DEBUSSY
Claude (1862-1918)
Préludes pour piano, 1er livre (1909-1910)
Danseuses de Delphes (Lent et
grave):
Cette page fut inspirée par la reproduction d’une sculpture grecque
représentant la danse rituelle de trois Bacchantes. Très tonale (sib majeur),
bien installée dans ses trois temps, au motif chromatique légèrement
déclamatoire. Les périodes "dansantes" alternent avec des mouvements
souples et amples évoquant magnifiquement ces danseuses quelques peu hiératiques
toutefois.
Voiles (Modéré): C’est un véritable
chef d’œuvre impressionniste. C’est un de ces préludes décrivant un objet
humain enlacé, plongé et soumis aux éléments naturels. Ces voiles révèlent la
forme d’un vent calme et doux qui, par essence, n’a pas de contours. Un motif
de tierces descendantes parcourt la pièce alors qu’un si bémol grave tient lieu
de basse résonnante .
Le vent dans la plaine (Animé): C’est l’évocation d’un vent rapide et furtif que rien
n’arrête. Frémissant, chuchotant, il éclate parfois en bourrasques. Un
mouvement rapide de secondes mineures qu’un petit thème habille en rend
l’illusion.
Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir (Modéré):
Tout est dit dans le titre, inspiré par un poème de Charles
Baudelaire. Ce mélange enivrant d’odeurs et de sonorités est une fête des sens:
comme si la résonance harmonique était leur transposition musicale directe.
Les collines d’Anacapri (Très modéré): Une des très rares pages d’inspiration italienne chez Debussy. "Un lacis de tarentelles enserre la
baie de Naples, ses villas et ses grottes. Au milieu des danses endiablées
s’élève, indolent, merveilleux, amoureux, un simple chant populaire, suggérant
toute l’ardeur, la tendresse et l’audace d’un ragazzo napolitain"
(Marguerite Long).
Des pas sur la neige (Triste et lent): Debussy associe à merveille une présence humaine
passée dont le seul témoignage sont ces empruntes anonymes appelées à
disparaître dans un paysage froid et désolé. Contrairement à la plupart des
pièces inspirées par la nature, ce paysage hivernal est habillé par un
sentiment : la tristesse, la solitude. Cette pièce est parcourue par une
petite mélodie pesante et lancinante: "Ce
rythme doit avoir la valeur sonore d’un fond de paysage triste et glaçé".
Ce qu’a vu le vent d’Ouest (Animé et tumultueux): Encore une évocation naturelle. Probablement
inspiré par le conte d’Andersen "Le
jardin du paradis" dans lequel le vent d’ouest raconte ce qu’il a vu.
Si l’idée de la personnification du vent n’est pas de Debussy, l’évocation
musicale rendue n’en est pas moins tout à fait fantastique. Bourrasques, arrêts
brusques, vifs contrastes de nuances, violence... toutes ces images sont
rendues par une virtuosité pianistique époustouflante.
La fille au cheveux de lin (Très calme et doucement expressif): On laisse la tristesse de la
neige et la violence du vent d’Ouest pour cette page tendre et calme évoquant "cette sœur paisible de Mélisande, à
laquelle la prédominance de la gamme pentaphone permet d’attribuer des origines
celtiques" (Harry Halbreich). Ecrite dès 1882.
La sérénade interrompue (Modérément animé): Un pauvre joueur de guitare est sans cesse
interrompu dans son aubade. "Mille
incidents de la rue arrêtent la chanson d’amour de notre pitoyable Don
Juan" (Alfred Cortot). D’inspiration espagnole évidente, on y trouve
un certain figuralisme dans le rendu des cordes de guitare, des castagnettes.
La cathédrale engloutie (Profondément calme): Un véritable chef d’œuvre. Une légende
raconte que l’on entend encore sonner les cloches de la cathédrale d’un village
breton –Ys- englouti par les eaux. L’idée de passé, de résurgence d’un monde
ancien et caché par les eaux est merveilleusement bien rendu. Au début, dans une brume doucement sonore, des
quintes et quartes -étalées sur un large registre- plantent les jalons de ce
décor médiéval. On entend alors quelques tintements à peine perceptibles des
cloches. Puis, peu à peu en sortant de la
brume, la monumentale cathédrale sort des eaux, le carillon sonne
magistralement. Les eaux glauques et vertes recouvrent le monument qui
s’enfonce en laissant entendre de lointains échos des cloches. C’est encore une
association d’un objet humain et culturel pris dans les rennes d’une nature
impersonnelle. Rares sont les pièces dont la résonance de l’instrument s’associe
si bien avec la description.
La danse de Puck (Capricieux
et léger): Puck est un petit lutin immortalisé par le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare. Pirouettes, bouffonneries,
tourbillons, disparitions soudaines... tout laisse à penser qu’il s’agit du
petit frère de Scarbo - le nain espiègle du Gaspart de la nuit de Ravel, quasiment contemporain.
Minstrels (Modéré):
Une pochade d’humour anglo-saxon inspirée par une troupe de clowns musicaux que
Debussy vit en Angleterre lors d’un séjour en 1905. Sur cette pièce légère s’achève
le premier cahier des Préludes.