FOLK SONGS  DE BERIO

 

 

FOLK SONGS de Luciano Berio (né en 1925)

 
* Au début du XXe siècle, un compositeur autrichien, Arnold Schönberg (1872-1951), invente un système musical: le dodécaphonisme, qui consiste à abolir la tonalité et à rendre tous les sons égaux entre eux   (voir Pièces pour piano Op.11, ou Erwartung  Op.17)


* Après 1945, une génération de compositeurs se réclamera de son héritage: Pierre Boulez (France), ou Karlheinz Stockhausen (Allemagne) ou encore Luciano Berio (Italie).

* La musique dodécaphonique est particulièrement difficile d’abord pour une oreille non initiée, les points de repère habituels sont brouillés (pas de thème, harmonie «difficile», etc...)

* Parallèlement à cette musique «sérieuse» et intellectuelle, Berio s’intéresse aussi aux pratiques musicales populaires et au jazz, musiques qui n’ont rien à voir avec le dodécaphonisme. De là naît l’idée des Folk songs (chansons populaires), 11 chants dont Berio a emprunté la mélodie au répertoire populaire de différents pays (USA, Arménie, France, Sicile, Azerbaïdjan) en les arrangeant pour voix et 7 instrumentistes (harpe, flûte, clarinette, alto, violoncelle, percussions (2 instrumentistes))

* L’effectif instrumental n’est au complet que dans deux chants: dans A la femminisca et Azerbaijan love song

* Date de composition: 1964 et ont été écrites pour sa femme Cathy Berberian (d’origine arménienne, née en 1925) qui en fut l’interprète à la création.

* La démarche de Berio n’est pas scientifique: il ne cherche pas à livrer un documentaire ethnologique sur ces pays le plus fidèle possible. Mais d’un autre côté, il écarte l’arrangement moderne au piano qui dénaturerait leur style. Il trouve donc un compromis entre

        a) Une expression vocale la plus fidèle que possible à l’esprit original populaire
b)
 Un accompagnement instrumental original et très écrit contrairement à la musique populaire qui est presque toujours de tradition orale.

    En cela, les Folk Songs relèvent d’une fusion entre la tradition orale populaire et écrite savante. «Dans les Folk songs, expliquait Berio, je voulais développer un contexte analytique de la chanson populaire en suggérant, à travers les références aux instrumentations particulières ou aux techniques vocales populaires, un ensemble de pratiques musicales  proches de leur origine culturelle réelle. Pour empêcher les traditions «modernisées» des chansons populaires avec accompagnement au piano». Le piano faisant inévitablement référence au tempérament égal étranger à la musique populaire.

  

 

 

1 - Black is the colour...   (p.1)

 

Origine géographique: USA

Sens du texte: poème d’amour d’une femme à son amant

Texte:

 

1   Black is the color                                 Noire est la couleur

2   of my true love's hair,                          des cheveux de mon amour,

3   his lips are something                          ses lèvres ont la teinte

4   rosy fair,                                              délicate des roses, 

5   the sweetest smiIe                               son sourire est le plus doux

6   and the kindest hands;                         et ses mains les plus tendres;

7   I love the grass whereon the stands.   J'aime l'herbe sur laquelle il se tient. 

  

8   I love my love and well he knows.     J'aime mon amour et il le sait bien, 

9   I love the grass whereon he goes;       J'aime l'herbe qu'il foule en marchant; 

10 if he no more on earth wilI be,           Si jamais iI devait quitter cette terre, 

11 'twill surely be the end of me.            Alors certainement je disparaîtrais.

 

    Black is the color                                 Noire est la couleur

    of my true love's hair,                          des cheveux de mon amour,

    his lips are something                          ses lèvres ont la teinte

    rosy fair,                                              délicate des roses, 

    the sweetest smiIe                               son sourire est le plus doux

    and the kindest hands;                         et ses mains les plus tendres;

    I love the grass whereon the stands.   J'aime l'herbe sur laquelle il se tient. 

