ARVO
PÄRT
“Miserere”
(1989, revu en 1992)
“Cantus in memory of Benjamin Britten” (1977-80)
« Jouer une seule note avec beauté est
suffisant. Si l’on y parvient, il n’y a plus rien à ajouter. C’est le mystère
de la musique» Arvo
Pärt
BIOGRAPHIE
Arvo Pärt est né le 11 septembre 1935 à Paide, une
petite ville se trouvant au sud-est de Tallinn, capitale de l’Estonie, état de
l’URSS à l’époque. Ses parents se séparèrent quand il eut trois ans. Sa mère
vint habiter à Rakvere (une petite ville à l’est de Tallinn). Là, il prit des cours de musique. A la
maison, il y avait un grand piano russe. On lui donna aussi des cours de
littérature. Très jeune, il écoute les concerts symphoniques à la radio. Il a
commencé à composer à l’âge de 14 ou 15 ans. Sa première prestation publique d’une
de ses œuvres a eu lieu alors qu’il avait 17 ans: il joua une pièce pour piano
nommée Melodia, dans le cadre d’un concours qu’il ne gagna pas. Le jury
sentait plus l’influence de Rachmaninov que celle des musiques d’Estonie. En
1953, la mort de Staline va permettre plus de libertés. En 1954, Pärt commença
un cycle de cours d’analyse, de théorie, de piano et d’ethnomusicologie dans une école de musique de Tallinn. Ces
cours furent interrompus par un service militaire de deux ans pendant lesquels
il joua du hautbois et des percussions dans une fanfare. Il est admis au
Conservatoire de Tallinn en 1957. Il a comme professeur, notamment, Heino
Eller. Il en sera diplômé en 1963. Pendant ses études, il est aussi ingénieur
du son à la radio. Les influences musicales se partagent entre les œuvres
néoclassiques de Chostakovitch et de Prokofiev ainsi que les œuvres
dodécaphoniques de Krenek et sérielles de Webern ou de Boulez.
Les premières œuvres (années 1960)
Durant les années 1960, Pärt donna dans l’avant-garde.
Nekrolog (1960-61), sa première pièce orchestrale, est fondée sur la
technique dodécaphonique. Dans ce sillage, se situe
L’influence du chant grégorien et des polyphonies de la renaissance
(années 1970 et après)
Des doutes envahissent le compositeur qui s’était
jusque là voué à l’avant-garde. Lors d’une interview à la radio estonienne en
1968, il déclare en effet:
«Je ne suis pas sûr qu’il y ait de progrès en art.
Cela a un sens dans la science. Chacun peut comprendre ce que signifie le
progrès dans les techniques de guerre. L’art présente une situation plus
complexe, beaucoup d’éléments du passé peuvent apparaître plus contemporains
que notre art présent»
A partir des années 1970, il étudie avec ferveur le
chant grégorien, les premiers polyphonistes tels Pérotin et notamment son Viderunt
Omnes, l’Ars Nova (Guillaume de Machaut), les grands maîtres franco-flamands du
XVème siècle, Ockeghem, Obrecht, Josquin Desprez et enfin, pour le XVIème
siècle, Palestrina. Il découvre également la musique orthodoxe. Cette découverte du chant
grégorien eut sur Arvo Part l'effet d'un véritable choc, lui faisant découvrir
qu'une simple monodie peut être plus riche que la plus savante des polyphonies.
Il consacra beaucoup de temps à l'étude du développement des premières
polyphonies qui succédèrent au chant grégorien, depuis l'organum médiéval et
l’Ars Nova jusqu'à l'apogée de la polyphonie franco-flamande. Arvo Part se
détacha non seulement de la technique sérielle (qu'il considère aujourd'hui
comme un facteur esthétiquement et éthiquement négatif) mais aussi des autres
types de musiques modernes axés sur la complexité. Il leur substitue un choix à
la fois culturel et éthique : retrouver dans la simplicité une universalité du
langage qui contribue à la réunification du moi, éviter tout ce qui divise,
disperse ou camoufle. Il qualifie de «cosmétiques» les complexités (harmonie
savante, écritures contrapuntiques, constructions inutilement compliquées) qui
cachent la vacuité du contenu. La richesse de celui-ci doit pouvoir s'exprimer
au niveau de la monodie sans être occultée par le traitement cosmétique.
« Je souhaitais sortir du ghetto du
sérialisme, l’arsenal bien rempli du langage musical moderne avait cessé de
m’inspirer, il était même en train de m’empoisonner. Ce genre de compositions convient
particulièrement à ce monde plein de conflits. Moi, je voulais me libérer de
tout cela. Il y a en général quelque chose de terroriste dans l’art actuel. La
destruction y a pris une place considérable, que ce soit comme commentaire ou
reflet de l’actualité, ou comme prise de position agressive. Trop de gens
s’amusent aujourd’hui avec la destruction…» (A.Pärt)
«Ce monde
musical nouveau, non conflictuel, totalement étranger aux réalités qui
l'entourent, que ce soient celles du communisme soviétique d'hier ou du
capitalisme d'aujourd'hui si riche d'échecs et d'aliénations, offre aux
pèlerins fatigués de l'art moderne la séduction des refuges. Est-ce le lieu
d'une véritable révélation ou simplement une réaction de type écologique
vis-à-vis d'une évolution dont on acceptait aveuglément qu'elle ne pouvait
aller que dans le sens du progrès ?
Un musicien venu d'un de ces pays Baltes où la nature occupe une grande
place dans la vie des hommes, fait repousser aujourd'hui les fleurs simples de
la jeunesse de la musique occidentale et cette simplicité révèle une dimension
que l'on croyait perdue. Nous rappelant ainsi qu'il n'y a pas d'automatisme du
progrès en art, la musique d'Arvo Part est à la fois postmoderne et
postreligieuse. En écoutant le silence du temps, c'est aussi le silence des
dieux qu'elle fait entendre, réveillant en nous toutes les nostalgies
spirituelles: l'unité, le sens du sacré, l'éternité... »
Extrait de «La
musique du XXe siècle en Russie» par F. Lemaire p. 453 à 457. Editions
Fayard, les chemins de la musique.
