Pièces pour piano Op.19 et Op.11 d’Arnold
Schönberg (1874-1951)
* Arnold Schönberg (1874-1951), autodidacte, compositeur central dans ce qu’on appelle la «seconde école de Vienne» dont faisaient aussi partie Anton Webern (1883-1945) et Alban Berg (1885-1935), la «première» école de Vienne étant constituée des classiques Mozart, Haydn et Beethoven.
* Initiateur de la seconde école de Vienne ("Je suis un conservateur qu'on a forcé à devenir révolutionnaire"), il accepta la mission historique, après constat de l'épuisement du système tonal, qui consista à mettre fin à ce système et à en bâtir un autre à la place.
* Le piano n'est pas l'instrument le plus important chez Schönberg, qui n’est pas pianiste. Mais il se situe à des moments charnières de sa carrière. C'est pour lui un instrument expérimental.
* Ces trois pièces ont été composées en 1909, contemporaines des Préludes de Debussy (1862-1918)
* Elles marquent un tournant (surtout la 3e) dans la musique occidentale: la tonalité est définitivement abandonnée au profit de l’atonalité.
* Mais elles ne sont pas sérielles (première œuvre sérielle: Suite pour piano opus 25 en 1923)
* Pièce Opus 11 n°1 Mässig "modéré"
- Malgré l’atonalité, cette pièce reste thématique (le thème est tout au début). La partie B est à mes 34
- La forme est ABA' (B à mes. 34, A’ à mes. 53)
- Sons harmoniques mesures 14 à 16: les touches du piano sont enfoncées très doucement pour libérer les cordes des étouffoirs sans les frapper directement.
* Pièce Opus 11 n°2 Mässig "modéré"
- Cette pièce n’est pas complètement atonale: la sombre tonalité de ré mineur est une référence au post romantisme.
- La basse joue un ostinato (fa ré) qui nous ramène toujours vers ce ré mineur pesant, toujours pour contrarier l'élan de passion, d'émotivité du registre supérieur.
* Pièce Opus 11 n°3 Bewegt "mouvementé"
- c’est la pièce la plus audacieuse et la plus tournée vers l'avenir.
- des trois pièces Opus 11, c’est la plus purement pianistique et virtuose.
- elle est totalement athématique (sans thème)
- elle est écrite selon le principe de non répétition
- elle est constituée d’agrégats défiants toute loi tonale
- elle constitue une ouverture vers la forme "ouverte" (forme non déterminée qui change à chaque éxécution) en sorte de constante improvisation
* Ces pièces sont composées deux ans après l’opus 11, en 1911.
* Comme les pièces de l’opus 11, elles restent atonales.
* Leur principale caractéristique est leur brièveté. Elles concentrent les événements musicaux dans un minimum de temps (l’ensemble ne dépasse pas cinq minutes). Il s’agit d’une réaction contre l’hypertrophie des grandes formes symphoniques.
* L'invention musicale procède ici par brèves illuminations, interjections soudaines et envolées lyriques.
* Aucune forme n’est déterminée ni régulière
* Pièce Opus 19 n°1 Leicht, zart "léger, délicat"
- Il s’agit de la plus longue des six.
- Prédominance de la ligne supérieure, très chantée.
- Moments d’agitation, de précipitation (mes 3), d’autres plus lyriques (mes 4 et 5, 13) ou contemplatifs (mesure 9).
- Ecriture polyphonique non rigoureuse
* Pièce Opus 19 n°2 Langsam "lent"
- un ostinato d’une tierce majeure sol-si assure la continuité de la pièce sur laquelle une mélodie très chantée se greffe.
* Pièce Opus 19 n°3 Sehr langsam "très lent"
- plus lyrique cette pièce offre un fort contraste de nuances entre la main droite f et la main gauche pp se mouvant en profondeur.
* Pièce Opus 19 n°4 Rasch, aber leicht "rapide mais léger"
- La mélodie supérieure de cette pièce évoque un personnage théâtral clownesque et hystérique.
* Pièce Opus 19 n°5 Etwas rasch "assez rapide"
- Cette pièce aux relents de valse (3/8) s’achève par une décomposition
et une dilution de son caractère, la précipitant vers le néant.
* Pièce Opus 19 n°6 Sehr langsam "très
lent"
- cette dernière pièce, peut-être la plus belle, est un hommage au compositeur Gustav Mahler (1860-1911)
- extrême dématérialisation du langage sonore. Le timbre glacial et désincarné naît de l'opposition de deux plans sonores (les deux accords du début).
- grande importance du silence, on est aux confins de la perception acoustique.
En conclusion,
* Ces pièces Op.11 et 19 marquent un tournant dans la musique occidentale: pour la première fois est rejeté un système tonal vieux de près de 500 ans.
* L’atonalité mènera à l’athématisme (absence de thème) et à l’absence de répétitions. Notre psychologie d’écoute, lié au sentiment tonal et habituée aux répétions et autres «retours» de thèmes s’en trouve profondément modifiée voire perturbée.
* Le rapport au temps musical est profondément bouleversé.
* La voie est désormais ouverte à toutes les musiques expérimentales du XXe siècle.