Ernest Chausson (1855-1899)

Concert pour piano, violon et quatuor à cordes en ré majeur Op.21 (1889-91)

Décidé – Sicilienne – Grave – Très animé

« Le spectre rouge qui ne peut s’échapper de moi » : c’est ainsi que le juriste, contraint de faire des études de droit par ses parents, qualifiait son obsession pour l’auteur de Tristan. Introverti, timide et cultivant une amertume presque maladive, Chausson témoigne d’une France tentant d’échapper parfois bien malgré elle à l’hégémonisme musical germanique. De cette lutte avec le « diable teuton » nait un style très personnel, où les teintes schumanniennes et franckistes s’entremêlent avec la sobriété et la retenue d’une esthétique claire et réservée.

Ce Concert aux larges dimensions tant instrumentales que de durée (presque 45 minutes) fut créé à Bruxelles le 4 mars 1892 et dédié au violoniste belge Eugène Ysaÿe. Le critique Pierre Lalo estimait qu’il était « l’une des œuvres les plus considérables et les plus intéressantes qu’ont ait en ces dernières années écrites pour la musique de chambre ». On prend la mesure du compliment lorsque l’on sait qu’il fut composé trois ans à peine après la très célèbre sonate pour piano et violon de Franck. Il comporte quatre mouvements.

Décidé, le premier mouvement débute par une introduction dans laquelle trois notes (ré, la, mi) s’imposent comme la cellule récurrente de la pièce. Moins décidé est une grande partie du développement qui s’aventure dans des parcours harmoniques subtils. La courte Sicilienne suivante fait entendre une gracieuse mélodie au rythme caractéristique dont la simplicité et la retenue nous plonge dans un magnifique univers fauréen. Le mouvement lent, Grave, est d’une densité et d’une tristesse profondes; ses chromatismes, trémolos et envolées pathétiques relèvent d’une mélancolie quasi autobiographique. Enfin, Très animé, le dernier mouvement cite des thèmes précédemment entendus, obéissant au principe cyclique de Franck. L’œuvre s’achève dans une vélocité et un brio généreux.