PIERRE HENRY   né en 1927

 

C'est après un parcours des plus classiques au Conservatoire de Paris, avec Olivier Messiaen comme professeur d’ harmonie qu'il fait, en 1949, la rencontre décisive de Pierre Schaeffer, avec lequel il fonde le GRM (Groupe de recherches musicales), voué à l'expérimentation en «musique concrète».

 

Après avoir fondé son propre studio, il entreprend une longue collaboration avec le chorégraphe Maurice Béjart (Messe pour le temps présent). Travaillant d'abord dans le sens d'une certaine épuration, avec le ballet Le Voyage (1962), d'après Le Livre des morts tibétain, et les célèbres Variations pour une porte et un soupir (1963), il revient à un certain baroquisme avec la Messe de Liverpool (1967-68) et l'Apocalypse de Jean (1968), ou des oeuvres d'une ambition volontiers démesurée comme la Dixième symphonie, gigantesque collage d'extraits des neuf symphonies de Beethoven (1979), ou le spectacle des Noces chymiques (1980), dont il est à la fois le compositeur et le metteur en scène.

 

Par sa fécondité, son goût de l'excès et son extraordinaire imagination, Pierre Henry est considéré comme le plus grand compositeur de musique électro-acoustique de notre temps

 

 

VARIATIONS POUR UNE PORTE ET UN SOUPIR

 

* Musique pour un ballet

 

 

«Il s’agit d’une succession de variations musicales dans le style des grandes Suites Françaises du XVlle ou du XVllle siècle : Variations s’inspirent presque toujours d’un mouvement chorégraphique, d’une figure corporelle... la gigue, allemande, courante, menuet.... Ici étirement, balancement, gymnastique, transe... (…) Sur un tableau noir, un schéma propose une structure établie pour des danseurs imaginaires numérotés de 1 à 7. (…) C’est un retour à des sources brutes ayant un pouvoir de communication immédiate. Cette œuvre est une analyse objective des gestes les plus simples de l’expressivité humaine. L’allure, l’agglomération, la brisure d’un grincement de porte transcendent le lieu-commun d’un objet-musique : la porte. Soupirs soufflés, soupirs chantés explorent le sensible de l’activité mentale ou corporelle d’un être humain au cours d’une journée ou d’une vie entière»  Pierre Henry.

 

 

* Musique pour un ballet

 

1963

Durée totale : 48’17

Successivement 16 variations:

Sommeil – Balancement – Chant l – Éveil – Chant II – Etirement – Geste – Comptine – Fièvre – Chant III – Gymnastique – Braiements – Respirations – Ronflements – Chant IV – Mort.

 

* Cette oeuvre a été créée à Paris le 27 Juin 1963 . Il s'agit d'un des exemples les plus représentatifs de la musique concrète. Avec le développement de la technique d'enregistrement, un monde nouveau s'ouvre à la musique : celui des bruits de notre environnement . Après avoir enregistré ces sons de la vie courante, le compositeur, par montage ou par déformations de ceux-ci, organise son oeuvre.

 

 *Au départ, donc, une porte, celle du grenier d’une maison à Vic (Aude) où le compositeur séjourna durant l’été 1962. « Pierre Henry ne se précipite pas pour l’enregistrer. Il s’exerce à en jouer, il fait comme au Conservatoire, ses “deux heures de porte” par jour. Puis il installe devant elle un micro Neumann U47, relié par un long câble au magnétophone contrôlé depuis le rez‑de‑chaussée. Alors il enregistre la porte systématiquement, “exhaustivement”, déjà comme une musique, il la fait parler et crier de toutes les manières : tantôt avec de tout petits gestes du poignet, tantôt en la secouant comme un furieux, l’enfourchant, la faisant hurler. Ces sons de porte sont d’une transparence, d’une présence et d’un impact prodigieux. Entre les mains de Pierre Henry la porte en devient un, produisant à travers la permanence de son « timbre de porte » une collection de sons différents qui en sont autant de variations en grains, allures, glissandi, etc. On peut véritablement parler d’une interprétation car il y a plusieurs manières de faire sonner cette porte.

 

* Les sons enregistrés ne font l’objet d’aucun traitement ultérieur: aucune transposition dans le grave ni dans l’aigu, aucune accumulation, aucun filtrage.

 

* Le travail proprement compositionnel est un travail d’articulation et d’intonations (travail d’orfèvre), par lequel la porte est transfigurée en voix et en chant. Ce qui confirme le mot de Victor Hugo que Pierre Henry aime à citer, selon lequel «tout bruit écouté longtemps devient une voix».

 

* Les registres de la porte sont très riches et très étendus; ils vont du grain isolé (craquement), du son granuleux grave et ultra grave jusqu’aux extrêmes aigus acérés et lisses.

 

* Cette mise en avant de la porte, c’est pour mieux la faire disparaître en tant que porte, justement, car d’objet banal, elle devient instrument de musique.

 

* En matière de musique concrète, l’idée essentielle est de montrer que n’importe quelle source sonore peut être considérée comme de la musique (à condition qu’il y ait intention)