Wolfgang
Amadeus MOZART (1756-1791), Airs de concert pour soprano.
En plus de ses nombreux
opéras, Mozart écrivit une série d’airs de concert destinés soit à être inclus
dans un opéra (à lui ou à un autre) soit parce que la rencontre d’un chanteur
ou d’une chanteuse était l’occasion de lui écrire un air sur mesure. «J’aime qu’un air soit exactement adapté aux
moyens de celui qui le chante comme un habit bien fait» écrit Mozart à son
père en 1778.
* Ah ! lo previdi ! K.272
(1777)
Ecrit sur mesure pour la soprano tchèque Josepha Duschek (1754-1824). Elle rencontre Mozart en 1777 à Salzbourg et c’est en août de la même année qu’il compose cette grande scène dramatique d’Andromède, uniquement destinée au concert.
Le roi Céphée a décidé que sa fille
Andromède épouserait Persée. Mais, pour rendre inopérant l’oracle en vertu
duquel une jeune fille doit être chaque mois sacrifiée à un monstre, le roi se
voit contraint de modifier sa décision et de promettre sa fille à Eurysthée,
roi d’Argos. Cependant, le sort veut que ce soit précisément Andromède qui soit
la prochaine victime du monstre. Persée tue alors le monstre, mais Céphée
s’oppose quand même à ce qu’il s’unisse avec Andromède. Après un entretien
ultime et désespéré avec elle, Persée s’éloigne en hâte. L’intervention d’un
ami fait échouer sa tentative de suicide. Entre-temps, Eurysthée rapporte à
Andromède qu’il a vu Persée errer comme un insensé dans le jardin, l’épée à la
main. C’est alors que commence le monologue d’Andromède, par lequel s’achève
cette «scène d’ombre».(Brigitte
Toulon).
ANDROMEDA
Ah, lo previdi ! Povero Prence, com quel ferro istesso, che me salvo, ti lacerasti il petto. Ma tu si
fiero scempio perchè non impedir ? Come, O crudele, d’un misero a pietà non ti movesti ? Qual tigre nodri ? Dove nasceti ?
Ah, je l’avais prévu ! Malheureux prince, de ce même fer qui me
sauva tu t’es transperçé le sein. Mais toi, pourquoi n’as-tu pas empêché une
aussi cruelle effusion de sang ? Barbare, comment n’as-tu pas été ému de
pitié pour un malheureux ? quelle
tigresse t’a allaité ? Où es-tu
donc né ?
Aria
Ah,
t’invola agl’occhi miei, Ah
dérobe-toi à ma vue
Alma
vile, ingrato cor ! âme
vile, cœur ingrat !
La
cagione, oh Dio, tu sei, Tu es la cause, oh dieu,
Del
moi barbaro dolor. De mon
affreux tourment
Va,
crudele ! Va, spietato Va t’en,
cruel Va t’en être sans cœur !
Va,
tra le fiere ad abitar Va t’en
vivre parmi les bêtes sauvages.
Récitativo
Misera ! Misera ! Invan m’adiro, e nel suo sangue intanto nuota gia l’idol moi... Con quell’acciaro, Ah Perseo, che facesti ? Mi salvasti poc’anzi or m’uccidesti, Col sangue, ahi, la bell’alma, ecco, già usci dallo squarciato seno. Me infelice ! Si oscura il giorno agli occhi miei, e nel barbaro affanno il cor vien meno. Ah, non partir, ombra diletta, io voglio unirmi a te. Sul grado estremo, intanto che m’uccide il dolor, in tanto fermati, fermati alquanto !
Infortunée que je suis ! En vain je m’emporte alors que dans son sang
baigne déjà celui que j’adore... Ah, Persée, qu’as tu fait avec cette
lame ? Tu venais de me sauver et
maintenant tu me tues. Avec le sang, hélas, la belle âme s’est déjà enfuie du
sein transpercé. Malheureuse que je suis !
Le jour devant mes yeux s’obscurcit et dans cette inhumaine affliction
le cœur me manque, ah, ne pars pas, ombre chérie, à toi je veux m’unir. en
cette dernière extrémité, alors que la douleur me tue, arrête-toi un moment.
