Arnold SCHÖNBERG (1874-1951)

 

Quatuor à cordes en ré mineur Opus 7   (1905)

 

          Schönberg fut, avant de devenir le maître à penser du dodécaphonisme et du sérialisme, un compositeur expressionniste: hanté par Brahms et Mahler, il explora dans un premier temps les possibilités expressives que lui laissait le langage tonal et romantique «finissant»: chromatismes poussés, lyrisme des phrases, agitation et climax paroxystiques. Ce premier quatuor à cordes fut créé à vienne en février 1907, il s’en suivit un accueil mouvementé: sa forme continue, sans interruptions entre les mouvements ne plut pas à tous les défenseurs du quatuor classique viennois en quatre mouvements bien distincts. Le quatuor est sans doute une des dernières formes instrumentales à avoir aboli la séparation entre les mouvements: la sonate pour piano l’avait déjà fait (Wanderer-Fantaisie de Schubert, Sonate en si mineur de Liszt) et la symphonie aussi, en se transformant déjà depuis une bonne cinquantaine d’années en une forme symphonique dérivée: le poème symphonique. La quatuor n’avait jusque là pas été touché par ce remaniement formel. En réalité, il s’agit d’une idée bien romantique: fusionner plusieurs mouvements en un seul pour donner un aspect narratif, propice à toutes les imaginations fantasmagoriques et errements de l’âme caractéristiques de cette époque. Car ce premier quatuor de Schönberg est une œuvre romantique, certes déroutante, mais résolument rattachée à ses maîtres Brahms et Mahler. En réalité, les traditionnels quatre mouvements d’un quatuor sont ici plus que «fusionnés»: ils sont mélangés, en tous cas imbriqués: les nombreux changements d’humeur et de caractère dans une même minute de musique suffisent à constater l’éclatement de la découpe traditionnelle mouvement lent/mouvement rapide. On retiendra cette citation de Stéphane Goldet: «La cohésion formelle ne naît pas tant de l’unification des quatre mouvements, que de l’expansion diversifiée des éléments qu’ils contiennent». On notera également l’extrême densité polyphonique et timbrique de cette œuvre, contribuant à l’éloignement progressif de la tonalité.