 

 

Effectif instrumental: alto, harpe, violoncelle

Structure:

 

TEXTE

 

             A

Black is the colour

 

         B

I love my love

 

               A

Black is the colour

MUSIQUE

Interlude d’alto

              A

Interlude d’alto

          a

Interlude d’alto

                a

CHIFFRE

      -

              1

      2

          3

           4

               5

 

* La mélodie originale n’est pas populaire à proprement parler mais fut écrite par John Jacob Niles (1892-1980), originaire de l’état du Kentucky (centre-est des USA), compositeur et interprète de chants populaires.

* Cette chanson oppose 2 matériaux sonores éloignés: la sonorité du violoneux de village un peu rude et la souplesse de la voix. Berio indique même pour l’alto ‘indipendente dal canto’ soulignant la forte indépendance des deux parties.

* La mesure est marquée à 2/4 mais en réalité, la pulsation est libre: les temps forts ne sont pas marqués, et la partie d’alto est totalement hors mesure.

* La musique populaire exploite plus de modes que la musique classique qui ne connaît quasiment que la dualité majeur/mineur. Ce premier chant est écrit en mode de la sur .

 

2 - I wonder as I wonder...   (p.5)

 

Origine géographique: USA

Sens du texte:  chanson chrétienne

Texte:

 

1    I wonder as I wander out under the sky                      Cheminant sous le ciel, je songe à ce mystère: 

2    How Jesus our Savior did come for to die                  Jésus notre Sauveur est venu mourir

3    For poor orn'ry people like you and like I,                  pour de pauvres malheureux comme vous et moi, 

4    I wonder as I wander out under the sky.                     cheminant sous le ciel, je songe à ce mystère.

  

5    When Mary birthed Jesus 'twas in a cow stall            Marie mit Jésus au monde dans une étable,

6    With wise men and farmers and shepherds and aIl,    avec les mages, les fermiers, les bergers et tout; 

7    But high from the Heavens a star's light did fall,        mais du haut du ciel, une étoile a brillé,

8    The promise of ages it then did recall.                         elle a rappelé la promesse aux anciens. 

  

9    If Jesus had wanted of any wee thing,                         Si Jésus avait voulu la moindre chose, 

10  A star in the sky or a bird on the wing,                        une étoile du ciel, un oiseau à tire d'aile,

11  Or aIl of God's angels in Heav'n for to sing,               ou que chantent tous les anges du Paradis, 

12  He surely could have had it 'cause he was the king     iI aurait pu l'avoir parce qu'il était roi.

 

Effectif instrumental: alto, harpe, clarinette, violoncelle, flûte

Structure:


 

TEXTE

  vers 1-2

   vers 3-4

  vers 5-6

  vers 7-8

 vers 9-10

 vers 11-12

 

MUSIQUE

      A1

      A2

      A1

     A2

       A1

       A2

Postlude flûte

 


* C’est une structure strophique, à laquelle s’ajoute une courte introduction et un postlude à la flûte.

* Le postlude de la flûte (et de la clarinette) contraste avec le reste de la pièce du point de vue rythmique puisque l’on quitte un balancement ternaire régulier pour un moment aux allures  d’improvisation

* Comme le chant précédent, celui-ci provient du même compositeur américain John Jacob Niles.

* Il est constitué d’un seul thème confié à la voix. La partie instrumentale est purement secondaire sur le plan mélodique

* Le mode utilisé est le mode éolien (c’est à dire de la naturel) sur sol. L’absence de sensible inhibe la relation classique tonique/dominante.

 

 

3 - Loosin yelav...   (p.10)

 

Origine géographique: Arménie

Sens du texte:  poème dédié à la lune

Texte:

1    Loosin yelav ensareetz                 La lune s'est levée sur la colline, 

2    saree partzor gadareetz                 sur le sommet de la colline, 

3    shegleeg megleeg yeresov            sa face rouge rosée

4    Porvetz kedneen loosni dzov.       éclaire brillamment la terre. 

      shegleeg megleeg yeresov            sa face rouge rosée

      Porvetz kedneen loosni dzov.       éclaire brillamment la terre. 

