”Atom heart mother” - Pink Floyd (1970)

(extrait de l’album du même nom)

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Superbe reprise d’Atom Heart Mother par les étudiants du Conservatoire Supérieur de musique de Paris en 

 2003, film de Raphaël Allain. Cliquez ici.

 Un peu d'humour ici

I - La musique populaire et son contexte 1960-1970

 

II - Le rock progressif  v.1968- v.1976

 

III - Pink Floyd: un géant du rock progressif

 

IV - Atom Heart Mother: Présentation et analyse

 

 

I - La musique populaire et son contexte 1960-1970

 

A) Rock’n’roll, Beatles, guitar heroes

 

 

* La musique populaire de ces années est marquée par le Rock’n’roll, qui est une danse, popularisée principalement par Bill Haley (et son célèbre Rock around the clock de 1956), Little Richard (Tutti Frutti, 1956), le crooner américain Elvis Presley et les célèbres groupes anglais The Rolling stones ou évidemment les Beatles.

 

* Cette musique est légère, facile à écouter, divertissante, passe facilement à la radio car les chansons sont courtes. Elle est surtout marquée par son aspect dansant irrésistible, sa structure simple couplets/refrains et ses mélodies faciles à retenir: le bon cocktail pour une musique populaire à succès. Exemple: Love me do (Beatles, 1962)

 

* La formation emblématique de l’orchestre rock est: basse, batterie, guitare(s)  rythmique et solo. Un instrumentiste chante en solo mais d’autres membres peuvent faire des chœurs.

 

* Outre le rock progressif (voir plus loin) se développe à la fin des années 1960 un rock marqué par les guitar heroes, où le guitariste abonde de solos virtuoses, gémissant d’un plaisir extasié, lui donnant un aspect de super soliste comme Jimi Hendrix par exemple. Le Hard-Rock fait aussi son apparition avec abondance de guitares saturées et suramplifiées (Led Zeppelin, Deep Purple, Black Sabbath, AC/DC…)

 

 

Jimi Hendrix (1943 -1970

 

 

B) Le contexte à la fin des années 1960: hippies, psychédélisme et drogues

                a) Le mouvement hippie, le «Flower Power»

 

« Dans les années 1960 on voit apparaître aux USA et en Europe des idées nouvelles: l'autogestion, l'écologie, le rejet des religions traditionnelles. Dans les arts, la musique psychédélique et le pop-art marquent les esprits. Le slogan Flower Power (l'énergie de la fleur) était le symbole de la non-violence. Rupture avec la société de masse, évasion hors de l'Amérique consommatrice et bien-pensante, goût de la prose spontanée (Kerouac), attirance pour la pensée orientale, pacifisme (protestation contre la guerre du Viêt Nam), et la pratique de la méditation caractérisent ce mouvement. Les hippies naissent du baby-boom (en 1965, 50% de la population américaine est âgée de moins de 25 ans), et de la découverte en 1948 d'une substance hallucinogène qui va rester légale jusqu'en 1967: le LSD. Un discours contestataire émerge dont les conséquences ont des répercussions encore aujourd'hui : pacifisme, écologie, internationalisme… » D’après un article d’Eric Michon.

 

 

 

b) Le psychédélisme et les drogues:

 

«Psychédélisme est le terme utilisé pour décrire un mouvement de la contre-culture apparu au milieu des années 1960. Dans ce terme sont regroupées toutes les tentatives pour recréer de façon consciente les perceptions sensorielles distordues créées par l'ingestion de drogue hallucinogène tels que le LSD ou la mescaline. Il s'applique donc principalement au domaine visuel et sonore. (…) Le mouvement commence à apparaître à partir de 1966 quand l'usage du LSD (…) se répand dans une population jeune plus importante et plus ouverte à la découverte que la génération précédente élevée dans une société moins permissive. (…) L'art psychédélique a gagné en popularité en tant que composant visuel de la musique psychédélique (Jimi Hendrix, Grateful Dead et Pink Floyd) en particulier à travers les affiches de concerts ou les couvertures d'albums de designers comme Wes Wilson, Victor Moscoso, Rick Griffin (1944-1991), Nigel Waymouth et Martin Sharp. Les enchevêtrements et les courbes sinueuses se multiplient à l'infini, l'Art nouveau est une influence majeure et Alphonse Mucha (1860-1939) se trouve ici des héritiers inattendus. Les lettrages suivent la même tendance jusqu'à être presque illisibles. L'usage de couleurs saturées et multiples est de rigueur»  Eric Michon.

