscrit
autographe de Ron Geesin des phonèmes des choeurs
* Puis se fait entendre le retour du
grand thème cuivré de Father’s shout
avec de nouveaux contre chants des trombones et tubas.
V - MIND YOUR THROATS PLEASE
«Faites attention à vos
gorges, s’il vous plait»
* La partie la plus expérimentale, la
plus psychédélique peut-être, la plus surréaliste. Ce passage, audacieux dans
le milieu du rock, fait essentiellement intervenir des échantillons sonores
joués par le mellotron (clavier): cris de la jungle, bande magnétique à
l'envers, sifflements, voix filtrée («Silence
in the studio»), passage de train, déflagration, sonnerie…
* On entend dans un 2e temps un
bref solo de guitare et des réminiscences des thèmes A (Father’s shout) et B (Breast
Milky), comme un vague souvenir ou comme dans un rêve.
VI – REMERGENCE «Résurgence»
* Telle une forme classique ABA, on retrouve à la fin
de l’oeuvre les thèmes de Father’s shout
(avec un arrangement un peu modifié) et de Breast
Milky avec ses cinq grilles faisant évoluer l’orchestration comme au début.
* Le tout évolue vers un grand final sur
la grille de Father’s shout, sans le
thème mais avec des arrangements du chœurs inédits.
LES ASPECTS SAVANTS ET POPULAIRES
|
ASPECTS
POPULAIRES |
ASPECTS
SAVANTS |
Orchestration |
Emploi
de l’orchestre rock (guitare, basse,batterie, chant, clavier) souvent utilisé
dans la musique populaire |
-
Emploi des instruments de l’orchestre classique (trompettes, trombones,
cuivres, tuba, violoncelle) - de chœurs élaborés -
d’instruments expérimentaux (mellotron) |
Caractère |
|
Très
varié selon les parties (héroïque, clame, méditatif, hypnotique, agité,
trouble, serein…) |
Structure |
|
Une
pièce longue, au découpage élaboré comme une symphonie classique ou
romantique, loin de la simple structure couplets/refrain des chansons
populaires |
Autre |
Education
musicale non académique des musiciens, ils se sont formés tout seuls, à
l’oreille |
Education
musicale académique de Ron Geesin, il sait lire la musique, il compose sur
partition |
Sources
Cours
- Eléments de cours
d’Emmanuel Thiry (Académie de Rouen)
- Eléments de cours de
Marie-Claire Fayret
- Eléments de cours d’Eric
Michon (IPR Orléans-Tours)
Revues
- L’Education musicale,
supplément au n°572, septembre-octobre 2011, Baccalauréat 2012. Pink Floyd/Ron
Geesin: Atom heart mother, Paul Gontcharoff
- L’Analyse musicale n°66,
spécial Baccalauréat 2012, Septembre 2011. Articles de:
- Présentation
historique du rock progressif, Christophe Pirenne
- Atom Heart Mother des Pink Floyd: un exemple de
symbiose réussie entre le savant et le populaire
- Les
espaces virtuels: analyse comparée de A day in the life (Beatles) et Atom Heart
Mother, Sébastien
Saint-André
- Fiche
de synthèse: dossier Pink Floyd, Jean-Baptiste Kreisler
- Pink Floyd, Atom Heart Mother, Philippe Gonin, SCEREN-CNDP 2011,
collection Arts au singulier
Livres
- Pink Floyd, l’histoire
selon Nick Mason, 2004. Editions E/P/A 2005 pour la traduction française
- Chroniques du rock progressif 1967-79, Frédéric Delage, ed.
- Pink Floyd, Plongée dans l’œuvre d’un groupe paradoxal, Aymeric
Leroy, ed. Le mot et le reste, 2011
- Rock Progressif, Aymeric
Leroy, ed. Le mot et le reste, 2010
- Le rock progressif anglais, Christophe Pirenne, Librairie Honoré
Champion, 2005
Sites - Vidéos
- Pink Floyd officiel www.pinkfloyd.com
- Une impressionnante
collection de vidéos de Pink Floyd: http://pinkfloydtv.blogspot.com/
- Pages pédagogiques du site
de la cité de la musique http://mediatheque.cite-musique.fr
- Site en français dédié au
rock progressif et à l’école de Canterbury en particulier: http://calyx.perso.neuf.fr
- Superbe reprise d’Atom Heart Mother par les étudiants du
Conservatoire Supérieur de musique de Paris en
2003, film de Raphaël Allain. Cliquez ici.
- Wikipedia, article Pink Floyd