C'est après un parcours des
plus classiques au Conservatoire de Paris, avec Olivier Messiaen comme
professeur d’ harmonie qu'il fait, en 1949, la rencontre décisive de Pierre
Schaeffer, avec lequel il fonde le GRM (Groupe de recherches musicales),
voué à l'expérimentation en «musique concrète».
Après avoir fondé son propre
studio, il entreprend une longue collaboration avec le chorégraphe Maurice
Béjart (Messe pour le temps présent). Travaillant d'abord dans le sens d'une
certaine épuration, avec le ballet Le Voyage (1962), d'après Le Livre des morts
tibétain, et les célèbres Variations pour une porte et un soupir (1963),
il revient à un certain baroquisme avec
Par sa fécondité, son goût de l'excès et son
extraordinaire imagination, Pierre Henry est considéré comme le plus grand
compositeur de musique électro-acoustique de notre temps
* Musique pour un ballet
«Il s’agit d’une
succession de variations musicales dans le style des grandes Suites Françaises
du XVlle ou du XVllle siècle : Variations s’inspirent presque toujours d’un
mouvement chorégraphique, d’une figure corporelle... la gigue, allemande,
courante, menuet.... Ici étirement, balancement, gymnastique, transe... (…) Sur
un tableau noir, un schéma propose une structure établie pour des danseurs
imaginaires numérotés de 1 à 7. (…) C’est un retour à des sources brutes ayant
un pouvoir de communication immédiate. Cette œuvre est une analyse objective
des gestes les plus simples de l’expressivité humaine. L’allure,
l’agglomération, la brisure d’un grincement de porte transcendent le
lieu-commun d’un objet-musique : la porte. Soupirs soufflés, soupirs chantés
explorent le sensible de l’activité mentale ou corporelle d’un être humain au
cours d’une journée ou d’une vie entière»
Pierre Henry.
* Musique pour un ballet
1963
Durée totale : 48’17
Successivement 16 variations:
Sommeil – Balancement – Chant l – Éveil – Chant II –
Etirement – Geste – Comptine – Fièvre – Chant III – Gymnastique – Braiements –
Respirations – Ronflements – Chant IV – Mort.
* Cette oeuvre a été créée à Paris le 27 Juin 1963 .
Il s'agit d'un des exemples les plus représentatifs de la musique concrète.
Avec le développement de la technique d'enregistrement, un monde nouveau
s'ouvre à la musique : celui des bruits de notre environnement . Après avoir
enregistré ces sons de la vie courante, le compositeur, par montage ou par
déformations de ceux-ci, organise son oeuvre.
*Au départ,
donc, une porte, celle du grenier d’une maison à Vic (Aude) où le compositeur
séjourna durant l’été 1962. « Pierre Henry ne se précipite pas pour
l’enregistrer. Il s’exerce à en jouer, il fait comme au Conservatoire, ses
“deux heures de porte” par jour. Puis il installe devant elle un micro
Neumann U47, relié par un long câble au magnétophone contrôlé depuis le rez‑de‑chaussée.
Alors il enregistre la porte systématiquement, “exhaustivement”, déjà comme une
musique, il la fait parler et crier de toutes les manières : tantôt avec
de tout petits gestes du poignet, tantôt en la secouant comme un furieux,
l’enfourchant, la faisant hurler. Ces sons de porte sont d’une transparence,
d’une présence et d’un impact prodigieux. Entre les mains de Pierre Henry la
porte en devient un, produisant à travers la permanence de son « timbre de
porte » une collection de sons différents qui en sont autant de variations
en grains, allures, glissandi, etc. On peut véritablement parler d’une
interprétation car il y a plusieurs manières de faire sonner cette porte.
* Les sons enregistrés ne font l’objet d’aucun
traitement ultérieur: aucune transposition dans le grave ni dans l’aigu, aucune
accumulation, aucun filtrage.
* Le travail proprement compositionnel est un
travail d’articulation et d’intonations (travail d’orfèvre), par lequel la
porte est transfigurée en voix et en chant. Ce qui confirme le mot de Victor
Hugo que Pierre Henry aime à citer, selon lequel «tout bruit écouté
longtemps devient une voix».
* Les registres de la porte sont très riches et très
étendus; ils vont du grain isolé (craquement), du son granuleux grave et ultra
grave jusqu’aux extrêmes aigus acérés et lisses.
* Cette mise en
avant de la porte, c’est pour mieux la faire disparaître en tant que porte,
justement, car d’objet banal, elle devient instrument de musique.
* En matière de musique concrète, l’idée essentielle
est de montrer que n’importe quelle source sonore peut être considérée comme de
la musique (à condition qu’il y ait intention)