 

5    Jan a loosin                                  O lune chérie

6    jan ko loosin                                 ta lumière chérie

7    ja ko golor sheg yereseen             et ta face chérie, ronde et rose. 

 

8    Xavarn arten tchokatzav              Avant, l'obscurité régnait,

9    oo el kedneen tchogatzav             enveloppant la terre.

10  loosni loosovhalatzvadz               Le clair de lune l'a chassée 

11  moot amberi metch monadz        dans les nuages noirs. 

      loosni loosovhalatzvadz               Le clair de lune l'a chassée 

      moot amberi metch monadz        dans les nuages noirs. 

 

5    Jan a loosin                                  O lune chérie

6    jan ko loosin                                 ta lumière chérie

7    ja ko golor sheg yereseen             et ta face chérie, ronde et rose. 

  

 

Effectif instrumental: Harpe, violoncelle, clarinette, ottavino (flûte aiguë)

Structure:

 

MESURES

         1 à 26 
          (26)

    27 à 34
        (8)

        35 à 60
          (26)

     61 à 68
         (8)

69 à 72
     (4)

TEXTE

Loosin yelav...

Jan a loosin...

Xavarn arten...

Jan a loosin...

 

MUSIQUE

           A

         B

             A

         B

   Coda

INSTRUMENTATION

Harpe seule

Harpe seule

Harpe, clarinette, violoncelle puis ottavina

       idem

   idem

* Deux éléments musicaux constituent ce chant, un long et très mélodieux (A) et un autre plus court et plus déclamatoire (B).

*  Du point de vue de l’instrumentation:
     La harpe est présente tout du long, assurant la régularité rythmique de l’accompagnement.
     Les premières parties A et B ne comporte que la harpe et le chant
     La deuxième exposition de A et B introduisent les autres instruments: clarinette, violoncelle et ottavina

 * Comme pour le 1er et le 2e chant, celui-ci est écrit en mode de la sur sol (sol mineur naturel ou éolien). La clarinette descend toutes les notes de ce mode à 35 et suivantes.

 * La coda fait intervenir des modes particuliers: mode de la sur sol (ou sol mineur naturel) au violoncelle, mélange de sol mineur naturel et sol mineur mélodique ascendant à la clarinette et on perçoit même des bribes de gamme par tons à la harpe dans la coda. Le tout se termine sur un accord de sol mineur.

 

4 - Rossignolet du bois  (p.15)

 

Origine géographique: France

Sens du texte:  Le rossignolet demande au rossignol comment aimer: celui-ci lui suggère de chanter pour celle qu’il aime et de lui demander des fruits de son jardin.

Texte:

1    Rossignolet du bois,                   7    Comment il faut aimer

2    rossignolet sauvage,                   8    je m'en vais vous le dire,

3    Apprends moi ton langage,        9    Faut chanter des aubades

4    apprends-moi-z à parler,           10   deux heures après minuit,

5    Apprends-moi la manière         11   Faut lui chanter: - La belle,

6    comment il faut aimer              12   c'est pour vous réjouir

      comment il faut aimer.                     c'est pour vous réjouir

 

13   On m'avait dit, la belle             19   Non, je ne permettrai pas

14   que vous avez des pommes,     20   que vous touchiez mes pommes,

15   des pommes de reinette            21   prenez d'abord la lune

16   qui sont dans vot' jardin.          22   et le soleil en main,

17   Permettez-moi, la belle,           23   puis vous aurez les pommes

18      que j'y mette la main.               24   qui sont dans mon jardin.

 

 

Effectif instrumental: harpe, clarinette, crotales (très petites cymbales)

Structure:

 

MESURES

  1

          2 à 11  (10)

       12 à 21  (10)

        22 à 31  (10)

         32 à 41  (10)

TEXTE

 

Rossignolet...

Comment il faut...

On m’avait dit...

Non je ne permettrai...