 

Il est donc clair que le contexte esthétique des premières années de Pink Floyd est baigné de ce « psychédélisme». N’oublions pas que la musique s’écoutait sur des disques noirs «vinyles» et qu’une face qui durait environ 25 minutes pouvait correspondre à la durée d’un trip, d’un voyage stimulé éventuellement par le LSD ou «acide», cette drogue hallucinogène qui apportait au sujet des perceptions imaginaires délirantes, stimulantes parfois pour la création, mais qui le réduisait aussi en véritable légume. Le lien entre les musiques progressives qui comportent souvent des morceaux longs, développés et l’univers des drogues hallucinogènes est parfois vite établi, à tort ou à raison…

 

A saucerful of secrets (Pink Floyd, 1968):
 une couverture bien psychédélique

 

    

 

II - Le rock progressif (env. 1968-1980)

 

Quelques groupes et albums emblématiques de rock progressif, hors Pink Floyd qui est évidemment un maître du genre (voir plus loin):

 

King Crimson
In the court of the Crimson king (1969)

 

Genesis
Foxtrot (1972)

Genesis
The Lamb lies down on broadway (1974)

Yes
Tales from topographic oceans (1972)

 

Yes
Relayer (1974)

Camel
The snow goose (1975)

Jethro Tull
Aqualung (1971)

 

National Helath
Of queues and cures (1978)

Mike Oldfield
Tubular bells (1973)

Tangerine dream
Stratosfear (1975)

 

Magma
Mekanïk Destrktïw Kommandöh (1973)

Harmonium
Si on avait besoin d’une 5e saison (1975)

Ange
Caricatures (1972)

Ange
Au delà du délire (1973)

Atoll
Rock Puzzle (1979)

 

* A la fin de l’année 1970, un certain Steve Hackett lit cette annonce dans Melody Maker où l’on cherche un guitariste «determined to strive beyond existing stagnant music forms» (déterminé à dépasser les formes musicales stagnantes). L’annonce est passée par Peter Gabriel chanteur de Genesis à la recherche d’un guitariste pour l’un des groupes de rock progressifs les plus marquants. Cela montre à quel point ce courant cherchait à expérimenter de nouvelles voies

 

* Le rock progressif sera un genre dans lequel Pink Floyd va passer maître. C’est un genre sérieux où l’on se prend au sérieux. Très anglais, ce genre tente de partir d’un rock « de base » pour l’emmener vers un style plus élaboré. Le rôle du guitariste-star (tel J.Hendrix) ou du chanteur-star (tels Mick Jagger des Rolling Stones ou Jim Morrisson des Doors) s’efface rendant la scène peut-être un peu moins sexy, mais au profit d’une qualité d’écriture et de composition qui le rapproche de la musique classique. Le public des concerts est surtout masculin, et n’est pas invité à pogoter, à casser du matériel, à devenir saoul et prendre la musique pour un prétexte à faire la fête. «We like audiences who sit down and listen» (nous aimons un public qui s’assoit et qui écoute) dit Mike Rutherford, guitariste-bassiste de Genesis au début des années 1970.

 

* A l’opposé de la chanson simple de 3 minutes s’élaborent des compositions longues, complexes aux caractères contrastés: méditatif, planant, lyrique, emporté, hallucinant… On glisse d’un genre populaire (le rock) vers un genre plus savant.

 

* On relève la présence de longues parties instrumentales (longues plages planantes au début de Shine on you crazy diamond (album Wish you were here, 1975), solo de clavier final de Cinema show (Genesis, album Selling England by the pound, 1973) ou la superbe et très riche composition de 20 minutes Supper’s ready (Genesis, album Foxtrot, 1972)

 

* Enrichissement de l’orchestration: s’il y a toujours le quartet de rock de base (guitare, basse, chant, batterie), on rajoute volontiers des claviers à profusion aux effets multiples, des instruments de l’orchestre symphonique (souvent la flûte traversière (Camel, The snow Goose, 1975), des bruitages (Atom Heart Mother)

 

* Il y a donc un glissement d’un genre populaire et dansant vers un genre plus savant. De plus le croisement avec d’autres styles à priori éloignés du rock est bienvenu (musique classique, jazz, musique contemporaine, musiques traditionnelles, extra européennes…)

 

