KOECHLIN
Charles (1867-1950)
Quintette
pour 2 violons, Alto, Violoncelle et piano
Op.80 (1920-21)
1- «L’attente obscure de ce qui
sera... » Andante très calme, presque Adagio
2- «L’assaut de l’ennemi... »
(La blessure) Sourd, agité, très rythmé mais de loin
3- «La Nature consolatrice...» Andante, très calme, très doux
4- Finale: «La joie» (Allegro Moderato)
Ecrit en 1920-21, ce
quintette ne fut créé qu’en 1934. C’est une des grandes pages du début du
siècle, et une des œuvres les plus estimées du compositeur: "la plus marquante, peut-être, de mes
œuvres". Elle porte indéniablement la marque de la Nature, cette muse
dégagée des sentiments humains envahissants, source fraîche et fantastique, référence
neutre et confidente. Les larges dimensions et les intentions « à
programme » font de ce quintette un véritable concentré de symphonie, tant
on peut l’apprécier dans sa réalisation actuelle que dans une version symphonique
imaginaire (son deuxième quintette est d’ailleurs devenu sa première symphonie).
On peut même aller jusqu’à dire que l’esprit de cet opus 80 n’est pas
intrinsèquement celui d’une œuvre de chambre: l’Intention est supérieure à son
expression. Précédés de titre suggestifs, les quatre mouvements (lent-vif-lent-vif)
participent d’une progression dramatique symbolique: On est d’abord plongé dans
« L’attente (...) de ce qui sera...»
puis vient un événement: L’assaut de l’ennemi».
Après le combat, le repos salvateur: «La
nature consolatrice» puis «La joie» finale
et triomphante. Exceptionnellement peu bavard sur le scénario de cette œuvre,
le compositeur a néanmoins signé une de ses grandes préoccupations: le triomphe
de la vie, de la Nature
et de la joie sur le chaos et la souffrance. Ces élans épiques et romantiques sont exprimés
par un langage tout à fait contemporain: l’atonalité (non dodécaphonique) et l’athématisme
placent cette œuvre aux côtés d’un Schönberg révolutionnaire; et c’est là toute
l’originalité de Koechlin: des œuvres au programme et
aux images figuratives imposées mais exprimées par un langage résolument moderne.
«L’attente obscure de ce qui sera...» constitue le mystérieux
premier mouvement. Andante très calme,
presque Adagio. D’une lenteur extrême, il n’éclate que vers la fin, lorsque
la tension est à son maximum. Jusque là une nuance toujours piano ou pianissimo et un chromatisme défiant tout repère tonal et
thématique. On n’entend l’effectif complet des cinq instruments qu’après que
chacun ait joué seul avec le piano. Jusqu’à la fin, des croches imperturbables
empêchent l’auditeur de se reposer, rendant cette introduction encore plus inquiétante
et psychologiquement instable.
«L‘assaut de l’ennemi... la blessure» Allegro con moto: on est presque soulagé qu’un
événement, même négatif, survienne tant l’inquiétude du premier mouvement était
pesante. Quel ennemi ? Rien ne le
précise, on reste dans le symbolique. Le principal est le savoir qu’il y a un
conflit. Entre qui et qui ? cela n’a pas d’importance,
ce qui compte, c’est l’idée de conflit.
Koechlin nous donne juste assez d’éléments figuratifs pour expliquer «l’histoire»,
mais pas trop, il ne faut pas se perdre dans une description trop précise; c’est
l’esthétique de Koechlin: suggestion vague, aux limites, non franchies, de l’abstrait.
Ce mouvement rapide et tumultueux s’achève néanmoins sur un épisode très calme,
dans un esprit similaire à ces moments de résignation impassibles faisant suite
aux éclats colériques et déchirants de certaines pièces de Schubert. C’est l’héritage
romantique du compositeur.
«La Nature
consolatrice... » Andante très calme,
lent, très doux. Des lignes plus tonales et modales font suite aux chromatismes et
atonalités des mouvements précédents afin que la Nature douce et régénérante
nous réconcilie avec nous mêmes, après le chaos et la douleur: «Les voix de la Nature, parlent au poète en
leur fraîcheur et leur naïveté, indifférentes et éternellement claires,
vivantes - c’est la vie qui continue - le poète répond – la sérénité est entrée dans son
cœur» (Koechlin).
«Final – La Joie»
Allegro moderato. Enfin le dernier mouvement,
menant vers la lumière et le bonheur. Le piano énonce un thème dans la
lumineuse tonalité de la majeur, aux allures de
carillon un peu martial; vient ensuite un deuxième thème aux cordes en canon,
d'une douceur toute opposée au précédent. Ces deux thèmes servent de matériau à
tout ce mouvement dédié au triomphe de la lumière sur la nuit, de la joie sur
le chaos et le conflit.