Comme de tout ce qui a trait
à l'Estonie, les Français sont en général fort ignorants de ce qui concerne la
musique estonienne. Encombrés par une slavophilie impénitente, ils ne
parviennent guère à se faire à l'idée que la personnalité estonienne possède
des caractéristiques qui la différencient radicalement de celle de
Ce qui caractérise le mieux
la musique estonienne est sans conteste la place de premier plan donnée au
chant choral et cela d'une manière spécifique que l'on ne trouve nulle part
ailleurs. Le chant choral, tel qu'il est pratiqué en Estonie, est avant tout
une manifestation de l'identité nationale et de la défense de la langue estonienne
devant les tentatives de russification. Les Estoniens chantent parce qu'ils
sont estoniens et que c'est là le meilleur moyen pour eux de s'affirmer en tant
que tels. L'éducation musicale est dispensée dès le plus jeune âge dans les
écoles avec un souci de perfection unique en son genre. Une caractéristique des
chœurs estoniens est une sonorité qui diffère sensiblement de ce que l'on peut
entendre des chœurs venant d'autres pays. Ce son spécifique est dû au fait que
la langue estonienne projette naturellement la voix en avant, donnant ainsi une
couleur réverbérée que l'on ne trouve ailleurs qu'en Finlande, les langues
estonienne et finnoise étant très proches dans leurs caractéristiques. Cette
sonorité si particulière donne à la musique populaire estonienne une couleur
sonore unique qui la distingue de toutes les autres. Cette musique, d'une
extrême richesse, prend sa source dans les mythes ayant précédé la
christianisation tardive du pays ; elle est liée à la nature primitive par ce
qu'elle a de plus profond.
Mystique, le compositeur a énormément produit dans le
domaine sacré et principalement dans la tradition latine: Stabat Mater, De Profundis, Miserere, Te
Deum, Credo. Cette création de musiques religieuses est tout à fait
exceptionnelle pour un contemporain. L'utilisation de la voix humaine et le choix des
titres peuvent donner à penser que c'est dans la foi religieuse que gît la clé
de cette musique et de la personnalité d'Arvo Part. Celui-ci se défend cependant
de tout prosélytisme religieux et l'on cherchera vainement dans sa musique les
références théologiques d'un Olivier Messiaen. Les oeuvres d'Arvo Part ne sont
pas porteuses d'un message ou d'une pensée, ni du reflet d'une foi personnelle
profonde. Apparemment religieuse, son inspiration est surtout issue d'un
intérêt d'ordre culturel et esthétique pour des formes de musique qui répondent
parfaitement à ce qu'il recherche : une simplicité allant au cœur des choses et
porteuse d'une réconciliation unificatrice alors que les musiques postromantiques,
sérielles en particulier, sont essentiellement conflictuelles. Le fait que
cette musique soit aussi, historiquement, religieuse n'est donc ici qu'un
élément secondaire.
La vérité
découverte dans les monodies grégoriennes, les premières polyphonies puis dans
celles de Machaut et Josquin ne relève pas du domaine de la foi mais de celui
de la musique: l'essentiel se trouve ici dans la simplicité, une simplicité qui
peut s'avérer infiniment riche, apportant aux interrogations non pas une
réponse, mais une sérénité. Cette postmodernité de la musique est donc aussi
une postmodernité de la foi. Dans le domaine des questions sans réponse, la
sagesse est d'approfondir les questions et non de prétendre aux réponses. Arvo
Part apparaît ainsi comme le musicien religieux de l'homme du XXle
siècle à la recherche d'un Dieu mort de son propre silence.
Œuvres majeures
-1963 : Symphonie n°1
-1968 : Credo.
-1977 : Cantus in memoriam of
Benjamin Britten, pour orchestre de cordes et cloche.
-1980 : De Profundis, pour
chœur d’hommes, orgue et percussion.
-1985 : Stabat Mater, pour
trois solistes et cordes.
-1988 : Festine Lente, pour
orchestre à cordes et harpe.
-1989: Miserere, pour
solistes, chœur, orgue, cloche et divers instruments, Magnificat, pour solistes
et chœur.
A retenir:
*
Compositeur estonien, né en 1935. L’Estonie est annexée par l’URSS de 1939 à
1991.
*
Ingénieur du son à la radio estonienne dans les années 1960
*
Dans les années 60, Pärt compose dans le style sériel dans la vague de l’époque
(comme le compositeur
français Pierre Boulez par exemple), c’est à dire dans un style très complexe issu des découvertes d’Arnold Schönberg
* Après une période de réflexion et une
influence grandissante du chant grégorien, de l’organum du XIIIe siècle et des
polyphonies médiévales (Guillaume de Machaut) et de
* Pärt a énormément produit dans le
domaine sacré et principalement dans la tradition latine: Stabat Mater, De Profundis, Miserere, Te
Deum, Credo. Cette création de musiques religieuses est tout à fait
exceptionnelle pour un contemporain. Même si elle est très souvent religieuse,
l’œuvre Pärt n’est pas prosélyte, elle ne cherche pas à convertir qui que ce
soit. Cette prédilection pour les œuvres religieuses lui a valu des problèmes
avec la censure soviétique.
* On retiendra
comme œuvres majeures le Credo (1968), Für Alina, (1976, première
œuvre dans le style tintinnabulum),
le Cantus in memory of Benjamin Britten (1977), le Miserere
(1989).
ELEMENTS
DU LANGAGE D’ARVO PÄRT
On retiendra 8 éléments: le
minimalisme, le style tintinnabulum, le mélodisme, l’harmonie et la modalité,
le silence, le rythme, la lenteur et le timbre.
Le
minimalisme: A
la surcharge d’évènements caractéristique de la musique sérielle, Pärt répond
par une simplicité. «Il faut se limiter et se réduire le plus possible,
aussi bien à l’intérieur de soi que dans ce qui nous entoure» (A.Pärt). On
retiendra: l’emploi de très peu de notes et une échelle modale unique.
Le
style tintinnabulum: A partir de 1976, Pärt utilise, style qu'il nommera
"tintinnabulum", du nom de la petite cloche ou d’un ensemble de grelots accrochés à l’orgue portatif
au moyen-âge. Arvo Pärt créé au milieu des années 1970 un style minimaliste qui
donne toute son importance au silence qu’on
appelle «style tintinnabulum» en se fondant sur deux des aspects les
plus fondamentaux de la musique tonale, la gamme et l’accord parfait. Ce
faisant, il renonça toutefois délibérément à la succession linéaire de moments
de tension et de détente – qui, dans le système tonal, s’obtient principalement
au moyen de modulations – et inventa une sorte de « tonalité
continue » qui a parfois été appelée « modale » et que
l’on a fréquemment rapprochée de la musique médiévale. Cette musique donne à
entendre le son continu d’un unique accord parfait, exprimé ou sous-entendu, un
peu à la manière d’une cloche qui continue à sonner longtemps après l’émission
de la note; c’est cette qualité qui amena Pärt à baptiser ce style tintinnabuli.