MUSIQUE

Intro

            A

            A

             A

               A

INSTRUMENTATION

clarinette seule

clarinette seule

clarinette, harpe

clarinette, harpe, crotales

clarinette, harpe, crotales

 

* 4 couplets mélodiquement identiques sont orchestrés différemment à chaque fois (sauf au dernier couplet)

* La mélodie est ternaire mais avec des changements entre la mesure à 6/8 (c’est à dire 2 temps ternaires par mesure) et 9/8 (3 temps ternaires par mesure) ce qui installe une irrégularité dans la pulsation. Cette irrégularité sied tout à fait au caractère déclamatoire de cette pièce

* Les crotales bien que jouant sur les temps fort, n’installent pas une pulsation régulière, ils ne sont jamais sur le même temps

* A plus forte raison encore, la harpe évolue rythmiquement de manière totalement indépendante du reste

* On remarque que le VIe degré est à distance de sixte majeure par rapport à la tonique (de mi bémol (la tonique) à do bécarre au chant page 16 première mesure, on a bien une sixte majeure). On remarque également que le ré (note du VIIe degré) est bémol: ces deux éléments indiquent un mode de ré (dorien) sur mi bémol. Cependant, la harpe joue très souvent des do bécarres comme le chant mais aussi de temps en temps des ré bécarres montrant qu’elle évolue -comme pour le rythme- indépendamment des autres dans la tonalité traditionnelle de mib mineur mélodique ascendant.

 

 

 

 

 

 

5 - A la femminisca  (p.17)

 

Origine géographique:  Sicile

Sens du texte: poème d’amour dans lequel une femme attend le retour de son mari parti en mer

 

1  E Signuruzzu miu faciti bon tempu      Que Dieu fasse le beau temps,

2   ha iu I'amanti miu'mmezzu lu mari     Mon amour est en mer;

3   l'arvuli d'oru e Ii ntinni d'argentu        Son mat est d'or, ses voiles d'argent.

4   la Marunnuzza mi I'av'aiutari,             Sainte Vierge, soutenez moi

 

5   Chi pozzanu arrivori 'nsarvamentu.     Qu'il revienne sain et sauf.

6   E comu arriva 'na littra                        Et si vient une lettre,

7   ma fari ci ha mittiri du duci paroli      Qu'elle contienne deux mots doux,

8   comu ti l'ha passatu mari, rnari.          Et me dise comment tu vas, en mer, en mer

 

 

Effectif instrumental: Tout l’effectif au complet (comme pour Azerbaijan love song) harpe, flûte, clarinette, alto, violoncelle, campane (cloches), tam-tam, spring coils (ce sont des ressorts en forme de rouleau (spring =ressort, et coil = rouleau) qui proviennent des amortisseurs d'automobiles ou de camions.

 

Structure:

 

MESURES

                   1 à 11

              12 à 22

              23 à 26

TEXTE

            E Signuruzzu...

         Chi pozzanu...

 

MUSIQUE

                      A

                   A

               Coda

DECOUPAGE  MELODIQUE

 

                   

                     aab

           

                  aab

 

 

* Ce chant est en deux parties, dont la deuxième est différemment orchestrée de la première.  On retrouve la même structure mélodique dans les deux parties: une première phrase deux fois (aa, mesure 1 à 6 puis 12 à 17) puis une phrase conclusive descendant dans le grave (b, mesures 7 à 11 puis 17 à 22).

* Les intonations de la voix n’ont rien à voir avec celle des chants précédents. On se rapproche de la tradition vocale populaire sicilienne qui consiste à chanter fort et à pleine voix.

 

* L’orchestration est extrêmement riche et sonore: trémolos des flûtes, ostinato des cordes (alto et violoncelle), et présence de sons métalliques grâce aux cloches et aux spring coils. La deuxième phrase b (17 à 22) est orchestrée différemment de la première (mes 1 à 6): il n’y a plus que la clarinette et le violoncelle (et toujours la harpe) qui l’accompagnent.           ostinato: répétition systématque de la même figure mélodique ou rythmique

 

* Une coda de 4 mesures termine l’ensemble avec un curieux mouvement d’accords parfaits (flûte, clarinette, alto).

* Les deux phrases a sont en sol majeur, et la phrase b suivante s’oriente vers le grave en modulant vers sol mineur avec quelques phrasés chromatiques. 