* Comme l’avaient déjà un peu fait les Beatles (Sergent Pepper’s lonely hearts club band, 1967), on sort des albums-concepts c'est-à-dire non pas une suite de chansons isolées sans lien entre elles mais avec un véritable fil conducteur (The wall (1979), ou The lamb lies down on Broadway (Genesis, 1974)

 

* Les chansons ne se limitent pas à des textes d’amour simplistes.  De nombreuses références (culturelles, mythologiques, sociales…) sont sollicitées. Des textes parfois plus sombres, plus intravertis, plus réflexifs, plus ésotériques (les paroles de Tales from topographic oceans (Yes, 1972) s’inspirent par exemple de «l’autobiographie d’un Yogi» d’un sage hindou Paramhansa Yogananda (1893-1952), nombreux textes de Genesis relèvent du surréalisme anglais et d’un univers proche de celui d’Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll.

 

* Les groupes phares du rock progressif, outre Pink Floyd évidemment, sont National Health, Mike Oldfield, King Crimson, Yes, Genesis (jusqu’en 1978 environ), Emerson Lake and Palmer (reprise des tableaux d’une exposition de Moussorgsky, montrant le lien qu’il y a entre le rock progressif et la musique classique), Jethro Tull (et leur célèbre reprise de la Bourrée de JS Bach), Tangerine Dream (groupe allemand qui ne garde du rock progressif que le caractère planant, long et développé en abandonnant l’usage de la batterie). En Allemagne existe aussi un fort courant progressif appelé le Krautrock. En France on retient Ange, Atoll, Gong et Magma principalement. Aujourd’hui les groupes d’essence progressive existent toujours avec succès (Dream Theater, Radiohead…), même si le courant est beaucoup plus confidentiel

 

* La vague disco (Donna Summer, Bee Gees, Boney M) et la vague punk (Sex pistols) à partir de 1977 environ marqueront la fin de la grande époque du rock progressif.. Des groupes progressifs à leurs origines comme Genesis, se tournent vers une musique plus commerciale, accrocheuse et moins élaborée (Invisible touch, 1986), ou même Yes (Owner of a lonely heart, 1984). En France des groupes comme Téléphone (Quelque chose en toi, Un autre monde) ou Trust (Antisocial) à la fin des années 70 signent la mort du progressif pour une musique plus directe, moins complexe, moins riche, mais plus efficace, plus accessible, plus dansante, qui passe facilement à la radio, et qui engrange de gros succès commerciaux.


* Un peu d'humour ici

 

III - Pink Floyd: un géant du rock progressif

 

   A – Brève histoire du groupe

 

* Pink Floyd est un groupe de rock progressif et psychédélique britannique formé en 1964. Il est reconnu pour sa musique planante et expérimentale, ses textes philosophiques et satiriques, ses albums-concept et ses performances en concert originales et élaborées. De ses débuts à aujourd'hui, le groupe a vendu plusieurs centaines de millions d'albums à travers le monde. Aux seuls États-Unis, les ventes des albums de Pink Floyd sont dénombrées par la RIAA à hauteur de 74,5 millions d'exemplaires. L’album Dark side of the moon restera plus de 14 ans dans le top 200 (record absolu) et le 3e album le plus vendu au monde.

 

* Initialement mené par le guitariste Syd Barrett, le groupe connaît un succès modeste au milieu des années 1960, puis devient l'un des groupes underground londoniens les plus populaires de la scène psychédélique. Cependant, le comportement de plus en plus instable de Barrett (rongé par une trop grande consommation de LSD), conduit les autres membres à le remplacer par David Gilmour, un ami d'enfance de Barrett. Après le départ de ce dernier, le bassiste Roger Waters devient progressivement le meneur du groupe, composant la plupart des chansons et signant toutes les paroles à partir de 1972. Pink Floyd acquiert l'année suivante une célébrité mondiale avec The Dark Side of the Moon (1973), l'un des trois albums les plus vendus de tous les temps.

 

* Le groupe enchaîne les succès au cours des années 1970 avec Wish You Were Here (1975), Animals (1977) et The Wall (1979), ce dernier donnant lieu à une adaptation cinématographique. Mais des tensions dans le groupe apparaissent au fil du temps et, en 1980, le claviériste Richard Wright est exclu du groupe par Roger Waters, qui en prend entièrement le contrôle. Après un album, The Final Cut (1983), dont il est l'unique auteur, il annonce la fin du groupe en 1985. David Gilmour et Nick Mason, les membres restants, décident d'enregistrer un nouvel album sans Waters et en réintégrant Rick Wright. Le groupe produit A Momentary Lapse of Reason (1987) et The Division Bell (1994) tout en recommençant à se produire en concert, puis met ses activités en sommeil en 1996.

