Johannes BRAHMS (1833-1897)
1- Allegro non troppo
2- Scherzo (Allegro)
3- Andante
4- Allegro comodo
Ebauché dès 1856 par un musicien de 23 ans, plusieurs
versions devaient exister avant que ce quatuor soit véritablement terminé. Créé
avec Brahms au piano le 18 novembre 1875, ce quatuor avec piano est le dernier
d’une série de quatre, écrit dans la tonalité beethovénienne d’ut mineur. L’Allegro initial débute par une octave
jouée au piano seul (do puis si bémol) suivie des cordes dans un climat
hésitant et sombre: il ne démarre réellement qu’un peu après. Un deuxième thème
lumineux et chaleureux s’en suit au piano, en mi bémol majeur, bientôt repris
par les cordes. A la réexposition, c’est l’alto qui le joue. D’une vigueur
rythmique extraordinaire et magnifiquement orchestré, il s’enchaîne à un Scherzo inséré dans les derniers mois
avant sa publication. D’une violence inouïe, il s’articule autour d’une forme
ABA à deux thèmes qui n’a rien à voir avec celle du scherzo habituel, tout en
gardant l’énergie rythmique ternaire caractéristique. Le premier thème est
confié au piano seul après une introduction de quelques accords véhéments, un
thème très rythmé, ponctué ensuite par les cordes. Puis vient le second thème
plus coulant et mélodique, en sol mineur. Le climat sombre et agité de ce
mouvement est magnifiquement rendu par le rythme effréné des croches ininterrompues,
certes caractéristiques dans un scherzo mais accentué par les harmonies mineures
lourdes et chargées. L’Andante en mi
majeur qui fait l’objet de toutes les attentions amoureuses est d’une beauté exceptionnelle;
dans un climat radicalement opposé au scherzo, il nous offre un moment de plénitude
rêveuse, nappé d’inventions mélodiques d’un charme extraordinaire où le piano
reste discret, laissant aux cordes la primauté du discours. Ce mouvement est une
déclaration d’amour à Clara Schumann, à qui il vouait une passion sans limites
et celle-ci le reconnu: « Brahms
a écrit un formidable adagio pour son quatuor en do# mineur [tonalité
initiale] », lit-on dans son journal en octobre 1856. Des années plus
tard, Brahms en parle à son ami Hermann Deiters, lorsqu’il
reprit ses premières ébauches: «Imagine
un homme qui pense à se tirer une balle dans la tête parce que c’est,
semble-t-il, la seule issue qui s’offre à lui». Sa passion calmée par les
ans et ses pensées suicidaires définitivement oubliées par le succès et la
reconnaissance du public viennois, il dédia néanmoins cet Andante à une femme mariée, Elisabeth von
Herzogenberg, qui en fut fort reconnaissante. Il débute
par un violoncelle chaleureux, accompagné par le piano seul bientôt rejoint par
le violon où leurs contours se mêlent amoureusement. Une partie centrale un peu
plus animée s’en suit avant de réexposer le thème initial, varié et enrichi,
pour notre plus grand bonheur. Le Finale
(Allegro comodo), extrêmement développé et
introverti, renoue avec les climats sombres des deux premiers mouvements. Il se
termine calmement par une coda en do majeur, aux mystérieuses gammes
chromatiques du piano, dans un climat d’apaisement.