Steve Reich (américain né en 1936): City Life (composée en 1995)                                

 

* «City Life se présente comme un reportage à chaud sur New York et d’une façon plus générale, comme une interrogation sur les problèmes de cohabitation ethnique, de pollution sonore ou atmosphérique et sur la violence inhérente à toutes les grandes mégalopoles » (Philippe Lalitte)

 

* Steve Reich, compositeur américain, prend ses distances vis à vis de la musique «sérieuse» occidentale: il revendique ses influences autant de Stravinsky que de du jazz (John Coltrane) ou du rock (influence du rythme répétitif). Il déplore que la musique «sérieuse» a perdu le sens de la pulsation:

 

* On associe souvent Steve Reich au courant de la musique répétitive. Cette musique, née aux USA dans les années 60 sous l’influence du rock ou du raga indou propose «un petit nombre de formules mélodico rythmiques répétées à la manière d’un ostinato, non pas de façon inflexible, mais avec de minimes variations et de légers décalages de phase» (U.Michels)

 

 

* «Puisque les racines de la seconde Ecole de Vienne [Schönberg, par exemple] sont de toute évidence localisées dans le temps et l’espace, il est un peu artificiel pour un américain des années 50, 60 ou 70 de s’en inspirer en bloc. Il est impossible d’ignorer les sons qui ont inondé l’Amérique de 1950 à 1980 (le jazz et le rock). On peut les raffiner, les rejeter ou les accepter partiellement, mais on ne peut les ignorer, à moins de se comporter comme une autruche, ou de montrer son manque d’information. Singer une autre culture, la culture d’une autre époque, ne peut que produire un résultat stérile»  S.Reich.

 

* City Life est une œuvre pour instruments acoustiques (flûtes, hautbois, clarinette, violons, altos, violoncelles) mélangés à des instruments plus contemporains (vibraphone, piano, samplers (ou échantillonneurs)).

 

* L’idée principale est de mélanger des sons non pas venant de bandes magnétiques comme dans les années 60 (voir œuvres de référence) mais d’enregistrements pris sur le vif dans New York: bruits de la rue, voitures, klaxons, sirènes, etc... Les sons pré-enregistrés sont ensuite samplés (voir définition plus haut) et disposés sur un clavier électronique. Chacun des cinq mouvements est constitué d'un échantillon principal et d'échantillons secondaires.

 

* L’harmonie n’est ni vraiment tonale ni atonale. Elle est constituée d’accord chargés de dissonances mais dont la fondamentale (note de basse) nous rapproche toujours d’un pôle tonal.

 

* Au niveau de la structure, chacun des 5 mouvements s’enchaîne au suivant sans interruption, caractérisé par un échantillon principal. Au tout début se trouve un choral (une succession d’accords majestueux entrecoupés de silences), ainsi qu’à la fin du dernier mouvement (avec les samples rajoutés), donnant une structure globale A-B-C-B-A.

 

 

1er mouvement:   «Check it out !»  "viens voir", est l’échantillon principal, constitué d’un motif de trois notes ascendante (sol-sib-do). Puis les échantillons secondaires: freins pneumatiques de bus, de métro, door slam (porte qui claque), moteur de voiture, dérapage, klaxon, alarme, carillon de métro...  Ce mouvement commence et termine par un choral statique (voir plus haut). Ce mouvement évoque quelque part l’activité grouillante et peuplée d’une journée à New York.

 

2e mouvement:  Pile driver: marteau pilon (échantillon principal, répétitif ) et klaxons. «D’une atmosphère diurne, nous glissons vers une ambiance nocturne, pleine d’angoisse et de violence sourde» P.Lalitte.

 

3e mouvement:   It's been a honeymoon  «c’était une lune de miel» - Can’t take no mo «impossible d’en prendre plus » . Bâtie entièrement sur les rythmes répétés des échantillonneurs: «Au lieu de maintenir les doigts enfonçés sur les touches pour que l’échantillon se déroule dans toute sa durée, le fait de jouer les rythmes en valeurs brèves produit un effet particulier: on n’entend qu’une syllabe ou deux de la phrase. C’est une technique souvent utilisée dans le rap ou la techno». P.Lalitte. La répétition à l’extrême de ces formules produit une saturation stressante proche de l’effet recherché.

 

4e mouvement:   Heart beats (battements de cœur): on retrouve l’ambiance sombre et sourde du deuxième mouvement. La corne de brume et le balancement du rythme ternaire à 6/8 et 9/8 évoquent le tangage d’un bateau, au port. Le mouvement s’accélère peu à peu dans une atmosphère de panique pour déboucher sur une sorte de climax de l’œuvre:

 

5e mouvement:   Heavy smoke (fumée épaisse). Faisant largement emploi des échantillons vocaux de pompiers et de la police, ce dernier mouvement évoque de par ses citations la panique et la situation d’urgence de l’attentat du World Trade Center (26 février 1993). Le canon initial du premier mouvement réapparaît à la fin donnant une certaine unité à l’œuvre.