 

* Les différents membres se réunissent ensuite à quelques occasions dans les années 2000. Pink Floyd dans sa formation la plus connue (avec Gilmour, Mason, Waters et Wright) donne sa dernière prestation publique le 2 juillet 2005 lors du Live 8 à Londres. L'événement suscite de nombreuses rumeurs de reformation du groupe, démenties par David Gilmour et devenues caduques avec la mort de Syd Barrett en 2006 puis de Richard Wright en 2008.

 

 

 

Richard Wright, Roger Waters, Nick Mason et Syd Barrett (à droite)

avant qu’il ne soit remplacé par David Gilmour

 B - Les membres

* Les 5 membres de Pink Floyd sont : Syd Barrett (1946-2006, guitare, écarté du groupe en 1968 à cause de sa surconsommation de drogue), Roger Waters (basse, 1943) David Gilmour (guitare et chant, 1946), Nick Mason (batterie, 1944), Richard Wright (claviers, 1943-2008). Ils sont issus de bonnes familles et le noyau du groupe s'est rencontré en école d'architecture.

* Le nom du groupe : Pink + Floyd = Pink Floyd. Le choix de ce nom est dû à Syd Barrett qui eut l'idée de joindre les prénoms de deux bluesmen qu'il admirait : Pink Anderson (1901-1974) et Floyd Council (1911-1976).

 

* Nick Mason a résumé l'évolution du groupe avec humour: «À bord du Floyd, j'étais sous les ordres de capitaines exigeants et parfois intransigeants. Le premier fut le dingue capitaine Syd Barrett. Ses yeux brillants d'histoires de trésor et de visions étranges ont failli nous mener à la catastrophe, jusqu'à ce que la mutinerie nous pousse sous le commandement du cruel Roger Waters... Un peu plus tard, Roger allait s'infliger le supplice de la planche et se faire remplacer par le matelot deuxième classe David Gilmour. Je me suis maintenu au poste de cuisinier du navire»

 

 

 

Formation classique du groupe avec (de g à d)

Roger Waters, Richard Wright, Nick Mason et David Gilmour vers 1972

 

 

Richard Wright, David Gilmour, Nick Mason et Roger Waters. Début années 70

 

 

 

 

David Gilmour, Roger Waters, Nick Mason et Richard Wright lors d’une

apparition très remarquée et très rare (la dernière) à un concert de charité à Londres le 2 juillet2005

 



David Gilmour vers 1973 (gauche) et vers 2008 (droite) affublé de la célèbre poppy (coquelicot en papier qui se porte tous les ans aux alentours du 11 novembre, en signe de donation en faveur des soldats britanniques morts au combat)

 

  

B - Discographie et évolution de leur style

 

 

The piper at the gates of dawn (1967)

 

A saucerful of secrets (1968)

 

More (1969)

 

Ummagumma (1969)

 

Atom Heart Mother (1970)

 

Meddle (1971)

 

Obscured by clouds (1971)

 

Dark side of the moon (1973)

Wish you were here (1975)

 

Wish you were here (1975)

 

Animals (1977)

 

The Wall (1979)

 

The final cut (1983)

A momentary lapse of reason (1987)

The division bell (1994)

 

Le premier album, The piper at the gates of dawn (1967) contemporain de l’album Sergent Pepper’s lonely hearts club band des Beatles, est dominé par la personnalité de Syd Barrett qui compose quasiment tous les titres. Il voit déjà surgir deux morceaux aux accents progressifs: longs délires, teintés d’ambiances psychédéliques, très éloignés du format de la chanson traditionnelle: Astronomy Domine et surtout Interstellar overdrive sont de véritables moments de folie, leurs longues digressions improvisées signent le véritable avant-gardisme du groupe, tout en contraste avec les chansons courtes et humoristiques du style de Barrett (The gnome, Bike..)

Dans le 2e album, A saucerful of secrets (1968), Syd Barrett est définitivement écarté du groupe. on retrouve encore davantage de plages délirantes et planantes comme les excellents A saucerful of secrets et surtout Set the controls for the heart of the sun (promis à de nombreuses reprises dans les concerts futurs, et dans le Live à Pompei).

