CHOSTAKOVITCH
Dimitri (1906-1975)
1- Andante - Moderato
2- Allegro con brio
3- Largo
4-
Allegretto
On connaît
la double vie de compositeur qu’a mené Chostakovitch tout au long de sa carrière:
malmené par les autorités soviétiques à partir de 1936 à cause d’une incompatibilité
entre la raison d’état et son inspiration artistique, il a sans cesse du
composer entre ses œuvres "officielles" et les autres plus personnelles.
Encensé par la jeune Union Soviétique dans les années 1920, Chostakovitch ne
cessera après les succès officiels, de se dessiner un style de plus en plus
personnel et intime. Et quoi de plus intime et personnel que la musique de
chambre ? C’est justement après ce
divorce entre lui et sa patrie que date l’essentiel de ce répertoire. Coupable
de "tendances anti-démocratiques", il fut contraint à nouveau (en
1948) de s’expliquer: "Je commençais
à parler une langue incompréhensible au peuple. Je sais que le parti a raison
(...) Je suis profondément reconnaissant de cette critique". Datant de
1944, ce trio est aussi un cri de souffrance envers la tragédie vécue par les
juifs d’Union Soviétique.
La musique de Chostakovitch
n’est pas révolutionnaire dans le sens
que beaucoup de compositeurs du XXème siècle ont pu
donner à ce mot. Lointain héritier de Beethoven pour la forme et l’architecture,
Chostakovitch n’emprunte que la façade chromatique et dissonante des viennois
(Schönberg en tête), jouant également des influences russes (Borodine, Strazvinski, Tchaïkovsky). Aucune
nouveauté conceptuelle ni aucune remise en cause radicale du langage musical, mais
une densité, une profusion d’idées, de sonorités et une plénitude
instrumentale remarquables.
Un Andante mystérieux
aux stridentes harmoniques du violoncelle s’enchaîne rapidement à un Moderato soutenu par des notes répétées
du piano établissant la pulsation rythmique qui constituera le matériau
principal de ce premier mouvement. L’Allegro
non troppo suivant est un scherzo en fa# majeur
de patte beethovénienne, presque obligé. Il introduit le superbe Largo central, moment le plus intime et le
plus émouvant de tout le trio. Ecrit sous la forme d’une passacaille, c’est à
dire avec toujours le même cycle d’accords au piano qui s’enchaîne à lui même,
il laisse au violon et au violoncelle un magnifique contrepoint poignant et
désespéré. Les mélodies s’enroulent l’une dans l’autre dans une fusion sublime.
L’Allegretto final conserve la pulsation
rythmique continue du premier mouvement de façon encore plus marquée. Cette "danse
des morts" est indissociable de la solidarité qu’avait Chostakovitch avec les
juifs de son pays dont il partageait la mise à l’écart; quelques thèmes
hassidiques parcourent le mouvement ainsi qu’un leitmotiv au chromatisme serré.