 

6 - La Donna ideale  (p.25)

 

Origine géographique: Italie

Sens du texte: inspiré par les rôles bien définis de l’homme et de la femme dans la culture latine traditionnelle, ce texte expose les quatre qualités qu’une femme à marier doit avoir

 

 

1   L'omo chi mojer vor piar,                 Quand un homme veut prendre femme, 

2   de quatro cosse de'e spiar.                 qu'il veille à quatre choses:

 

3   La primiera è com'el è naa,               La première: quelle est sa famille?

4   L'altra è se l'é ben accostumaa,          La seconde: est-elle bien élevée?

5   L'altra è como el è forma,                  La troisième: est-elle bien faite?

6   La quarta è de quanto el è dotaa.       La quatrième: quelle est sa dot?

 

7   Se queste cosse ghe comprendi,        S'il est satisfait là-dessus,

8   A lo nome di Dio la prendi.               Pardieu, qu'il la prenne pour femme.

 

 

Effectif instrumental:  harpe, flûte, clarinette, alto, violoncelle

Structure:

 

 

MESURES

 

1 à 6

                             7 à 14

           16 à 21

7 à 8

9 à 10

11 à 12

13 à 14

TEXTE

L'omo chi mojer vor piar...

La primiera

L'altra è se

L'altra è como

La quarta

Se queste...

MUSIQUE

 

 

                  A

                                B

                 A

B1

b2

b3

b4

 

 

* La structure ABA suit le développement du texte:

   A: un homme doit veiller à quatre choses

   B: sa famille, si elle est bien élevée, bien faite et s’enquérir de sa dot

   A: S’il est satisfait, qu’il la prenne pour femme

* La partie vocale des sections A est modeste, souple et teintée de chromatisme, alors qu’elle est beaucoup plus volubile et mouvante dans la partie centrale (B).

* La régularité rythmique imposée par la harpe est interrompue avant le retour de B (mes 15)

 * Un petit motif conclut chaque phrase a1, a2, b1, b2 et b3 à l’alto et à la clarinette (mes. 2, 4, 8, 10, 12). En outre, la phrase b4 est la plus intense

* La tonalité hésite constamment entre sol majeur et sol mineur, puisque l’on a par exemple des accords brisés de sol majeur à la harpe au début (sol-si bécarre-ré), mais le chant (mes 4) et la clarinette (mes 5) font un si bémol, ou encore si bémol au violoncelle (mes 20) avec si bécarre à la harpe au même endroit. 

 

(Rappel: un accord parfait majeur est constitué d’une 3ce majeure et d’une quinte juste (ex: sol – si - ré). Un accord parfait mineur est constitué dune 3ce mineure et d’une quinte juste (ex: sol - si bémol- ré))

 

 

7 - Ballo  (p.29)

 

Origine géographique:  Italie

Sens du texte:  Considérations sur l’amour.

 

 

1   La la la la la la . . .                                        La la la la la la. . . 

2   Amor fa disviare Ii più saggi                       L'amour égare le plus sage,

3   e chi più l'ama meno ha in sé misura.          Et plus on aime, moins on a de sens.

4   Più folle è quello che più s'innamura.          Le plus épris est aussi le plus fou.

  

5   La la la la la la . . .                                        La la la la la la... 

6   c cura di fare suoi dannaggi.                        L'amour se soucie peu du mal qu'il fait.

7   Co li suoi raggi mette tal calura                   Ses dards causent une fièvre telle

8   Che non puo raffreddare per freddura.         Que la froideur ne peut la refroidir.

 

 

Effectif instrumental: harpe, flûte, clarinette, alto, violoncelle

Structure:  Deux parties identiques constituent cette pièce rapide:

 

 

MESURES

    1 à 4

          5 à 65

            5 à 65

  66 à 68

TEXTE

 

La la...   Amor fa...

La la...  Amor non...

 

MUSIQUE

     Intro

               A

                 A

 conclusion

 

 

* Ballo est une pièce rapide caractérisée principalement par la régularité, la fluidité et l’ostinato des parties instrumentales. Son rythme ternaire presto accentue d’autant plus l’effet de danse endiablée et de tournoiement furieux que suggère le texte.