 

Atom Heart Mother sort en 1970, comme 5e album et constitue davantage une transition, une expérience provisoire pour un groupe qui se cherche encore. La période véritablement «classique» du groupe démarre en 1973 avec le succès planétaire de Dark side of the moon, jusqu’à The wall. Après ce dernier album, les tensions au sein du groupe et la fin de la vague progressive verront le groupe décliner.

 


The Australian Pink Floyd show (cover band) insiste sur la restauration

 des effets de lumières tels qu’ils étaient à l’origine dans les concerts de Pink Floyd

 

IV - Atom Heart Mother: Présentation et analyse

 

* L’album Atom Heart Mother sort en 1970 entre l'héritage pop des Beatles et le sommet en mars 1973, avec l'album The Dark Side of the Moon qui est un des albums les plus vendus au monde. Il sort en pleine naissance du genre du rock progressif.

 

* Son titre provient de la lecture d’un article de journal où il était question de la première femme enceinte équipée d’un cœur à pile atomique.

 

* La première face du vinyle comporte le morceau portant le nom de l’album, la 2e face quelques chansons courtes très différentes: If, Summer 68, Fat old sun et l’expérimental et curieux Alan’s psychedelic breakfast constitué de collages divers de bruits de petit-déjeuner.

 

* La base du morceau a été faite par Roger Waters et Nick Mason et s’appelait à l’origine The amazing pudding, qui montre que, tel ce gâteau savoureux typiquement britannique constitué d’un mélange improbable de divers ingrédients, le morceau était constitué d’un tas d’éléments hétéroclites. «Cet album était un patchwork confus» dit David Gilmour. Une œuvre hybride, composée de parties de style très différent et sans véritable lien entre elles.

 

* Comme à son habitude le groupe fait d’abord tourner ce morceau en concert (notamment à Paris au Théâtre des Champs-Elysées le 23 janvier 1970) afin de le mûrir et l’enregistre après, en juin 1970 sous son véritable nom d’Atom Heart Mother

 

* Roger Waters fit appel au compositeur écossais Ron Gessin (1943), pour y apporter une orchestration originale: un ensemble de cuivres de 10 instruments (3 trompettes, 3 trombones, 3 cors, un tuba), un violoncelle solo, un dispositif électronique, trois solistes femmes et un chœur mixte de 20 chanteurs, en plus de l’orchestre rock traditionnel (guitare, basse, batterie, claviers). Ron Geesin travaille à partir d’une cassette du matériau de base. La séance d’enregistrement est dans un premier temps dirigée par Ron Geesin, mais dépassé par la tâche, dut laisser le chef de chœurs John Alldis terminer le travail.

 


Ron Geesin à une époque, et à une autre…

 

    

 

        


Trompette, Trombone, Cor et Tuba: les cuivres employés dans Atom Heart Mother

 

* L'œuvre est emblématique du rock progressif par sa durée (près de 25 minutes), sa composition en plusieurs parties, son orchestration recherchée et raffinée, ses différentes parties aux  climats très variables.

 

* Des liens avec la musique savante classique:

- une orchestration très travaillée

- Un caractère proche d’un mouvement de symphonie romantique (héroïsme des thèmes avec cuivres dans le début d’Atom Heart Mother et du thème du dernier mouvement de la Symphonie n°9 dite «du nouveau monde» de Dvorak (1841-1904)  en héritage des effets grandioses du romantisme

- Une structure complexe avec de nombreuses sous-parties et deux thèmes principaux

 

* Influence de la musique concrète (hennissements, galopades, explosions et démarrage de moto) ainsi que celle des collages sonores (notamment dans la partie «réminiscences diverses », voir tableau plus bas


Courbe de volume générale de toute la pièce


ATOM HEART MOTHER - structure générale  (source E.Michon)

 


I - FATHER’S SHOUT   «Le cri du père»

* D’une introduction partant d’un son grave (un mi) émergent des cuivres aux motifs dissonants dans un climat confus.

* Puis vient le grand thème cuivré. Bâti sur une carrure de 4 mesures, il est tonal (mi mineur), majestueux, héroïque. Si la grille existait déjà dans la version Amazing pudding, c’est Ron Geesin qui composa le thème. [erreur: lire FaM pour le dernier accord]

 

 

* Des bruitages divers (explosions, hennissements, moto), marquant l’influence de la musique concrète (Pierre Henry) sur fond de lignes de cors confus réintroduisent à nouveau le grand thème cuivré une 2e fois, plus richement contrepointé que la première fois. On entend ce motif chromatique à la trompette qui existait dans Amazing pudding, donné à l’origine en boucle au clavier.

