Krzysztof
Penderecki (Polonais, né en
1933)
* A une époque où l'on cultivait le culte des sérialistes tesl Boulez ou Stockhausen, Penderecki faisait figure de sensualiste. Il s'opposait à eux par une approche plus sensorielle qu'intellectuelle.
* Son œuvre est largement autobiographique. L'injustice sociale ou la religion lui ont fourni l'inspiration pour beaucoup de ses œuvres. En cela, bien que "contemporaine", son œuvre est une réelle expression de son émotion et n'est en aucun cas le fruit de spéculations théoriques, sérielles ou encore expérimentales, même si les moyens d'y arriver sont originaux et caractérisent son style.
Autres œuvres de Penderecki:
Dimensions du temps et du silence
(1959-60)
Canticum Canticorum Salmonis
Stabat Mater
Thrène pour les victimes d'Hiroshima (1959-61)
* Thrène: Chant funèbre
accompagné de danses, en l’honneur d’un défunt illustre (Robert)
* A l’origine, cette œuvre composée en 1961 s’appelait 8'37 (la durée de
l’attaque sur Hiroshima le 6/8/1945). Penderecki la renomma en Thrène pour les victimes d'Hiroshima
pour une meilleure compréhension du public.
* Bien que destiné aux victimes japonaises, on peut rapprocher cet
hommage à celui fait aux victimes des camps de concentration: "La grande Apocalypse [Auschwitz], ce grand crime de guerre, est
incontestablement dans mon subconscient depuis la guerre où j'assistai enfant à
la destruction du ghetto de ma petite ville natale, Debiça
[près de Cracovie]". Cette pièce fut créée en 1967 sur les lieux mêmes
de la tragédie à Auschwitz.
* Le compositeur atteint ici, selon ses propres mots, "les limites dans la création des sonorités". Thrènes le lance véritablement dans le monde
de la création contemporaine, c'est aussi à cette époque (1958-64) qu'il cesse
ses recherches sur le son. «Les cordes
dans le registre aigu produisent des sonorités perçantes, irisées, avec des
clusters de quart de ton, des superpositions de cellules différentes, soumises
à un hasard contrôlé (...)» U.Michels.
ELEMENTS GENERAUX
* L’effectif orchestral est composé
uniquement de cordes: 24 violons, 10 altos, 10 Violoncelles, 8 Contrebasses
* Le son est primordial, avant la mélodie ou la structure. Thrènes est le terrain
d’expérimentations où les possibilités sonores des cordes sont poussées au
maximum, procurant des sensations auditives inédites.
LES STRUCTURES LINEAIRES
* On ne parle pas de mélodie
mais de structures linéaires. La chromatisation
est la substance de son langage musical. C’est à dire que toutes les 12 notes
de la gamme sont utilisées indifféremment dans un athématisme total. Dans le cas de Thrènes, étant donné qu’il n’y a que des cordes, il y a beaucoup
plus que 12 notes dans la gamme: lorsqu’on fait un glissendi
sur un violon, on parcourt une quantité infinie de notes. On parle de glissendi microtonaux.
LES STRUCTURES VERTICALES
* On ne parle pas d’harmonie mais de structures verticales. Le phénomène
le plus marquant et le plus fréquent est le cluster (voir plus haut)
LE DEROULEMENT TEMPOREL
* Au niveau des sons écrits, on constate un ébranlement de la
régularité métrique, jusqu'à l'apparition de l'aléatoire. Pas de
pulsation rythmique.
* L’œuvre est organisée en séquences dont la durée est indiquée sur la partition en secondes, pour des raisons pratiques.
* En prenant du recul sur l’œuvre, on s’aperçoit qu’il n’y a pas de
déroulement temporel narratif (bien
qu’évoquant un événement de la réalité, cette œuvre ne «raconte» rien. Elle
n’observe pas non plus un quelconque développement ou progression musicale,
elle expérimente les sonorités extrêmes des cordes en essayant de rendre compte
du sentiment de détresse et d’angoisse lié à l’événement auquel elle fait
allusion.
* L’aléatoire "contrôlé": Mise à part la section
centrale (de 6’40 à 8’11), les
passages en clusters, sirènes ou trémolos offrent une certaine liberté
d’exécution liée au hasard (un trémolo, par exemple n’indique pas avec
exactitude la fréquence des notes qu’il produit).
L’ORCHESTRATION - LE PLAN
* Penderecki a utilisé des techniques tout à fait particulières du traitement des instruments à cordes. Il s’en explique dans la légende placée au début de la partition (quarts de ton, note la plus aiguë, position particulière de l’archet, etc...)
* Si on devait faire un «plan» de Thrènes,
on s’apercevrait que les différentes séquences correspondent aux différentes
manières de traiter les cordes, celles-ci sont réparties dans des groupes qui
évoluent tout au long de la pièce. On retiendra une alternance entre un timbre continu (début et fin)
dans lequel les cordes restent dans un groupe homogène, et un timbre discontinu dans la
section centrale.
* Première section: Les
quatre groupes de cordes (du début à 6’40
et de 8’11 à la fin) mettent en jeu des effets spatiaux stéréophoniques:
1’26 à 2’19: chaque groupe
instrumental expérimente chacun son tour
une suite d’attaques timbriques très rapides.
2’19 à 5’10: Clusters «mouvants » c’est à dire qui
s’élargissent ou se rétrécissent, vers l’aigu ou le grave. Chaque l’un à la suite de l’autre puis tous
ensemble (4’15). A noter à 5’20 un effet particulier de crescendo dans lequel
chacun des 52 instruments intervient à la suite de l’autre.
* Section centrale:
6’40 à 8’11: Ecriture
extrêmement éparpillée et complexe. Chaque instrument est individualisé au sein
d’un groupe restreint (6’40 à 7’01),
puis de deux (page 14) puis trois (page 15) caractérisant cette section au timbre discontinu.
* Section finale:
8’11 à fin: Tuilage de la fin de la section centrale au
retour des clusters. Retour à un timbre continu et homogène. Cluster intégral
aux 52 cordes à la toute fin.