«Je travaille avec très peu d’éléments - avec une voix, avec deux voix. Je
construis avec les matériaux les plus primitifs - avec l’accord parfait, avec
une tonalité spécifique. Trois notes d’un accord sont comme des cloches. Et
c’est pourquoi j’appelle cela tintinnabuum».
Für Alina
(1976) est la première mettant en œuvre le style tintinnabuli. « C’est
dans cette pièce que j’ai découvert les séries d’accords parfaits dont je fis
ma règle très simple de fonctionnement ». « La
tintinnabulation est un espace où j’erre parfois quand je cherche des réponses
– dans ma vie, dans ma musique, mon travail. Dans mes moments les plus
difficiles, j’ai le sentiment très fort que rien d’autre n’a de sens. Je ne
dois rechercher que l’unité, la complexité et la diversité me perturbent. (…)
Des traces de cette chose parfaite apparaissent sous diverses formes et tout ce
qui est secondaire disparaît. La tintinnabulation est ainsi… Les trois notes de
l’accord sont comme des cloches ; c’est ce que j’appelle la
tintinnabulation. »
Définition: Style musical inspiré des
premières polyphonies médiévales (organum et de Guillaume de Machaut). Tonal mais sans modulations, sans chromatisme, donnant une grande importance au silence et
gravitant autour des trois notes d’un
seul accord parfait mineur. (exemple, verset III au début du Miserere: accord de mi mineur avec les trois notes
mi-sol-si)
Mélodisme: La conduite mélodique de
Pärt est d’une grande simplicité. Elle est fondée la plupart du temps sur
des notes répétées et des cellules conjointes. Utilisation également du recto
tono, c’est à dire une manière de chanter empruntée au chant grégorien
dans laquelle la mélodie ne se déploie que sur une note ou deux (comme au
verset III du Miserere). Les mélodies sont diatoniques, c’est à dire
qu’il n’y a pas de chromatisme.
Harmonie
/ Modalité: Tournant
le dos aux musiques sérielles et atonales, Pärt renoue à partir des années 70
avec une musique hyper tonale. Souvent la même tonalité est
maintenue tout au long d'une œuvre, comme par exemple le fa mineur durant les trente-cinq minutes
que dure le Miserere. Il n’y a pas de modulations et on parle alors de statisme
harmonique. L’harmonie n’est pas fonctionnelle, c’est à dire
qu’elle n’est
pas structurée selon le principe tension-détente de la musique classique et
romantique. Par ailleurs, Pärt utilise souvent la même échelle modale.
« Dans sa musique, Pärt prend le son de l’accord
parfait comme un phénomène naturel. Cet accord a peu à voir avec une structure
tonale : pas de sens de la modulation ou de la tension et détente associé
à l’harmonie tonale dans sa musique. C’est simplement l’émission d’un son
construit autour d’une note centrale. La musique ne se développe pas ( au sens
usuel du terme) , elle s’étend et se contracte, en clair elle respire». (Paul Hillier)
Le
silence:
Contrairement à John Cage qui utilise le silence pour laisser survenir un
événement quelconque (voir l’œuvre «4 minutes 33’», le silence chez
Pärt est un instant très important de méditation et d’interrogation. « (…) [le
silence] nous est donné pour que nous nous nourrissions de lui. Cette
nourriture ne nous est pas moins précieuse que l’air (…). Un compositeur
doit parfois attendre très longtemps que vienne la musique. Cette attente
recueillie, c’est précisément la pause que j’aime tant».
Rythme: Les rythmes sont peu variés
et simples. Les mesures changent souvent pour brouiller la sensation de
pulsation. Pärt s’inspire des
modes rythmiques du XIIIe (voir début du cours) et du hoquet (procédé d’écriture utilisé au XIVe siècle dans
lequel les parties se répartissent une mélodie une à une et note par note)
Timbre: Pärt marque nettement sa
préférence pour les instruments acoustiques et la voix. Il n’utilise que très rarement
des instruments électroniques.
Présentation générale
Cette
oeuvre a été composée durant les années 1988-1989 en Finlande,
en France à Etrepany et à Berlin durant les années 1988-1989. Elle
est dédiée à Paul Hillier et à l’ensemble Hilliard. La création a eu lieu à
l’abbaye Saint-Georges de Saint-Martin-de-Boscherville, le 17 Juin 1989, par le
Western Wind Choir et The Hilliard Ensemble, sous la direction de Paul Hillier.
L’effectif
se compose de cinq voix solistes, d’un chœur mixte et d’un ensemble instrumental (hautbois,
clarinette, clarinette basse, basson, trompette, trombone, guitare électrique,
basse électrique et percussions).
Cette
œuvre comporte le texte du Miserere auquel s’incorpore celui du Dies
Irae.
Ce dernier est issu du genre du Requiem, qui est une messe des morts. Le
texte du Miserere se découpe en versets (I à XXI), celui du Dies Irae
en strophes (1 à 8). On observe 4 grandes sections, agrémentées de 4 interludes
instrumentaux:
A
- Miserere, trois premiers versets (III à V) - Solistes et instruments
B
- Dies Irae , sept premiers vers - Chœur et tutti orchestral
C
- Miserere, seize versets restants - Solistes et instruments
D
- Dies Irae (Rex Tremendae) - Chœur, Soprano et Alto solistes, orchestre.
|
Page |
Chiffre |
Minutage |
A - Miserere Versets III-V
|
1 |
Avant le chiffre 1 |
0’00 |
B - Dies Irae Strophes 1-7
|
7 |
10 |
5’47 |
C - Miserere
Versets VI-VIII |
26 |
18 |
9’05 |
Interlude instrumental n°1 |
28 |
24 |
13’00 |
Miserere
Versets IX-XI |
29 |
25 |
13’52 |
Interlude instrumental n°2 |
31 |
31 |
17’00 |
Miserere
Versets XII-XIV |
33 |
32 |
17’47 |
Interlude instrumental n°3 |
36 |
35 |
20’45 |
Miserere
Versets XV-XIX |
40 |
37 |
22’17 |
Interlude instrumental n°4 |
50 |
46 |
27’46 |
Miserere
Versets XX-XXI |
51 |
47 |
28’52 |
D- Dies Irae Strophe 8
|
54 |
50 |
32’08 |
Signification du texte du Miserere:
Il s’agit d’un psaume de louange et de pénitence particulièrement utilisé pendant la semaine sainte.