 

 

II - BREAST MILKY   «Sein laiteux»

 

* Tout comme le grand thème cuivré de Father’s shout, le thème de la partie Breast Milky est composé par Ron Geesin sur une grille d’accord préexistante, déjà composée par les Floyds. Dans un climat plus calme et plus intimiste que la partie précédente, bâti lui aussi sur une carrure de 8 mesures, il est entendu la première fois par le violoncelle solo, accompagné par des arpèges de clavier:

 

 

* La suite d’accord est très déroutante: si mi mineur est la tonalité de début et de fin, le passage central est très modulant, à des tonalités très éloignées (sol# mineur, mib majeur…). On retrouvera plus tard ce principe d’accords très modulants dans The great gig in the sky de l’album Dark side of the moon.

 

* Cette grille est répétée 5 fois avec une orchestration qui s’enrichit à chaque fois

1) Violoncelle solo et arpèges brisés du clavier

2) Violoncelle solo 2e fois avec batterie et arpèges continus et rapides du clavier

3) Solo guitare avec slides «hawaiens» (utilisation du bottleneck)

4) Solo guitare dans l’aigu, de plus en plus passionné sur fond de cuivres

5) Idem à 4) plus chœurs

 

 

* La guitare électrique utilise les techniques standard et éprouvées des solos de guitare de rock:

     

 - Bends: Cela consiste à modifier la hauteur d’une note en tordant la corde vers le haut ou vers le bas par le doigt de la main du manche qui la pince. Plus la corde est tordue plus la hauteur de note change.

 - Vibrato: Un petit levier équipe certaines guitares qui permet de tendre plus ou moins les cordes à la vitesse voulue créant un effet de vibrato ou trémolo

 - Slides: (to slide: glisser) Effet de jeu visant à modifier la hauteur de la note obtenue en glissant le doigt, ici avec un bottleneck) le long de la corde.

               Bottleneck

 

 

 

III - MOTHER FORE  «Mère antérieure»

 

* Cette partie nous plonge dans un climat encore très différent des deux premières. D’un caractère extatique et hypnotique dû aux accords-pédales (deux accords seulement (mi mineur et la mineur) tenus longtemps et en boucle), l’apparition des voix solistes puis du chœur sur des vocalises gratuites (sans paroles) donne un aspect presque religieux à l’ensemble. Il semble qu'il y ait eu une implication très importante de John Alldis pour cette partie, alors que Ron Geesin connaissait des difficultés pour diriger l'oeuvre.

* Trois solistes femmes et chœur de près de cinq minutes, entièrement chantée sur onomatopées. Interprétée avec le soutien de l’orgue et de la basse dans ses deux premières parties, elle développe une montée progressive en puissance (procédé de densification de la texture, en crescendo) que vient renforcer in fine l’entrée de l’orchestre rock ; elle évolue aussi d’un caractère mélodique affirmé, d’une écriture horizontale – partie avec solistes - vers un développement beaucoup plus rythmique et vertical.

* Cette pièce peut être structurée en trois parties, dans une évolution du calme vers le grandiose (comme pour Breast Milky):

- 1ère partie C1: 3 solistes femmes
- 2ème partie C2: entrée du chœur - avec solistes
- 3ème partie C3: chœur, solistes et orchestre rock (sans guitare)

* A la toute fin, la grille harmonique change pour introduire la partie suivante avec ces accords de transition:

 

IV - FUNKY DUNG   «Bouse funky»

 

* Une partie aux accents groovy, jazzy, bluesy. Sur un riff entêtant de la basse en sol mineur se développe un solo de guitare ponctué d’accords de l’orgue.

riff de la basse

 

* De longues notes aigues au clavier mettent un terme au solo de guitare qui s’efface progressivement. Les chœurs interviennent alors sur des phonèmes percutants «Fzzzz», «Rapaticaaaa», «Tchaaaa»

 

 

Manuscrit autographe de Ron Geesin des phonèmes des choeurs

 

 

* Puis se fait entendre le retour du grand thème cuivré de Father’s shout avec de nouveaux contre chants des trombones et tubas.