* L’orchestre s’en tient à un strict rôle d’accompagnateur: aucun motif indépendant ne s’en dégage. On retiendra une grande vigueur rythmique. 

* La voix s’immisce discrètement au début en imitant les notes rapides des instruments, puis s’en détache mesure 17 lorsqu’arrive le texte. La technique vocale rappelle la déclamation populaire italienne, à pleine voix et débridée. 

* Le parcours tonal est très ambigu: le début donne une impression de en fa mineur puis s’orientant vers autre chose (un 2nd degré de do mineur ?) lorsqu’on entend le ré bécarre du violoncelle mesure 6 (le ré devrait être bémol si on était vraiment en fa mineur). Enfin lorsque la voix arrive, on a cette progression descendante:

   la (mineur) à18               fa majeur à 24

   mi bémol à 27                 à 30

   do# à 33                          do bécarre à 34,

   si à 36                             si bémol à 37

   et enfin la à 38.

 

   Ce sont des degrés intermédiaires difficiles à situer tonalement et marquant d’autant plus l’origine populaire de ce chant.

 

 

8 - Mottetu de tristura  (p.36)

 

Origine géographique:  Sardaigne

Sens du texte:  le narrateur demande au rossignol de chanter de la même sorte pour son amante défunte que pour lui quand il sera mort.

 

1   Tristu passirillanti               Triste rossignol,

2   comenti massimbilas.          Comme tu me ressembles.

1   Tristu passirillanti               Triste rossignol,

3   e puita mi consillas             Console-moi si tu peux: 

4  a prangi po s'amanti.            Je pleure pour mon amour. 

  

1   Tristu passirillanti               Triste rossignol,

5   cand' happess interrada       Quand on m'enterrera, 

1   Tristu passirillanti               Triste rossignol,

6   faimi custa cantada              Chante cette chanson pour moi

7   cand' happess interrada       Quand on m'enterrera.

 

 

Effectif instrumental: harpe, alto, violoncelle, ottavino, percussions (tambour basque, tam-tam, blocco di legno         

                                   (woodblocks))

Structure:  en deux parties mélodiquement identiques

 

(MESURES)

   1

            2 à 6

   7 - 8

                 9 à 13

MUSIQUE

 

 

Intro

              A

 Interlude

                     A

          a b a b b

                a b a b b

TEXTE

 

Tristu... Comenti...

 

Tristu...  Cand’hapess...

 

* Après une introduction, cinq phrases se suivent dans l’ordre ababb. La phrase a est suspensive et la phrase b est conclusive. Idem dans la partie B

* L’aspect le plus intéressant dans cette pièce est la parfaite adéquation entre la manière de traiter les instruments, grâce à des modes de jeu particuliers, et le climat lugubre, sombre et triste exprimé par le texte.

* Tout d’abord, il n’y a pas de pulsation ou alors celle-ci est tellement lente qu’on en perd la régularité. La dynamique musicale est alors remplacée par une expression méditative propre au désarroi du narrateur.

* C’est le mode mineur qui est utilisé (mi mineur). La voix ne s’en écarte pas. Par contre, les cordes (harpe, violoncelle, alto) font entendre un glissement plus que chromatique puisqu’ils utilisent des quarts de tons voire des intervalles plus petits encore. Voir les ½ # ou les ½ bémols à l’alto et au violoncelle, ainsi que l’effet de glissement des cordes de la harpe obtenus par les pédales. Ces effets des cordes durent toute la pièce sauf pour la harpe qui a une partie différente à partir de la 2e moitié du chant (mes 9)

* Les percussions sont essentielles pour participer à la mise en scène lugubre: trémolo du tambour basque, son sourd du tam-tam, touches de wodblocks sans logique apparente

* A noter l’apparition de l’ottavino (flûte aiguë) à partir de l’interlude jusqu’à la fin. Le registre aigu de cet instrument équilibre le timbre général jusque là très tourné vers le grave. 