Cavatina
Deh,
non varcar qu’ell onda De
grâce, ne passe pas ce fleuve,
Anima
del cor moi âme
de mon cœur
Di
Lete all’altra sponda sur l’autre rive du Léthé
Ombra,
compagna anch’io Je veux aussi, ombre et compagne
Voglio
venir con te aller
avec toi
* A questo seno, deh ! vieni idol
mio K.374 (1781)
Destiné
au castrat Francesco Ceccarelli dans l’opéra Sismano nel Mogol du compositeur italien Giovanni Paisiello
(1740-1816).
Durant cette scène se déroule la bataille
décisive entre Siface, Grand Mongol, et Sismano, roi de Perse. Zeira, qui aime
Siface, attend pleine d’angoisse l’issue de la bataille. Mais, voici que
survient son amant, qui lui annonce sa victoire sur Sismano. La douleur de
Zeira se change en joie. (Brigitte Toulon).
Deh vieni, idolo mio Toi que
j’adore
Quanti timori
que de
frayeurs
Quante lagrime, oh Dio ! Que de larmes, oh Dieu !
Costi alla sposa tua ! Tu as coûtées à ton épouse !
Dunque tu vivi ! Oh contento ! Tu es
donc en vie ? Oh bonheur !
Oh certezza !
Oh premio ! O
certitude ! O récompense !
Oh speme !
Oh amor ! O
espoir ! O amour !
Numi clementi,
Dieux cléments,
Nell offrirmi, pietosi, Vous m’offrez, dans votre compassion,
Un si bel dono,
un si
beau présent
Tutto il vostro rigore que je
vous pardonne
Io vi perdono
Toute votre rigueur
O che il cielo a me ti rende Maintenant que le ciel te rend à moi
Cara parte del moi cor, Toi,
trésor chéri de mon cœur
La mia gioia, ah, non comprende Ma joie, ah ! qui ne sait ce qu’est l’amour
Chi non sa che cosa è amor Ne peut
la comprendre
Sono all’alma un grato aggetto Les cruelles vicissitudes
Le sue barbare vicende Sont un
objet agréable à mon âme
Ed in sen dolce discende Et en
mon sein doucement s’enfonce
La memoria del dolor Le
souvenir de la douleur
* Chi sà, chi sà, qual sia K.582
(1789)
Les deux airs suivants (K.582 et 583) étaient destinés à Louise Villeneuve. Ils furent insérés dans l’opéra Il burbero di buon core de Martin y soler, 1789 sur un livret de Lorenzo da Ponte.
Après un entretien avec son mari, Giocondo,
qui, sans lui en donner la raison, lui a interdit de se mêler de ses affaires
domestiques, Lucilla exprime son désarroi. (Brigitte Toulon).
Se
sdegno, gelosia, Est-ce colère, jalousie,
Timor,
sospetto, amor, Crainte,
méfiance, amour
Voi
che sapete, oh Dei, Vous qui savez, oh Dieux !
I
puri affetti miei la pureté de mes sentiments
Voi
questo dubbio amaro ôtez
de mon cœur
Toglietemi
dal cor ce
doute amer.
* Vado, ma dove ? K.583 (1789)
En présence de Lucilla, sa femme, Giocondo, dont les affaires vont mal, vient d’apprendre qu’il n’était plus possible de faire attendre ses créanciers et que tout était perdu pour lui. Il lui reste donc à avouer à sa situation à Lucilla, qui s’est évanouie en aprenant que les parents de Giocondo la jugeaient responsable des malheurs de son mari. Lucilla se lamente et proteste de son amour pour Giocondo. (Brigitte Toulon).
Vado, ma dove ?
Oh Dei ! Je
m’en vais, mais où ? O Dieux !
Se de’tormenti suoi Si de ses tourments,
Se de’sospiri miei Si de mes soupirs,
Non sente il ciel pietà Le ciel ne ressent pas de pitié
Tu che mi parli al core, Amour,
toi qui parle à mon cœur,
Guida i miei passi, amore, guide mes pas
Tu quel ritegno or togli Dépars-toi de cette retenue
Che dubitar mi fa qui me fait douter