Ainsi le célèbre Miserere d’Allegri était chanté tous les vendredi-saints
dans la chapelle sixtine à Rome. «Le psaume du Miserere est un psaume de
pénitence. Un jour David pécha contre Dieu. Bethsabée, la femme du soldat
hittite Urie, était très belle. Une nuit, David la fit venir chez lui et
l'aima. Lorsque David sut qu'il allait avoir un enfant de Bethsabée il demanda
à Joab qui commandait Urie, de le placer en première ligne au combat. Urie fui
tué. David prit alors Bethsabée pour épouse sans la moindre trace de remords.
Alors, Dieu envoya le prophète Nathan afin qu'il explique à David la faute
qu'il avait commise. Enfin conscient de son offense à Dieu, celui-ci fait
donc acte de contrition dans ce psaume»
P.Revol, L’Education musicale Bac 2004
Signification du texte du Dies
Irae:
Texte attribué à Thomas de Celano, un moine
franciscain du XIIIème siècle. Sa structure comporte des groupes de
trois vers de huit syllabes chacun, mis en rimes selon le schéma aaa, bbb, ccc,
etc… On le rencontre dans les requiems car il évoque le jugement dernier et
la colère divine. A noter qu’Arvo Pärt place le texte du Dies Irae
juste après le 5e verset du Miserere où David veut être lavé
de sa faute et faire miséricorde.
Voici le texte latin avec une traduction.
Dans son Miserere, Pärt supprime
les deux premiers versets introductifs et débute directement par le verset 3.
Verset |
TEXTE
DU MISERERE EN LATIN (début) |
TRADUCTION (début) |
Page |
Chiffre |
Minutage |
I |
Psalmus
David |
Psaume de David |
Texte non utilisé par Pärt |
||
II |
Cum
venit ad eum Nathan propheta quando intravit
ad Bethsabee |
Quand le prophète Nathan vint le trouver
après qu'il fut allé chez Bethsabée |
|||
III |
Miserere mei Deus secundum magnam misericordiam
tuam et secundum multitudinern miserationum tuarum dele iniquitatem meam |
Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton Amour,
selon ta grande miséricorde, efface mon péché. |
1 |
Avant le chiffe 1 |
0’00 |
IV |
Amplius lava me ab iniquitate mea et a peccato
meo munda me |
Lave-moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense. |
3 |
5 |
3’17 |
V |
Quoniam
iniquitatem meam ego cognosco et peccatum meum contra me est semper |
Car je connais mon péché, ma faute est
toujours devant moi. |
6 |
9 |
4’50 |
Strophe |
TEXTE
DU DIES IRAE EN LATIN (début) |
TRADUCTION (début) |
Page |
Chiffre |
Minutage |
1 |
Dies
irae dies illa Solvet saeclum in favilla Teste David cum Sybilla. |
Ce
sera le jour de la colère, le jour qui réduira le monde en cendres: David et
|
7 |
10 |
5’47 |
2 |
Quantus
tremor est futurus Quando judex est venturus Cuncta stricte discussurus ! |
Combien
grand sera l'effroi, quand le juge se présentera pour tout scruter avec
rigueur ! |
9 |
11 |
6’10 |
3 |
Tuba mirum spargens sonum Per sepulcra
regionum Coget omnes ante thronum |
Le
son éclatant de la trompette, retentissant jusque dans les tombeaux, rassemblera
tous les hommes devant le trône. |
11 |
12 |
6’33 |
4 |
Mors
stupebit et natura Cum resurget creatura judicanti responsura. |
La
nature et la mort seront dans la stupeur quand la créature ressuscitera pour
répondre à son juge. |
14 |
13 |
6’56 |
5 |
Liber
scriptus proferetur In quo totum continetur Unde mundus judicetur. |
On
produira le livre dont les pages renferment tout l'objet du jugement du
monde. |
16 |
14 |
7’17 |
6 |
Judex
ergo cum sedebit Quidquid latet apparebit Nil inultum remanebit. |
Quand
donc siégera le Juge, tout ce qui était caché sera dévoilé, rien ne demeurera
impuni. |
19 |
56 |
7’40 |
7 |
Quid
sum miser tunc dicturus Quem patronom rogaturus ? Cum vix justus sit securus. |
Malheureux
! que dirai‑je ? quel protecteur invoquerai‑je, quand à peine le
juste sera rassuré ? |
21 |
16 |
8’03 |
1 |
Dies
irae dies illa Solvet saeclum in favilla Teste David cum Sybilla. |
Ce
sera le jour de la colère, le jour qui réduira le monde en cendres: David et
|
23 |
17 |
8’27 |
Verset |
TEXTE DU MISERERE EN LATIN (suite
et fin) |
TRADUCTION (suite
et fin) |
Page |
Chiffre |
Minutage |
VI |
Tibi soli peccavi et malum coram te feci ut
iustificeris in sermonibus tuis et vincas cum iudicaris |
Contre Toi et Toi seul,
j'ai péché, ce qui est mal à Tes yeux, je l'ai fait. Ainsi, Tu peux parler et
montrer Ta justice, être juge et montrer Ta victoire. |
26 |
18 |
9’05 |
VII |
Ecce enim in iniquitatibus conceptus sum et
in peccatis concepit me mater Mea |
Moi, je suis né dans la
faute, j'étais pécheur dès le sein de ma
mère. |
27 |
21 |
10’46 |
VIII |
Ecce enim veritatem dilexisti incerta et
occulta sapientiae tuae manifestasti
mihi |
Mais Tu veux au fond de moi
la vérité; dans le secret, tu m'apprends la sagesse. |
27 |
23 |
11’51 |
Interlude instrumental n°1 |
28 |
24 |
13’00 |
||
IX |
Asparges me hysopo et mundabor lavabis me et
super nivem dealbabor |
Purifie-moi avec l'hysope,
et je serai pur; lave-moi et je serai blanc, plus que la neige. |
29 |
25 |
13’52 |
X |
Auditui meo dabis gaudium et laetitiam exultabunt ossa humiliata |
