JOHANNES BRAHMS (1833-1897)
Sextuor à cordes n°1
en sib majeur Op. 18
Succédant au trio pour piano et cordes Op.8, ce sextuor
composé en 1860 est une des premières grandes oeuvres de chambre du
compositeur. Brahms a alors 27 ans et aborde cette musique avec
prudence, encore certainement intimidé par les quatuors du maître
de Bonn. "S'il ne te plait pas, renvoie le moi", disait-il à son
ami violoniste Joachim à propos de cette oeuvre. Ce dernier lui
suggéra d'ailleurs quelques améliorations.
Mis à part un effectif instrumental plutôt original à
l'époque, Brahms n'innove pas sur le plan de la forme
(contrairement à Schumann et à Liszt) restant hanté par un
Beethoven à la rigueur architecturale très marquée. Il ne cache pas
non plus ses influences stylistiques, le lyrisme et les rythmes de
danses du quintette à deux violoncelles en ut de Schubert, par
exemple, n'est pas loin.
Cette oeuvre fut surnommée Frühlingssextett, "sextuor du
printemps", car elle fut plus inspirée par la douceur bavaroise que
par les rigueurs nordiques. Max Kalbeck, un ami personnel du
compositeur la décrit comme "un sentiment matinal évoquant le début
de l'été. Aucune brume romantique ne voile cette oeuvre (...). Les
mélodies résonnent comme si elles venaient de jaillir d'une
poitrine saine et reposée, comme si elles inspiraient, avec la
fraicheur revigorante du jour nouveau, l'air d'une vie pleine de
promesses". Le succès fut immédiat et durable. La veuve Clara
Schumann écrivit dans son journal que l'oeuvre "se situait bien
au delà de [ses] espérances déjà très hautes". L'effectif comprend
2 violons, 2 altos et 2 violoncelles, conférant à l'ensemble un
équilibre renouvelé des registres.
L'Allegro ma non troppo de forme sonate fait évoluer trois
thèmes dans un écoulement d'une grande douceur. Le thème principal
énoncé au premier violoncelle est fait de courbes aux contours très
mélodieux, s'achevant sur la dominante. Le deuxième, dans la
tonalité éloignée de la majeur est une sicilienne d'une grâce toute
schubertienne. Enfin le troisième thème aux grands intervalles est
d'un lyrisme très chantant. Une coda en pizzicati conclut ce
mouvement sans heurts ni remous.
Les variations de l'Andante, ma moderato sont impregnées de
reminiscences baroques et beethoveniennes. Une mélodie en ré mineur
claire et facilement repérable (ainsi que son canevas harmonique),
chose peu courante chez Brahms, sert de thème aux 6 variations qui
suivent. La première fait la part belle au premier violoncelle
tandis que la deuxième accelère le mouvement général. Les gammes
ascendantes et descendantes des deux violoncelles soutiennent les
ponctuations rapides des autres instruments dans la troisième
variation. Un éclairage en ré majeur molto espressivo calme et
tendre contraste avec les variations précédentes dans la quatrième
et cinquième variation tandis que la dernière nous ramène en ré
mineur pour une dernière apparition du thème. Une coda termine le
mouvement sur une pédale de ré du second violoncelle.
En fa majeur, le Scherzo, très dansant et léger est
animé par un trio un peu plus entrainant. Une coda Più animato
conclut ce mouvement. Le Rondo final propose un thème d'une facture
semblable à celui du premier mouvement, très souple et très
mélodique, d'une tournure toute viennoise. Si les premiers couplets
restent dans cette teinte, une intensification rythmique surviendra
ensuite. Un Animato, poco a poco più conduira à la conclusion
brillante et sereine de cette oeuvre.