LEKEU
Guillaume (1870-1894)
Adagio pour
quatuor d’orchestre (1891)
Réalisé pour quatuor avec piano par Gérard Iglésia
Surtout
connu pour sa Sonate pour violon et piano
commandée par un Eugène Ysaÿe convaincu de ses
talents, Guillaume Lekeu s’éteignit au lendemain de son vingt-quatrième
anniversaire, laissant peu d’œuvres derrière lui (des fragments d’un opéra, deux
symphonies, une poignée d’œuvres de chambre), mais d’une qualité qui prédisait certainement
un très grand compositeur. Quittant la Belgique pour Poitiers, il prend des cours auprès
de César Franck dont il garda une empreinte indéniable. Avant cette rencontre,
et avant un voyage à Bayreuth où il s’évanouit d’émotion à l’écoute de Tristan, il avait déjà une composé en
1887 un Molto Adagio pour quatuor à
cordes inspiré par les paroles du Christ: "Mon
âme est triste jusqu’à la mort" . Le caractère sombre, une thématique dissolue
et une pulsation instable jetaient les bases du futur Adagio pour quatuor d’orchestre de 1891 dont la proche mort de
Franck (1890) laisse à penser qu’il pourrait s’agir d’une élégie à sa mémoire. Sa
réalisation originale -qui porte en épigraphe une citation du poète Georges Vanor: «Les fleurs pâles
du souvenir... »- comporte
jusqu’à sept parties de violon, cinq d’alto et autant de violoncelle; nous
entendrons ici une transcription pour quatuor à cordes et piano. D’un seul tenant, sans être révolutionnaire
dans le style, cette œuvre est novatrice sur le plan de la forme: elle ne se «développe»
pas mais fixe des instants psychologiques dans un cadre atemporel. On n’y
trouve ni véritable thème (ni par conséquent retour de thème), ni véritable progression discursive, mais une
suite de moments dramatiques, contemplatifs et mélancoliques. Cette forme musicale
particulière s’associe à merveille avec
les divagations émotionnelles du romantisme finissant. On entrevoit les
débuts de l’expressionnisme dont La Nuit transfigurée (1899) de Schönberg (à l’effectif
quasi identique, d’ailleurs) est une des œuvres les plus connues.