KOECHLIN
Charles (1867-1950)
1- «Lumineux et féérique»
2- Scherzo (Allegro con moto)
3- Andante
4- Finale (Allegro Molto
Moderato)
Ce polytechnicien entré au Conservatoire à 22
ans (classes de Massenet, Fauré) doté d’une forte personnalité et d’un
véritable humanisme était épris de liberté et de sincérité. Pas de concessions,
pas de reniement de son vrai
sentiment personnel. Un compositeur totalement indépendant vivant à l‘écart des
milieux culturels parisiens qui se moque des modes et des succès. Etre soi constitue le credo rousseauiste
qui lui inspira cette attitude: «Tu sais
combien peu je me préoccupe de la mode, et que si mon langage évolue avec les
années, c’est parce que je le sens ainsi. (...) Je pense n’appartenir à aucun
groupe, et j’écris toujours ce qui me plaît, sans souci de ressembler ou de ne
pas ressembler à tel ou tel» écrit-il à un ami en 1920. Pas de
souci d’éclat révolutionnaire, de table rase du passé, mais une expression
presque méditative, se suffisant à elle-même. En musique de chambre, des œuvres
plus ou moins d’égale valeur, certes, mais pas d’œuvre phare non plus, toutes
se rejoignant dans une expression intime et belle en soi. L’univers de Koechlin n’est pas tourné vers le futur, ni
vers le passé d’ailleurs, il se nourrit d’un évident post romantisme dégagé du
pathos égocentrique qui le caractérisait. Une harmonie dense et complexe
quoique tonale, des phrases très expressives quoique rarement connotées
thématiquement, des élans affectifs se dérobant vers d’autres univers, nous
frustrant de toute résolution «attendue» (rejoignant par là le langage d’un
lointain Brahms), des lignes contrapuntiques claires, des éléments polytonaux
et atonaux, des tonalités modales, telles sont les principales caractéristiques
du polytechnicien-compositeur.
Son œuvre suscita peu d’intérêt de son vivant, les «éclairés» les moins
inspirés la qualifiait d’ailleurs de naïve. On redécouvre encore aujourd’hui
des pièces totalement oubliées, lui dont Fauré disait «qu’il faudra pour l’entendre [son œuvre] un public qui ne soit pas pressé».
«Je vais vous raconter une
histoire». Telle pourrait être l’exergue de cette sonate pour violon et piano (composée
en avril 1916 et créée le 18 mai 1917 à
Lumineux et féerique, le premier mouvement calme, sans lenteur cependant est une heureuse méditation dont une
phrase à l’esprit thématique assure l’unité. Une mesure vague à dessein, de
belles résonances du piano, un chant doux et mystérieux du violon, une harmonie
on ne peut plus modale et instable imagent merveilleusement cette forêt lumineuse. Le Scherzo suivant très modéré
(sans traîner) «dans un décor de
forêt légendaire» laisse parler «la
voix du poète aux accents parfois nostalgiques» alternant avec «les gambades de lutins, les dégringolades
de gnomes» (Notes détaillées sur diverses de mes œuvres). D’une grande
vivacité et d’une écriture très variée, ce mouvement alterne les passages
rapides et plus lents dans un constant souci de narration imagée. S’il n’y a
pas d’ «histoire» à proprement parler, il y a quand même des personnages
en action et un décor. L’Andante,
noté Lent quasi adagio, suggère «la nuit au bord de l’étang (...) [c’est] une méditation profonde et presque
douloureuse, mais se concluant sur la plus grande sérénité». Le Final plus humain que théâtral
contrairement aux autres mouvements laisse au violon une grande phrase (c’est
le premier thème) soutenue par les
basses régulières du piano, donnant l’allure d’une passacaille. Trois thèmes se
partagent ce mouvement d’une richesse contrapuntique exceptionnelle. Un premier
aux accents enfantins laisse la place au deuxième représentant «L’homme... qui reste serein» et le
dernier, majestueux, «la douleur humaine».
De joyeux carillons donneront à ce final une empreinte résolument optimiste. On
aura rarement entendu une œuvre au symbolisme si prononcé.