Fais que j'entende les
chants et la fête: ils danseront les os que Tu broyais. |
30 |
27 |
14’57 |
XI |
Averte faciem tuam a peccatis meis et omnes
iniquitates meas dele |
Détourne Ta Face de mes
fautes, enlève-moi tous mes péchés. |
31 |
29 |
16’03 |
Interlude instrumental n°2 |
31 |
31 |
17’00 |
||
XII |
Cor mundum crea in me Deus et spiritum
rectum innova in visceribus meis |
Crée en moi un cœur pur, ô
mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit |
33 |
32 |
17’47 |
XIII |
Ne proicias me a facie tua et spiritum
sanctum tuum ne auferas a me |
Ne me chasse pas loin de Ta
Face, ne me reprends pas ton Esprit Saint. |
34 |
33 |
18’52 |
XIV |
Redde mihi laetitiam salutaris tui et
spiritu principali confirma me |
Rends-moi la joie d'être
sauvé; que l'esprit généreux me soutienne. |
35 |
34 |
19’49 |
Interlude instrumental n°3 |
36 |
35 |
20’45 |
||
XV |
Docebo iniquos vias tuas et impii ad te
Convertentur |
Aux pécheurs, j'enseignerai
Tes chemins, vers Toi, reviendront les égarés. |
40 |
37 |
22’17 |
XVI |
Libera me de sanguinibus Deus, Deus salutis
meae exultabit lingua mea iustitiam
tuam |
Libère-moi du sang versé,
Dieu, mon Dieu sauveur, et ma langue acclamera ta justice. |
41 |
38 |
23’05 |
XVII |
Domine labia mea aperies et os meum adnuntiabit laudem tuarn |
Seigneur, ouvre mes lèvres,
et ma bouche annoncera ta louange. |
43 |
40 |
24’14 |
XVIII |
Quoniam si voluisses sacrificium dedissem
utique holocaustis non delectaberis |
Si j'offre un sacrifice, Tu
n'en veux pas, Tu n'acceptes pas d'holocauste. |
46 |
42 |
25’08 |
XIX |
Sacrificium Deo spiritus cntribulatus cor
contritum et humiliatum Deus non
spernet |
Le sacrifice qui plaît à Dieu,
c'est un esprit brisé; Tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur brisé et
broyé. |
49 |
44 |
26’28 |
Interlude instrumental n°4 |
50 |
46 |
27’46 |
||
XX |
Benigne fac Domine in bona voluntate tua
Sion et aedificentur muri Hierusalem |
Accorde à Sion le bonheur,
relève les murs de Jérusalem. |
51 |
47 |
28’52 |
XXI |
Tunc acceptabis sacrificium iustitiae
oblationes et holocausta tunc inponent super altare tuum vitulos |
Alors, Tu accepteras de justes
sacrifices, oblations et holocaustes ; alors on offrira des taureaux sur Ton
autel. |
53 |
49 |
30’26 |
Strophe |
TEXTE
DU DIES IRAE EN LATIN (suite
et fin) |
TRADUCTION (suite et fin) |
Page |
Chiffre |
Minutage |
8 |
Rex
tremendae majestatis Qui salvandos salvas
gratis Salva me fons pietatis. |
Roi,
ô Majesté redoutable, qui sauve gratuitement les prédestinés, sauve‑moi,
source de bonté. |
54 |
50 |
32’08 |
ANALYSE DETAILLEE DU MISERERE D’ARVO
PÄRT
«La conception dramatique du Miserere se perçoit du
début à la fin. (…) Les nombreux moments calmes de la pièce sont délibérément
conçus pour créer la tension et l’attente. En les entendant, nous sommes
conscients d’entendre un fragment de quelque chose de plus vaste et plus
puissant ; ceci n’était pas le cas dans les principales autres œuvres
écrites en style tintinnabuli. Ceci ajoute une dimension supplémentaire à
ce type d’écriture. La présence de mélodies expressives – celles du soliste Basse
et de certains interludes orchestraux en particulier – ne doit pas faire
oublier, en effet, que les principes du style tintinnabuli sont ici très
fortement présents même s’ils sont investis d’une intensité harmonique atypique
eu égard à ses autres œuvres mettant en œuvre cette écriture.» (Paul Hillier)
Déroulement général de l’œuvre:
L’œuvre débute avec une mélodie recto tono de
Ténor qui entonne le Versus III, mot par mot, chacun étant encerclé par des silences.
La clarinette égrène délicatement quelques notes arpégées de l’accord parfait
de mi mineur, elle aussi environnée de silences. La seconde partie du premier
verset est soutenue par une pédale à la clarinette basse. Une seconde voix
entre pour le Verset IV, les notes de l’accord parfait, en écho, se voyant
réparties à de nouveaux instruments. Par dessus un calme et fantomatique
roulement de timbale pp, la voix de basse soliste entame le Verset V sur
un mi grave, est rejointe par les autres solistes alors qu’il gravit deux
octaves vers l’aigu. Le roulement de timbale exécute alors un immense crescendo
qui introduit le Dies Irae.
Cette interruption est elle-même interrompue par le
retour du psaume (Miserere) et de la voix de basse soliste, presque a
cappella. Une nouvelle voix s’ajoute au début de chaque nouveau verset, la
texture s’enrichit peu à peu d’interludes instrumentaux - certains très brefs,
d’autres plus développés - à la fin de chaque verset. Un climax est atteint sur
le mot holocaustis. (Verset XVIII) et la tension redescend
progressivement jusqu’au retour de la voix de basse soliste. La musique change
enfin avec le retour du Dies Irae (Rex tremendae) et une musique qui
s’apaise encore, comme étouffée par la crainte, vision musicale qui exprime
clairement les mots du texte (Roi à la redoutable majesté, Qui sauve sans
contrepartie les élus. Sauve moi, ô source de miséricorde).
