Claude Debussy (1862-1918) La soirée dans Grenade, pour piano
* A propos de l’œuvre pour piano
de Debussy:
Elle occupe une
place centrale et ne contient que des pièces de maturité. Même si le piano
reste un instrument très chargé d'histoire, Debussy y apporte une nouvelle
approche du son: il ne s'agit plus de faire sonner le piano comme un piano
romantique, mais de dépasser son timbre propre pour évoquer, grâce à une
palette très riche, des sonorités proches de la nature, des évocations
orientales, légendaires ou espagnolisantes. Debussy
compose plus avec des sons qu'avec des notes, Le phénomène de résonance lié
à la pédale est très important.
* Cette pièce pour piano est la 2e du cycle Estampes écrit en 1903 comprenant Pagodes, La soirée dans Grenade, et Jardins sous la pluie
* Tout comme Debussy ne se situait pas au bord de la mer pour écrire
son œuvre symphonique
* Quelques citations: «Quand on a pas le moyen de se payer des voyages, il faut suppléer par l’imagination» précise Debussy. Le pianiste et musicologue de l’époque Alfred Cortot y voit y entend «les bruits étouffés de ces rythmes ibériens qui font danser les belles filles, graves et arrogantes». Enfin le musicologue Edward Lockspeiser estime que «le piano ne quitte pas seulement la pièce où l’on étudie ou le salon, il quitte aussi la salle de concert. Il devient l’instrument poétique d’un esprit vagabond imaginatif, capable de saisir et de recréer l’âme de lointains pays et de leurs habitudes, les beautés sans cesse changeantes de la nature et les plus intimes aspirations d’un mortel découvrant comme un enfant les neuves et mouvantes merveilles de la création».
* Bien entendu, il s’agit de remarquer le rythme de Habanera présent quasiment tout au long
de la pièce. On pense évidemment à
* Le registre du piano est très étendu (de do#0 mesure 1 à do#6 mesure 5), c’est à dire sur 6 octaves
* On distingue deux thèmes: le thème A (arabisant, mes 7 à 16) et le thème B, plus généreux mes 41 à 58)
* On distingue 3 motifs: m1 (mes 17-20), m2 (mes 23-28), m3 (mes 67-89)
* La forme est globalement ABA. Le thème A est donné au début et à la fin. Entre les deux évoluent les motifs secondaires et le thème B
MESURES |
1 à 6 |
7 à 16 |
17 à 20 |
23 à 28 |
29 à 32 |
41 à 58 |
|
THEMES/ MOTIFS |
Intro |
A |
Motif 1 (m1) |
m2 |
Motif 1 (m1) |
B |
|
PARCOURS HARMONIQUE |
Do# 5te à vide |
Do# mineur harmonique et Do# «Andalou» |
7e de dominante enchaînées |
Gamme par tons + pédale de do# |
7e de dominante enchaînées |
La majeur (plus des mi# qui frottent avec mi bécarre) |
MESURES |
61 à 66 |
67 à 91 |
92 à 97 |
98 à 105 |
109 à 121 |
122 à fin |
THEMES/ MOTIFS |
m2 |
m3 style Tango |
Motif 1 (m1) |
B |
m4 («léger et lointain ») + m3 Tango |
A + m1 suggéré à 128-129 |
PARCOURS HARMONIQUE |
Gamme par tons + pédale de do# |
Fa# - Do# |
7e de dominante enchaînées |
La majeur (plus des mi# qui frottent avec mi bécarre) |
-- |
Do# mineur harmonique et Do# «Andalou». Fin en la majeur |
* Le langage harmonique est très riche:
- On observe une pédale de do# (1-37, 60-66, etc...)
- Dans le thème arabisant A, deux modes sont mélangés: le mode mineur harmonique et le mode de mi «andalou» donnant cet aspect oriental
- Utilisation de la gamme par tons (mes 23 à 28) très fréquente chez Debussy. A noter dans ce passage le mélange de la gamme par tons avec la pédale de do#, procurant un effet particulier.
- Il arrive que des 7e de dominante soient enchaînées les unes aux autres (m1, mes 17 à 20). L’harmonie est donc plus «esthétique» que fonctionnelle, c’est à dire que Debussy utilise des harmonies pour leur couleur propre et non pas pour leur fonction harmonique
- A noter le frottement mi bécarre / mi# Mes 45 à Mes 56. Le mi bécarre est justifié parce que l’harmonie de ce passage est la majeur (accord parfait majeur la-do#-mi). Le mi# est une note de passage intermédiaire entre le mi et le fa# à la main droite.
Iberia (pour orchestre, de Debussy, 1906)
La puerta del vino (Prélude pour piano de Debussy, 1910-12)
Habanera (pour piano de Ravel, 1895. Cette pièce a été orchestrée dans l’œuvre suivante)
Rhapsodie espagnole (pour orchestre, de Ravel, 1907)
Alborada del Gracioso (pour piano, de Ravel, 1904-05)