 

 

V - MIND YOUR THROATS PLEASE  «Faites attention à vos gorges, s’il vous plait»

 

* La partie la plus expérimentale, la plus psychédélique peut-être, la plus surréaliste. Ce passage, audacieux dans le milieu du rock, fait essentiellement intervenir des échantillons sonores joués par le mellotron (clavier): cris de la jungle, bande magnétique à l'envers, sifflements, voix filtrée («Silence in the studio»), passage de train, déflagration, sonnerie…

 

* On entend dans un 2e temps un bref solo de guitare et des réminiscences des thèmes A (Father’s shout) et B (Breast Milky), comme un vague souvenir ou comme dans un rêve.

 

 

VI – REMERGENCE    «Résurgence»

 

* Telle une forme classique ABA, on retrouve à la fin de l’oeuvre les thèmes de Father’s shout (avec un arrangement un peu modifié) et de Breast Milky avec ses cinq grilles faisant évoluer l’orchestration comme au début.

 

* Le tout évolue vers un grand final sur la grille de Father’s shout, sans le thème mais avec des arrangements du chœurs inédits.

 

 

LES ASPECTS SAVANTS ET POPULAIRES

  

 

 

 

 

ASPECTS POPULAIRES

 

 

ASPECTS SAVANTS

 

 

 

Orchestration

 

 

 

Emploi de l’orchestre rock (guitare, basse,batterie, chant, clavier) souvent utilisé dans la musique populaire

 

 

- Emploi des instruments de l’orchestre classique (trompettes, trombones, cuivres, tuba, violoncelle)

 - de chœurs élaborés

- d’instruments expérimentaux (mellotron)

 

 

 

Caractère

 

 

 

 

Très varié selon les parties (héroïque, clame, méditatif, hypnotique, agité, trouble, serein…)

 

 

 

Structure

 

 

 

Une pièce longue, au découpage élaboré comme une symphonie classique ou romantique, loin de la simple structure couplets/refrain des chansons populaires

 

 

 

Autre

 

Education musicale non académique des musiciens, ils se sont formés tout seuls, à l’oreille

 

 

Education musicale académique de Ron Geesin, il sait lire la musique, il compose sur partition

 

 

Sources

 

Cours

 

- Eléments de cours d’Emmanuel Thiry (Académie de Rouen)

- Eléments de cours de Marie-Claire Fayret

- Eléments de cours d’Eric Michon (IPR Orléans-Tours)

 

Revues

 

- L’Education musicale, supplément au n°572, septembre-octobre 2011, Baccalauréat 2012. Pink Floyd/Ron

  Geesin: Atom heart mother, Paul Gontcharoff

- L’Analyse musicale n°66, spécial Baccalauréat 2012, Septembre 2011. Articles de:

     - Présentation historique du rock progressif, Christophe Pirenne

     - Atom Heart Mother des Pink Floyd: un exemple de symbiose réussie entre le savant et le populaire

     - Les espaces virtuels: analyse comparée de A day in the life (Beatles) et Atom Heart Mother, Sébastien  

        Saint-André

     - Fiche de synthèse: dossier Pink Floyd, Jean-Baptiste Kreisler

- Pink Floyd, Atom Heart Mother, Philippe Gonin, SCEREN-CNDP 2011, collection Arts au singulier

 

Livres

 

- Pink Floyd, l’histoire selon Nick Mason, 2004. Editions E/P/A 2005 pour la traduction française

- Chroniques du rock progressif 1967-79, Frédéric Delage, ed. La Lauze, 2002

- Pink Floyd, Plongée dans l’œuvre d’un groupe paradoxal, Aymeric Leroy, ed. Le mot et le reste, 2011

- Rock Progressif, Aymeric Leroy, ed. Le mot et le reste, 2010

- Le rock progressif anglais, Christophe Pirenne, Librairie Honoré Champion, 2005

 

Sites - Vidéos

 

- Pink Floyd officiel   www.pinkfloyd.com

- Une impressionnante collection de vidéos de Pink Floyd: http://pinkfloydtv.blogspot.com/

- Pages pédagogiques du site de la cité de la musique   http://mediatheque.cite-musique.fr

- Site en français dédié au rock progressif et à l’école de Canterbury en particulier: http://calyx.perso.neuf.fr

- Superbe reprise d’Atom Heart Mother par les étudiants du Conservatoire Supérieur de musique de Paris en 

 2003, film de Raphaël Allain. Cliquez ici.

- Wikipedia, article Pink Floyd