Ière PARTIE - Analyse des Versus III, IV et V
VERSUS III
Miserere mei Deus secundum magnam
misericordiam tuam et secundum multitudinern miserationum tuarum dele
iniquitatem meam |
Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton Amour,
selon ta grande miséricorde, efface mon péché. |
Page 1 |
Avant le chiffe 1 |
Minutage0’00 |
*
Effectif: Ténor 1
solo, clarinette, clarinette basse
*
Climat: recueilli,
méditatif, nuances p et pp
*
Grande importance du silence
*
Mode de la sur mi (ou tonalité de mi mineur sans sensible) dont on ne s’éloigne
jamais, notes de
l’arpège de
mi mineur (mi
sol si) égrenées dans un ordre qui paraît aléatoire.
*
Chaque mot est isolé par des silences très importants et chanté a
cappella sur une mélodie recto tono, qui ne
s’éloigne que très peu de la note-pivot
fondamentale mi
*
Choix d’une rythmique ternaire issue des modes médiévaux qui respecte
l’accentuation du mot: rythme trochée
(longue-brève) ou rythme iambique (brève longue)
*
Opposition entre un mètre ternaire pour les parties vocales et des parties
instrumentales inscrites dans des
mesures à deux ou quatre temps.
VERSUS IV
Amplius lava me ab iniquitate mea et a
peccato meo munda me |
Lave-moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense. |
Page 3 |
Chiffre5 |
Minutage3’17 |
* Effectif: toujours
la voix de ténor à laquelle s’ajoute la voix d’alto. Maintient de la
clarinette, disparition de la clarinette basse et apparition du hautbois, du basson et de
l’orgue.
*
Climat: toujours recueilli, nuances mp à mf
*
La dissonance par frottement de seconde surtout (sur Amplius mi/fa#
page 3) souligne le sens du texte
* Même
écriture fondée sur l’accord parfait : arpèges, grands intervalles en
opposition avec le recto tono des
parties vocales : style
tintinnabuli
* L’absence de discours harmonique
(puisqu’il n’y a qu’un seul accord de mi mineur) conclut à l’absence de tension. Celle-ci est soigneusement évitée
afin que le recueillement nécessaire ne soit pas troublé
VERSUS V
Quoniam
iniquitatem meam ego cognosco et peccatum meum contra me est semper |
Car je connais mon péché, ma faute est
toujours devant moi. |
Page6 |
Chiffre9 |
Minutage4’50 |
* Effectif: plus de voix: soprano, alto, ténors
1-2, basse. Et plus qu’un seul instrument: les timbales
* Climat: dramatisation du discours obtenue par les
techniques suivantes:
* Ascension de la voix de basse sur deux octaves
* Intervalle caractéristique de seconde augmentée
(fa/sol#) qui exprime la douleur, la dramatisation
* L’alto et la soprano accentuent l’effet dramatique
de part la montée dans l’aigu
* Le crescendo final s’associe à un usage exacerbé
des dissonances
(si/do entre l’alto et le ténor 1, bas de p.6)
* Le roulement
de timbale : cresc. violent, en solo, conclut cette section et
introduit le Dies irae
IIème PARTIE - Analyse du DIES IRAE,
strophes 1 à 8
(sachant que la n°8 a le même texte que la n°1)
*
Cette section est la reprise d’une pièce de 1976, Calix
*
On notera la violence du climat - à cause du sens du texte évidemment - qui
s’oppose avec l’atmosphère de
recueillement initial.
*
L’effectif est désormais au complet. Le tutti orchestral n’intervient
d’ailleurs uniquement lors du Dies Irae.
*
La structure basique est organisée en huit sections de sept mesures. Chaque
section correspond à une
strophe du Dies Irae, et chacune de
celle-ci est introduite par un roulement de timbale plus long à chaque fois
*
Sur le plan harmonique, seul le mode de la (ou la mineur sans sensible) est
utilisé pendant tout le Dies Irae.
Cet unique mode contribue au statisme
harmonique
*
Alternance des deux modes rythmiques trochée (longue-brève) et iambe (brève-longue),
issus des modes
rythmiques médiévaux:
*
Principe général: Quatre plans
sonores:
1: Bois
(hautbois, clarinette, clarinette basse et basson)
2: Trombone
3: Les voix
4: Guitare
électrique, basse électrique et pédalier de l’orgue
sont
constitués de la superposition d’une même mélodie (ci-dessous) écrite avec
des valeurs rythmiques différentes en augmentation ou en diminution, de la
même manière que le motet isorythmique Puis que la douce rousee de Guillaume de Machaut
(v.1300-1377), réaffirmant ainsi l’influence de la musique médiévale sur celle
d’A.Pärt.
A tous les plans , cette mélodie s’enchaîne à elle-même en
baissant d’un degré à chaque fois:
(à vrai dire si les degrés
s’enchaînent en descendant, il peut arriver que pour des raisons de registre,
la descente soit interrompue pour reprendre à l’octave supérieure)
1: Les bois (hautbois, clarinette, clarinette basse et basson):
On
les divise en deux sous groupes selon leur registre: le premier (aigu)
constitué du hautbois et de la clarinette, et le deuxième (grave) de la clarinette
basse et du basson. Ces deux groupes alternent les valeurs ronde/blanche et
blanche/noire toutes les deux strophes. Ce sont le hautbois et le basson qui
jouent la mélodie principale alors que la clarinette et la clarinette basse ne
jouent que les notes de l’accord de la mineur (la-do-mi). L’instrument qui se
voit confier le rythme ronde/blanche citera la mélodie moins de fois que celui
qui a le rythme blanche/noire.
Par conséquent: aux bois, on observe que la mélodie principale s’entend
sur deux couches d’élongation rythmique différente qui se croisent toutes les
deux strophes
|
Strophe 1 et 2 |
Strophe 3 et 4 |
Strophe 5 et 6 |
Strophe 7 et 8 |
Hautbois /clarinette |
|
|
|
|
Clar.bass/
Basson |
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2: Le trombone
Il joue la mélodie sur une couche
rythmique un peu plus lente que les bois
3: Les voix (chœur de Sopranos, Altos, Ténors, Basses)
De la même manière que pour les bois, les voix d’hommes et de femmes s’échangent les valeurs rythmiques toutes les deux strophes.
|
Strophe 1 et 2 |
Strophe 3 et 4 |
Strophe 5 et 6 |
Strophe 7 et 8 |
Sopranos/ Altos |
|
|
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Ténors/ Basses |
|
|
|
|
Sur le plan
mélodique, c’est un peu plus subtil car la mélodie principale se répartit sur deux
voix toutes les 4 notes (en chiasme)
Mises bout à bout, on obtient bien la mélodie
principale:
4: Guitare électrique, basse électrique et pédalier de l’orgue
Ce
dernier groupe comporte l’élongation rythmique la plus longue: du début à la
fin du Dies Irae, la mélodie principale ne s’entend que sur 6 descentes.
