JOHANN-SEBASTIAN BACH  (1685-1750)

     6ème suite pour violoncelle seul en ré majeur  BWW 1012

    

            Les  suites  pour  violoncelle  seul  de Jean-Sébastien Bach

     constituent un répertoire incontournable pour  tout violoncelliste;

     elles occupent une place de  tout premier ordre  dans l'histoire de

     cet  instrument  puisqu'elles  lui confèrent à partir  du  début du

     XVIIIème siècle un statut de soliste qu'il n'avait  pas avant. S'il

     existait  une importante  littérature pour  violon dès  le début du

     XVIIème siècle, il faut attendre la fin de ce siècle pour découvrir

     les possibilités de soliste du violoncelle (Gabrielli  1659-90). Il

     remplaa peu à peu  la  viole  de  gambe  dont  la  pratique allait

     décliner en  dépit de la notoriété dont  elle  jouissait surtout en

     France avec Marin Marais (1656-1728). 

    

             Le registre a‹gu de cette 6ème  suite   (on observe un sol4

     dans  le Prélude)  est rendu possible à l'origine  par l'adjonction

     d'une cinquième corde de mi au dessus des autres. Bach relate qu'il

     se fit construire en 1724  une Viola Pomposa,  instrument possédant

     l'accord du  violoncelle et  pourvu  de  cette cinquième  corde. Il

     était joué comme un violon à bras  et tenu au  moyen d'une courroie

     passée  sur  l'épaule.   Malgré  une   position  inconfortable,  il

     permettait de jouer les passages  a‹gus et  rapides plus facilement

     et avec des  doigtés de violon,  ce qui devait bien  l'arranger car

     il était violoniste de formation.

      

             Il ne  reste aucun manuscrit de  ces suites  de  la main de

     Bach.  La  première  copie serait  celle de  sa  jeune  épouse Anna

     Magdalena  datée de  la  fin de l'année  1720  et titrée 6 Suites a

     Violoncello Solo senza Basso (...).  On peut donc  dater ces suites

     des  années  1720-1721,  période où  Bach  séjournait  à  Cöthen et

     pendant laquelle il  écrivit beaucoup de musique  instrumentale. Il

     put  appliquer aux instruments  dont  il  disposait  la  science du

     contrepoint qu'il avait pratiquée lors de son précédent séjour à la

     cour de Weimar dans les cantates et  dans la musique  d'orgue. Bien

     que le violoncelle fut un instrument monophonique, Bach y excellait

     dans l'illusion de la polyphonie  qu'il y donnait.  Dans cette 6ème

     suite,  le  registre  étendu  aidant,  une  impression d'harmonie à

     plusieurs voix se dégage fortement. 

    

             Les 6  suites sont  écrites  sur  le  modèle  des suites de

     danses,  genre  extrêmement répandu à  l'époque,  et  ce  depuis le

     milieu du XVIIème siècle.   Elles sont une appropriation artistique

     des  traditions  de  danse,  car  leur  fonction  d'origine  a  été

     remplacée par une   stylisation purement instrumentale. C'est aussi

     le cas des  suites anglaises,  allemandes (partitas), ou fran‡aises

     pour  clavier seul  datant  de  la  même époque.  Elles sont toutes

     groupées par 6,   Bach se servant de cette contrainte pour donner à

     chacune d'elles une identité propre et forte,  non par le cadre qui

     les enserre mais  dans  l'imagination  et  la  profusion  des idées

     qu'elles contiennent. Cette 6ème suite, tout comme les cinq autres,

     propose  un  Prélude  libre,   une  Allemande,  une  Courante,  une

     Sarabande, une Gavotte I et II, et une Gigue.

    

    

     Prelude (12/8): Il s'agit sans doute du mouvement le plus chantant,

     le plus mélodique de tous.  Un motif de notes  répétées développant

     un  arpège  assure la thématique  principale.  D'abord à la tonique

     ()  puis à la dominante (la), à la sous-dominante (sol), ce motif

     agit  comme une ritournelle de  concerto à  l'italienne. La liberté

     de ce  prélude permet  à l'instrument d'exprimer sa  virtuosité par

     des  cascades  de  doubles  croches  rapides.  Quelques  accords de

     cadence  sur fond  de  dominante et  une coda  assure la fin  de la

     pièce.

    

     Allemande  (4/4):  éloignée  de  la danse,  elle garde néanmoins la

     forme bipartite à répétition (aabb) répandue dans les mouvements de

     danses.

    

     Courante  (3/4):   Alerte  et  gaie,  cette  courante  décline  des

     mouvements  d'arpèges  parfois  très  grands.  De  rapides  doubles

     croches   assurent  la  partie  centrale,   alors   qu'une  cellule

     cr-cr-2db-cr tient lieu de motif conducteur.

    

     Sarabande (3/2):  Grave et pensive, elle s'oppose par son caractère

     méditatif aux autres  pièces.  Des  doubles,  triples et quadruples

     cordes donnent à cette  pièce une teneur  franchement harmonique et

     verticale. La deuxième partie fait entendre un motif de deux noires

     liées deux à deux très balancé.

    

     Gavotte I et II (4/4):  Anecdotiques, ces pièces au caractère léger

     et dansant sont chacune une  petite variation sur  un thème simple,

     annocant par contraste  l'élaboration  de  la  pièce  suivante.  La

     Gavotte I est rejouée après la Gavotte II.

    

     Gigue:  Il s'agit de la pièce la plus dense et chargée de la suite,

     à la virtuosité marquée par un  registre très étendu  et des séries

     de doubles croches rapides ponctuées  de doubles cordes.  On  a ici

     un parfait exemple d'appropriation instrumentale  d'un mouvement de

     danse, à savoir le balancement traditionnel du mouvement de gigue à

     6/8 accéleré par la virtuosité instrumentale.