Ludwig von BEETHOVEN
(1770-1827)
Sonate pour piano n°14 en do# mineur Op27 n°2 "Quasi une fantasia" dite "Clair de lune" (1801)
1 - Adagio sostenuto
2 - Allegretto
3 - Presto Agitato
Le titre « clair de
lune » a été inventé par un certainLuswig Rellstab, poète qui connut Beethoven et écrivit les paroles
de nombreux lieder de Schubert. Il
évoquait à propos de cette sonate «une
barque au clair de lune sur le lac des Quatre-Cantons». (Massin, Beethoven)
L’Allegemeine Musikalische Zeitung
écrira en Juin 1802 à propos de cette sonate: «L’Opus 27 n°2 ne laisse absolument rien à reprendre, cette fantaisie
d’une unité parfaite est sortie d’une seul coup, inspirée par un sentiment nu,
profond et intime, et pour ainsi dire taillé d’un seul bloc de marbre».
Beethoven en revanche n’a pas semblé l’apprécier autant: «On parle toujours de la sonate en ut# mineur; j’en ai écrit moi-même
de meilleures, ainsi la sonate en Fa# (Op.78] est bien autre chose» (Massin, Beethoven).
Ce chef d’œuvre du piano
beethovenien écrit en 1801 doit sa renommée à son premier mouvement, adagio
baigné d'une douceur mystérieuse qui a donné le surnom à cette sonate, non
cautionné par Beethoven. A vrai dire, la popularité de l’œuvre lui a donné les
origines les plus diverses: de l'évocation du clair de lune, à "la
tonnelle" (Beethoven l'aurait composé sur une tonnelle (!)), on entend
aussi la légende selon laquelle il aurait voulu traduire en musique un clair de
lune à une de ses élèves qui, aveugle, ne pouvait le voir... Quoiqu'il en soit
l'image romantique du clair de lune lui est tout à fait contemporaine: la nuit,
ses éclairages obscurs teintés de mystère et de calme, loin de l'agitation
diurne et de la société, dans une nature prête à révéler ses secrets... voilà
ce qui plaisait aux premiers romantiques. Même si Beethoven a pu n'avoir jamais
pensé à évoquer un clair de lune, le rapprochement que l'on peut faire de cet
adagio est malgré tout facile même s'il
cède aux pressions de la mode, des éditeurs en mal de sensations ou des
clichés. Le titre "Quasi una fantasia" qui
est original, lui, invite à apprécier un discours extrêmement libre, doucement
baigné de la pulsation régulière des triolets de laquelle se dégage une faible
mélodie plaintive et très expressive. Beethoven fait largement usage de la
pédale et plus généralement du piano, non pas comme un simple instrument qui
fait des notes, mais capable de créer des climats et une sonorité particulière,
évoquant un clair de lune ou non, et annonçant de très loin les palettes
sonores d'un Debussy (on connaît sait par ailleurs le fossé qui les sépare en
termes de pensée musicale).
Le deuxième mouvement, sorte
d'interlude anecdotique, est selon Liszt "une
fleur entre deux abîmes". Il est vrai qu'il parait totalement étranger
à l’ensemble, et offre une aimable consolation au regard de l'orage à venir.
Rien d'autre ne pouvait plus mettre en contrastes les deux mouvements extrêmes.
L'orage à venir, c'est ce Presto agitato aux tourbillons déferlants, aux magnifiques débordements colériques et rageurs. De forme sonate (plutôt inhabituel pour un dernier mouvement), il comporte trois thèmes: un premier composé d'une montée sauvage de l'arpège de do# mineur éclatant en deux accords aigus tels un cri de rage, un deuxième plus intérieur, plus mélodique aussi, mais non moins tourmenté (repris dans l'éblouissante coda) et un troisième, plus "neutre" consistant en un commentaire des deux précédents, en notes piquées et répétées. Dans le même esprit que la future sonate "Apassionnata" de 1805, ce dernier mouvement se termine dans un ultime déluge violent et rageur.