Joseph HAYDN (1732-1809)

 

Quatuor à cordes en mib majeur n°2 Op.33 « La plaisanterie »  (1781)

 

          Le quatuor à cordes représente le modèle classique le plus abouti, épuré de toute fantaisie d’effectif, souvent base de toute construction symphonique, selon l’expression «quand le quatuor va, tout va». Haydn en compose plus de 80. C’est lui qui fixe cette forme toute nouvelle en cette fin de XVIIIe siècle dont le modèle allait faire florès au XIXe. Grâce à la correspondance qu’Haydn avait avec son éditeur Artaria, on peut dater les six quatuors opus 33 de 1781; aucun manuscrit ne nous étant parvenu. Deux appellations ont été constatées pour ces quatuors: Jungfern Quartette («quatuor des jeunes filles») en raison de la couverture de l’édition d’Hummel de 1782 ou plus vraisemblablement les Quatuors Russes d’après la dédicace dont ils font l’objet dans une édition Artaria du XIXe siècle. L’origine de cette dédicace russe provient sans doute aussi du concert donné le jour de Noël 1781 à Vienne en présence de la famille impériale (en l’honneur du grand duc et futur tsar Paul Petrovitch et de son épouse Maria Fedorovna). En 1781, Haydn n’a pas composé de quatuors à cordes depuis dix ans: «Ils [l’Op.33] sont d’un genre tout à fait nouveau et particulier gantz neue besondere Art»), car je n’en ai pas écrit depuis dix ans ». Commerciale ou sincère, cette citation de Haydn rejoint l’avis de nombres d’analystes: on notera dans cet opus un caractère plus « populaire» que dans l’opus précédent (Op.20), notamment dans les derniers mouvements à la structure «chanson », c’est à dire Rondo (couplet/refrain). En 1782, juste après la mise en vente en avril de l’édition viennoise d’Artaria, les quatuors paraissent à Berlin en mai, et en l’espace d’un an, ils sont imprimés à Lyon, Paris, Londres et Amsterdam. Ils sont salués par le monde musical européen comme une référence du genre.

 

     Appelé «La Plaisanterie» en raison du caractère joueur et indécis du dernier mouvement, ce quatuor n°2 est un des plus célèbres de l’Op.33.  Le premier mouvement est dominé par l’élément rythmique  deux double croches – croche et ne comporte qu’un seul thème, bien que de forme sonate. Placé en deuxième mouvement, le traditionnel «menuet» s’appelle désormais Scherzo («plaisanterie»), préfigurant la structure des symphonies et sonates du XIXe siècle. Energique et rythmé, il se caractérise par son amusant trio au phrasé glissando rendant la manière typiquement viennoise des ländler. L’émouvant Largo sostenuto débute par une ample phrase de l’alto accompagné du seul violoncelle auxquels font ensuite écho les deux violons. Le mouvement est articulé autour de variations autour du thème initial, entrecoupées d’accords marqués. D’allure franchement populaire, le dernier mouvement Presto dont le rythme ternaire préfigurera nombre d’œuvres ultérieures dans les derniers mouvements, est de forme rondo. C’est quasiment toujours le premier violon qui reste soliste. L’auditeur, habitué à cette ritournelle, est totalement désorienté à la fin lorsque Haydn place des silences entre les différentes articulations de celui-ci: on ne sait plus trop si le mouvement va continuer ou pas. Il s’achève finalement dans la perplexité la plus déconcertante.