Très important: Ces
groupes proposent quatre couches rythmiques différentes pour une même mélodie.
Cela implique
une perception simultanée de plusieurs temps dans une même œuvre
* On peut employer le terme de canon
bien que les voix débutent ensemble
* Il résulte de ces superpositions de couches rythmiques
d’une même mélodie des rencontres parfois dissonantes, des frottements de
secondes, notamment
* L’agrégat final à la dernière mesure,
construit justement sur la seconde mineure si-do, introduit la partie suivante
qui commence sur les deux mêmes notes, la seconde de ces deux notes (do) se
révélant être la note phare du Verset VI. Cette mesure fait office de coda
IIIème PARTIE - Analyse des versets VI à XIV (et des 3 interludes instrumentaux)
Versets VI à VIII (page
26)
VI |
Tibi soli peccavi et malum coram te feci ut
iustificeris in sermonibus tuis et vincas cum iudicaris |
Contre Toi et Toi seul,
j'ai péché, ce qui est mal à Tes yeux, je l'ai fait. Ainsi, Tu peux parler et
montrer Ta justice, être juge et montrer Ta victoire. |
26 |
18 |
9’05 |
VII |
Ecce enim in iniquitatibus conceptus sum et
in peccatis concepit me mater Mea |
Moi, je suis né dans la
faute, j'étais pécheur dès le sein de ma
mère. |
27 |
21 |
10’46 |
VIII |
Ecce enim veritatem dilexisti incerta et
occulta sapientiae tuae manifestasti
mihi |
Mais Tu veux au fond de moi
la vérité; dans le secret, tu m'apprends la sagesse. |
27 |
23 |
11’51 |
Généralités
*
Fort contraste de caractère: on retrouve le climat de recueillement d’avant le Dies
Irae
* Mêmes principes que dans les Versets III à V: chaque
mot est isolé par des silences et chanté en général a cappella ;
même choix également d’une rythmique issue des modes médiévaux
*
L’accord de base dans toute cette troisième partie : Fa mineur.
* Importance de la 2dne augmentée qui donne un
aspect oriental (ici réb/mi)
* Une métrique irrégulière,
très libre (voir les différentes indications de mesure au dessus des portées) abolissant la sensation de pulsation
*
Un effectif très restreint par verset:
Verset VI: voix de basse, clarinette,
clarinette basse, basson, timbale
Verset VII: voix de basse et ténor 1,
hautbois, clarinette, basson
Verset VIII: voix de basse, clarinette basse,
basson, trompette, trombone, guitare et basse électrique, orgue
*
Verset VI: Les courbes mélodiques sont
descendantes puis ascendantes comme sur Tibi soli et coram te feci
* Verset VII: Deux voix qui chantent le texte en même
temps à intervalle de 4tes et 5tes: évoquant la technique de l’organum médiéval
Interlude instrumental n°1 (page 28)
Destiné à la
réflexion et à la méditation, cet interlude renoue avec la pulsation
(longue/brève rythme trochaïque). Son écriture évoque celle d’un choral, dans
lequel toutes les voix sont en homorythmie.
Versets IX à XI (page
29)
IX |
Asparges me hysopo et mundabor lavabis me et
super nivem dealbabor |
Purifie-moi avec l'hysope, et
je serai pur; lave-moi et je serai blanc, plus que la neige. |
29 |
25 |
13’52 |
X |
Auditui meo dabis gaudium et laetitiam exultabunt ossa humiliata |
Fais que j'entende les
chants et la fête: ils danseront les os que Tu broyais. |
30 |
27 |
14’57 |
XI |
Averte faciem tuam a peccatis meis et omnes
iniquitates meas dele |
Détourne Ta Face de mes
fautes, enlève-moi tous mes péchés. |
31 |
29 |
16’03 |
Verset
IX: homorythmie, le tenor 2 fait toujours un fa (recto tono), des dissonances entre
les deux voix
Verset
X: Alto et basse chantent en 3ces parallèles, la soprano est plus libre
Verset
XI: Alternance quasi systématique des voix et des instruments.
Interlude instrumental n°2 (page 31)
De
forme ABA, il voit dans sa partie centrale tous les instruments en homorythmie
sur le rythme brève-longue
Versets XII à XIV (page 33)
XII |
Cor mundum crea in me Deus et spiritum
rectum innova in visceribus meis |
Crée en moi un cœur pur, ô mon
Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit |
33 |
32 |
17’47 |
XIII |
Ne proicias me a facie tua et spiritum
sanctum tuum ne auferas a me |
Ne me chasse pas loin de Ta
Face, ne me reprends pas ton Esprit Saint. |
34 |
33 |
18’52 |
XIV |
Redde mihi laetitiam salutaris tui et
spiritu principali confirma me |
Rends-moi la joie d'être
sauvé; que l'esprit généreux me soutienne. |
35 |
34 |
19’49 |
Verset
XII: Alternance des voix avec la timbale. Alto et Ténor 2 sont homorythmique,
le ténor 1 évolue librement
Verset
XIII: Toutes les voix en homorythmie. Remarquer les silences systématiques
entre chaque mot, on connaît l’importance du silence chez Pärt.
Verset
XIV: Alternance instruments voix, toujours en homorythmie
Interlude instrumental n°3 (page 36)
Beaucoup
plus développé que les interludes précédents
Contraste
rythmique: des double croches rapides d’un motif à l’orgue relayé par les
autres instruments
Ces
double croches de l’orgue évoluent toujours autour de l’accord de fa mineur (fa
lab do) avec quelques broderies.
Le
triangle puis le tambour est placé sur des temps irréguliers, toujours dans
l’idée d’abolir la sensation de pulsation.
Crescendo
général et accords forts et dissonants à la fin.