 

* La pesanteur est d’autant plus accentuée par l’ostinato sur mi de la harpe à partir du 2e couplet (mes 9) jusqu’à la fin.

 

 

9 - Malurous qu’o uno fenno  (p.39)

 

Origine géographique:  France (Auvergne)

Sens du texte:  Considérations sur l’idée d’être heureux en couple ou célibataire

 

1   Malurous qu'o uno fenno,     Malheureux qui a une femme,

2   Maluros qué n'o cat !             Malheureux qui n'en a pas.

3   Qué n'o cat n'en bou uno.      Qui n'en a pas en veut une,

4   Qué n'o uno n'en bou pas!     Qui en a une n'en veut pas. 

5   Tradèra ladèrida rèro, etc.     Tradèra ladérida rèro . .

  

6   Urouzo lo fenno                    Heureuse la femme

7   Qu'o l'omé qué li cau!           Qui a l'homme qui lui plait. 

8   Urouz inquéro maito             Heureuse encore plus 

9   O quèlo qué no cat!               Celle qui n'en a pas.

5   Tradèra ladèrida rèro, etc.     Tradèra ladérida rèro...

 

 

Effectif instrumental: harpe, flûte, clarinette

Structure:  Deux parties identiques

 

MESURES

                  1 à 14

                  1 à 15

MUSIQUE

 

                    A

                     B

               a a b a b

                a a b a b

TEXTE

Malurous qu'o uno fenno...

Urouzo lo fenno...

 

 

* Mise à part la flûte notée plus forte la 2e fois, cette pièce rapide et gaie est constituée une seule partie jouée deux fois.

 

* Sa mesure ternaire à 6/8 lui donne un caractère dansant

 

* On y décèle une structure mélodique a a b (sur texte) puis a b (sur «Tradéra ladérida...»)

* La tonalité de ré majeur est clairement affirmée, sans aucune altération accidentelle. Par contre, si la voix garde une courbe mélodique très tonale avec ses points de suspension-dominante (fin des phrases a) et ses points de repos conclusifs (fin des phrases b), la ligne mélodique de la flûte est beaucoup plus libre quant à ses points de repos ou suspensifs. Par exemple, le do# (la sensible) n’est pas naturellement attirée vers la tonique (le ré). Cette liberté prise avec les degrés forts de la tonalité est une caractéristique de la musique populaire.

* Rajouté à cela que d’un point de vue rythmique, elle est totalement indépendante du reste et ne marque pas les temps forts comme le chant.

* A noter les bourdons du ré de la clarinette et de la harpe, faisant référence aux instruments populaires (comme la vièle à roue) avec lesquels une même note grave est maintenue longtemps.

  

10 - Lo fiolaire (p.42)

Origine géographique:  France (Auvergne)

Sens du texte: Une fileuse raconte comment elle a donné deux baisers à un berger alors qu’il ne lui en avait    

                        demandé qu’un.

 

1   Ton qu'èré pitchounèlo             Quand j'étais petite,

2   Gordavè loui moutous,             Je gardais les moutons.

3   Lirou lirou lirou . . .                  Lirou lirou lirou . . .

4   Lirou la diri tou tou la              Lara Lirou la diri . . . 

  

5   Obio 'no counoulhèto              J'avais une houlette

6   E n'ai près un postrou.             Et j'appelai un pastoureau.

3   Lirou lirou, etc.                        Lirou lirou . . . 

4   Lirou la diri tou tou la              Lirou lirou . . .

  

7   Per fa lo biroudèto                   Pour garder mes moutons

8   Mè domond' un poutou.           Il m'a demandé un baiser.

3   Lirou lirou, etc.                        Lirou lirou . . .  

4   Lirou la diri tou tou la             Lirou lirou . . .

  

9   E ièu soui pas ingrato:            Et moi, pas avare, 

10 En lièt d'un nin fau dous!        Au lieu d'un j'en donnai deux.

3   Lirou lirou, etc.                       Lirou lirou . . .

 

 

Effectif instrumental: harpe, violoncelle, alto

Structure

 

                                         1ère fois                                                                    2e fois

 

MESURES

1 à 3

             4 à 14

15 à 17

         18 à 29

1 à 3 

              4 à 14

15 à 17

          18 à 31

32 à 39

TEXTE

 

Ton qu’èré... 

