Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)
De 1782 à 1785, Mozart écrit une série de
six quatuors «dédiés à Haydn», probablement sous l’influence du succès de
l’opus 33 de ce dernier. «Dédiés» à Haydn ne signifie nullement qu’ils sont
inspirés par celui-ci: dans un style radicalement personnel, sombre, et en tous
cas fort éloigné de la légèreté de l’opuss 33 de
Haydn, ce 15e quatuor de Mozart adopte la tonalité lugubre et sombre de ré mineur,
celle de Don Giovanni ou du Requiem. Selon la légende, il aurait été
écrit la nuit où sa femme Constance donnait naissance à leur premier fils. Le
thème élégiaque ouvrant le premier mouvement Allegro avec son octave si expressive accompagné par un violoncelle
en notes descendantes est tout à fait remarquable. L’exposition s’éclaire avec
brio vers fa majeur. Le développement commence dans la tonalité napolitaine de mib majeur pour poursuivre vers un épisode tendu, au dense
tissu polyphonique. La fin de ce premier mouvement s’achève dans un mouvement
plus rapide dans un ré mineur poignant. Plus léger est l’Andante suivant en fa majeur, à l’élégante mélodie entrecoupée de
silences, aux allures de berceuse. Le Menuetto renoue avec la tonalité initiale de ré mineur, au
chromatisme expressif. Le trio inclus
est d’allure plus conventionnelle, en ré majeur: le violon et parfois l’alto
font accompagner leur mélodie pointée par les pizzicati des deux autres
instruments. Enfin, l’allegro ma non troppo final, au rythme haletant de sicilienne en ré
mineur, démontre qu’un mouvement final peut être ternaire, au rythme léger,
mais pas toujours joyeux et enlevé. Il s’agit d’un thème suivi de ses cinq
variations. La première expose un violon volubile, la deuxième est plus agitée:
les deux violons et l’alto exercent entre eux syncopes et décalages rythmiques
donnant un superbe effet de décalage instable et tourmenté (annonçant
Schubert). La troisième variation laisse l’alto évoquer le thème principal en
simplification rythmique. La quatrième change de mode: écrite en ré majeur,
elle offre un contraste de couleur et de caractère, plus léger. Enfin, le Più allegro final reprend en allure de
coda le rythme haletant de sicilienne et le thème final, pour finir en ré
majeur.