* Cette suite de danses a d’abord été écrite pour piano en 1915. Son succès conduisit Bartok et d’autres à les transcrire pour un grand nombre de formations instrumentales. Celle étudiée ici est la version pour petit orchestre de 1917.
* Elles constituent une appropriation de Bartok du répertoire populaire (des mélodies pour les 4 premières et du rythme pour les deux dernières) à son langage. Les principales contributions «savantes» de Bartok à ces danses sont :
- l’orchestration, somme toute simple, mais digne d’un compositeur sachant habiller et mettre en valeur ces mélodies
- mais surtout l’harmonisation de ces mélodies. Comme il est fréquent qu’une mélodie se répète, Bartok aura eu soin de ne pas l’harmoniser à chaque fois de la même manière. De plus il respecte les modes et échelles inhérentes à cette musique, qui ne sont pas uniquement les tyranniques modes majeurs ou mineurs. Voir à chaque danse pour les détails.
* Il y a sept danses en tout. Les 4 premières sont lentes, de type mélodie seule accompagnée, les trois dernières (les vraies danses) sont rapides et énergiques.
* Un effectif orchestral réduit: 2 flûtes, 2 clarinettes en si bémol et en la, 2 bassons, 2 cors en fa, 8 violons 1, 8 violons 2, 6 altos, 4 violoncelles, 3 ou 4 contrebasses. L’effectif orchestral n’est jamais complet avant les trois dernières danses, puisqu’un instrument soliste est mis en valeur dans les pièces lentes (les quatre premières alors que la vivacité des trois dernières requiert tout l’orchestre.
- Le thème est confié à la clarinette et aux violons 1 à l’unisson. Le
reste de l’orchestre accompagne de manière très simple et régulière sur chaque
temps pour laisser au soliste la primauté du discours très ornementé
- Forme AABB. Le premier B se situe au chiffre 1.
- Alternance la
majeur/la mineur dans la partie A.
- Harmonisation
différente entre B1 et B2 (voir les basses)
2)
Brâul (origine: Egres) «Danse du châle» [Cd II, ¶»]
- mode de ré (comme une gamme mineure, à l’exception de la 6te qui est
majeure: ici si bécarre, au lieu de si bémol en ré mineur)
- forme AA où
les premiers violons se joignent à la clarinette la 2e fois.
- accompagnement encore plus
simple que la première danse, en noires pizzicato sur une mélodie presque
hésitante.
3)
Pe loc (origine: Egres) «Danse sur place» [Cd II, ¶¼]
-
thème hésitant faisant bien ressortir la 2nd augmentée mi#-fa#
donnant cette couleur orientale
- mélodie "dérythmée" sur un
balancement orchestral à 2 temps donnant l’impression d’une improvisation.
- forme AB (B commence chiffre 3).
4)
Buciumeana (origine: Bisztra) «Danse de la corne [ou] Danse
de ceux de Buscumi» [Cd II, ¶½]
- forme
ABAB (B mesure 11, le deuxième A
commence chiffre 3 en amplifiant le son grâce aux octaves des solistes).
- ré mineur ("harmonique") avec un thème insistant autour de
la 2nd augmentée sib do#
- Une orchestration bien remplie et
généreuse de cordes donnant une sonorité chaude et nostalgique
- éclairage majeur sur B (sib+4)
harmonie différente sur B2 mesure 27, voir la basse)
On quitte les danses "avec
soliste" pour des danses vigoureuses et rapides requérant tout l’orchestre.
Comme déjà dit plus haut, le rythme, élément négligé depuis des siècles est
rétabli dans ses droits anciens et la musique populaire recouvre son rôle
primitif comme fondement de toute composition. Ceci est illustré par les danses
suivantes:
5)
Poarga Româneasca (origine
Belényes) «Polka roumaine de Belenyes» [Cd
II, ¶¾]
- Grande vivacité et vigueur exprimée grâce à
a) Tempo rapide
b) Alternances
de mesures à 2/4 et à 3/4
c) Accompagnement des cordes en
contre temps (les notes alternent entre les cordes graves (violoncelles contrebasses et les autre cordes (altos et violons 2)
- Forme ABAB :
4 mes intro
6 mes sur ré (A) 6 mes sur sol (B) mélodie principale aux
violons 1
6 mes sur ré (A) 6 mes sur sol (B) mélodie principale aux
Violocelles et Contrebasses
- Mode de fa
(on est en ré majeur avec un 4e degré (ici sol#) augmenté, cela
correspond donc au mode de fa )
6)
Maruntel (origine Belényes) «Danse rapide de Belenyes»
[Cd II, 20]
- Tempo rapide
- Forme AA
- Même mode de
fa comme avant (ré majeur plus sol#) ce
qui fait qu'elle sonne proche de la précédente
- Un premier pôle tonal de ré majeur (A1, début), fa# et sol majeur (avec ré basse) (A2, mes 5): deux harmonisations différentes. A la reprise de A, mesure 9, nouvelle harmonisation du même thème.
7)
Maruntel [suite] (origine Nyagra)
«Danse rapide de Nyagra» [Cd
II, ·¶]
- C’est la
danse la plus virtuose de la série pour finir brillamment la suite.
- L’orchestre
est au complet.
- Une partie de
flûte de plus en plus virtuose au fur et à mesure qu’on s’achemine vers la fin
- Forme
ABAB :
A1 8
mes (4 fois 2) pôle do majeur
B1 8
mes (4 fois 2) pôle fa
sur des contretemps aux cordes accentuant la vigueur de la pièce
A2 8
mes (4 fois 2) chiffre 6 nouvelle
harmonisation pôle la majeur (au lieu
de do à A1)
B2 8
mes (4 fois 2) pôle sol qui ponctue en fa
Coda à partir du chiffre 7: répétition de B.
- La pièce se termine sur un pôle de la majeur, alors qu’on avait commencé en do. Cela confirme qu’il n’y a pas de logique tonale dans ces danses, elles sont harmonisées de manière modale. Pas de tonique/dominante, etc...