CANTUS IN MEMORY OF BENJAMIN BRITTEN
«Pourquoi est-ce que la date de la mort de Benjamin Britten - le 4 décembre 1976 - a eu de telles résonances en moi ? A cette époque, j’en étais à un point où je pouvais reconnaître l’importance d’une telle perte. Des sentiments inexplicables de culpabilité et de remords montèrent en moi. Je venais seulement de découvrir Britten pour moi-même. Juste avant sa mort, je commençais à apprécier la pureté inhabituelle de sa musique - j’avais l’impression d’un type de pureté comparable à celle des ballades de Guillaume de Machaut. Et, ajouté à cela, depuis longtemps j’avais voulu rencontrer Britten en personne - et maintenant cela n’adviendrait pas» A.Pärt
*
Cette œuvre, composée en 1977, est un hommage au compositeur anglais Benjamin
Britten (1913-1976)
*
Elle n’est pas écrite dans le style de ce compositeur disparu mais comporte un
caractère triste, sombre et
pesant, emprunt du regret de n’avoir pas pu
le rencontrer
* Elle s’inscrit dans la tradition de
l’hommage musical qu’un compositeur rend à un autre compositeur disparu:
* Elle
est écrite pour un orchestre à cordes (violons I et II, altos, violoncelles et
contrebasses) et une cloche
tubulaire (en forme de tube) qui ne fait
toujours qu’une seule note: le la «comme un glas ponctuant de sa
lourdeur un convoi funèbre» G.Moindrot dans L’Education musicale (Bac
2004) p.54
* Toute l’œuvre est fondée sur la gamme
descendante de la mineur (la sol fa mi ré do si la), ou mode éolien. Le fait que cette gamme soit descendante
évoque le passage des vivants vers le monde des morts comme le faisaient déjà
certaines œuvres de
FIGURALISME: Ensemble de techniques
musicales propres à représenter directement une idée portée par le texte.
Exemple:
une gamme ascendante sur le texte «Et ascendit»
* Cette gamme descendante est amenée progressivement, deux notes au début et on rajoute une note à chaque fois: la sol / la sol fa / la sol fa mi / la sol fa mi ré / etc… selon cet exemple:
…jusqu'à
20 notes aux violons I (chiffre 9 page 63 vers 3’23) de la5 (4 lignes au dessus
de la portée) à do3 (do du bas de la clef de sol)
* Le principe est que chaque pupitre
descend cette gamme à une vitesse différente: par conséquent, tout en jouant le
même matériau mélodique, ils font se superposer différentes couches
temporelles. Malgré ce point culminant, on se perd un peu dans cette gamme qui descend imperturbablement,
superposée à elle-même et qui pourrait faire penser à une « œuvre sans fin » si
l’on ne terminait sur une pédale de la au tutti (sauf l’alto qui a un mi).
* Après trois motifs de cloches, les
violons 1, divisés, entrent dans le registre le plus aigu (Valeurs rythmiques
principales : blanche/noire). Une mesure après, entrée des violons 2, eux-mêmes
divisés, qui donnent le même motif descendant, en augmentation
(Rondes/blanches). Entrent ensuite les alti, les violoncelles, puis les
contrebasses (Tous sont divisés sauf les alti). A chaque nouvel instrument, les
valeurs rythmiques sont multipliées par deux.
*
A noter bien sûr le crescendo progressif du début à la fin de l’oeuvre
* Vers la fin, à noter le ralentissement progressif tendant à stabiliser l’accord de la mineur. Ce ralentissement n’est pas du au ralentissement du tempo mais à la raréfaction des événements
LE TEMPS CHEZ ARVO PÄRT
1)
Le temps dans le déroulement des œuvres de Pärt
a) Le temps «éternel» du chant grégorien (dans les
passages avec le texte du Miserere)
«Ses musiques reprennent des structures fondamentales de la musique
tonale, les triades mineures, en particulier, en leur donnant un rôle nouveau
où la simplicité et la clarté dominent. Ceci implique l’abandon des artifices
usuels du développement dynamique. Au développement classique, nœud du drame,
se substituent des séquences d’épisodes peu différenciés, par couches, en
cercles ou en spirales mais jamais en vecteurs contraignants, tendus vers un
but. C’est une musique de l’éternel recommencement dans l’indifférence du temps
et la complicité du silence. Cette simplicité du minimum, cette sérénité
lumineuse exaltant le silence intérieur, paraissent chargés d’une dimension
mystique, révélatrice d’une vérité hors du temps». (Frans C. Lemaire)
On observe chez Pärt la perception d’un temps très
long, donnant un sentiment d’éternité. Ce statisme temporel est exprimé par ces
7 éléments:
* Les silences
* Le même accord pendant longtemps d’où l’absence de
progression harmonique
* Pas de chromatisme
* Fréquente répétition des notes
* Lenteur extrême
* L’absence d’événements
* L’absence de contrastes forts de nuances et de tempo
On peut dire que le minimalisme
de sa musique est au service d’un temps circulaire
b) A noter la simultanéité de
différentes couches temporelles (dans le Dies Irae) comme un procédé
tout à fait original
2)
L’œuvre de Pärt dans le temps, c’est à dire dans l’histoire de la musique
L’œuvre de Pärt revendique aussi bien des influences
médiévales que contemporaines: «Une musique qui pourrait avoir été écrite il
y a deux cent cinquante ans mais qui, cependant, ne pouvait être composée
qu’aujourd’hui»
Les
influences médiévales:
En
tour premier lieu, la spiritualité de la musique médiévale
Pédales
et bourdons
Intervalles
caractéristiques de quartes, quintes et octaves
Lignes
modales simples, recto tono, rappelant le plain-chant
Valeurs
rythmiques longues (lentes)
Modes
rythmiques (Iambe, trochée)
Intérêt pour la dissonance - L’athématisme -
L’absence de progression tonale
SOURCES
Articles de Patrick Rivol, Daniel Caux, Gérard
Moindrot et Gérard Denizeau dans la revue L’Education
Musicale supplément au n°505-506, Septembre/Octobre 2003, Bac 2004
«La musique du XXe siècle en Russie» par F.
Lemaire p. 453 à 457. Editions Fayard, les chemins de la musique.
Arvo Pärt, Paul Hillier, Oxford University Press, 1997
Excellent article d’Eric Michon sur le Miserere,
le Cantus in memory of Benjamin Britten et la conception du temps
musical chez Pärt:
www.educnet.education.fr/musique
Sites sur Arvo Pärt:
www.arvopart.org www.musicolog.com/part.asp