 

Obio ‘no...

 

Per fa lo...

 

E ièu soui...

 

MUSIQUE (Voix)

 

           a

 

         a

 

            a

 

          a

 

MUSIQUE (orchestre)

Intro (Vc)

           A

Intro (Vc)

         B

Intro (Vc)

            A

Intro 

(Vc)

          B

Coda

 

* La pièce est constituée par 4 strophes. Les deux premières constituent la première partie musicale et les deux dernières la reprise.

* La partie vocale est la même pour les quatre strophes. Souple, elle s’émancipe du rythme ternaire imposé (les quartolets et les quintolets vont dans ce sens)

* Au début et entre chaque strophe se situe l’interlude de violoncelle solo qui ressemble fortement au «violoneux de village» de la première pièce Black is the colour.

* La partie musicale comporte deux étapes: une première (de 4 à 14) dans laquelle l’alto et le violoncelle ont une partie rythmiquement identique en doubles cordes, et la deuxième (de 18 à 29) dans laquelle l’alto a une partie totalement indépendante du violoncelle (comme ça l’est indiqué mes 18) avec des tierces rapides et serrées.

* Enfin une coda très lente se situe à la fin mais ne donne pas le sentiment de conclure, il s’agit plus d’un moment de repos et de transition avec la pièce suivante.

* Le mode utilisé est le mode de ré (sur sol), c’est à dire le mode dorien: 3ce mineure (si bémol), 6te majeure (mi bécarre), et 7e mineure, c’est à dire pas de sensible: fa bécarre.


11 - Azerbaïdjan love song 
(p.45)

Origine géographique:  Azerbaidjan

Sens du texte:  Cathy Berberian, pour qui ont été écrites ces Folk songs, a réalisé une transcription phonétique de ce chant à partir d’un 78 tours de musique d’Azerbaidjan. Elle ne connaissait pas cette langue, ce qui rend le texte inintelligible et intraduisible.

 

Effectif instrumental: Tout l’effectif au complet, comme dans A la femminisca.

Structure: 

MESURES 

 


  1 à 8

                            9 à 58

1 à 8

                                  9 à 50

  
    59 à 68

9 - 18

19 - 26

27 - 36

37 - 44

45 - 50

51 - 58

9 -18

19 - 26

27 - 36

37 - 44

45 - 50

(TEXTE)

 

  a1

                            b

 

    a2

                   b

      c

MUSIQUE

Intro

(mi min.)

                                 1ère fois

Intro

(mi min.)

                                 2e fois

   Coda

 (mi min.)

  m1

  m2

(mi m.)

  m3

  m2

  m4 (lent)

  m2

(mi m.)

  m1

  m2
(mi m.)

  m3

  m2
(mi m.)

  m4 (lent)

 * D’allure enjouée, fière et presque militaire, ce chant rapide au rythme ternaire conclut brillamment le cycle, il n’est pas placé à la fin par hasard.

* Bien que le texte soit inintelligible, il est quand même noté différemment dans le début de la première et de la deuxième partie (a1 et a2, p.46) 

* On remarquera plusieurs motifs, assez semblables les uns aux autres, autour desquels s’articulent la mélodie

 * Toute la pièce est en sol majeur sauf l’introduction, la coda et le motif m2 qui sont dans la tonalité relative de mi mineur

* Des modes de jeux instrumentaux particuliers sont utilisés: l’alto et le violoncelle jouent col legno battuto (mes 1) c’est à dire en frappant avec le bois de l’archet, les tambours sont joués avec des baguettes de vibraphone, dans le souci de se rapprocher de la pratique instrumentale populaire. 

* A noter dans la coda l’évolution du chant vers des notes parlées, accentuant l’origine populaire de la pièce.

 

Source complémentaire: Article d'Ivanka Stoianova paru dans l'Éducation Musicale (supplément au numéro 484/485, septembre/octobre 2001, pages 27 à 39)