Franz Schubert  (1797-1828)

 

Quintette pour piano, violon, alto, violoncelle et contrebasse en la majeur Op.114 D.667 «Die Forelle» (La Truite)  (1819).

Allegro vivace – Andante – Scherzo – Andantino – Allegro giusto

 

       En 1816, le jeune Schubert de 19 ans met en musique le poème «Die Forelle» de l’organiste Christian Daniel Schubart (1739-1791). La popularité de ce lied lui inspira trois ans plus tard la composition d’un quintette pour piano, violon, alto, violoncelle et contrebasse dont un mouvement (le 4e) est un thème et variations sur l’air de «La Truite».

La présence de la contrebasse, plutôt inhabituelle, semble se justifier par le rôle extrêmement mélodique qu’il voulait conférer au violoncelle (le commanditaire de l’œuvre devait justement être le violoncelliste), nécessitant alors une réelle partie de basse. L’œuvre, bien que comportant des passages d’une beauté exceptionnelle, n’a aucune prétention particulière: «C’était de la musique pour amateurs en vacances, et [Schubert] n’était pas préparé à montrer sa science en pareille occasion» (J.A.Westrup).

 

       Le premier mouvement –Allegro Vivace - procède par une véritable progression dynamique: il débute par de vigoureux arpèges au piano suivis directement du thème principal aux cordes, en notes longues et tenues. Le mouvement s’anime et commence réellement un peu plus tard, lorsque l’alto et le violoncelle jouent une formule d’accompagnement plus rapide en croches. Ce motif s’animera encore plus un peu après par des triolets, tous les instruments s’installeront sur ce rythme, passant même aux doubles croches à la fin. Il n’y a de repos qu’au début de développement, en do majeur, confortant une technique connue de Schubert: la modulation à la tierce inférieure (ici, mi majeur à do majeur). Après un développement en do majeur, puis mib majeur, puis enfin dans un épisode passionné en fa mineur, s’enchaîne tout naturellement la réexposition qui fait l’économie du passage lent initial.  L’Andante comporte deux parties quasi identiques, suivant un parcours tonal particulier: la première allant de fa majeur à sol majeur et la deuxième de la bémol majeur à fa majeur. Chaque partie commence par un thème assez «neutre» et aimable, puis s’assombrit dans un merveilleux épisode, peut-être le point culminant de l’œuvre, d’une grande émotion: l’alto et le violoncelle unis dans une même plainte douloureuse accompagnés par un piano régulier et un petit motif haletant au violon. Brusque changement d’humeur: un thème aux rythmes pointés en ré majeur au piano avec des gammes descendantes en triolets non sans rappeler le développement du premier mouvement, et même, l’accompagnement du piano dans le lied original. Le Scherzo suivant, par nature plus anecdotique et très énergique observe le classique déroulement scherzo – trio – scherzo et son jeu de répétitions. Attendu, le quatrième mouvement, Andantino, se compose du thème «La Truite» (à l’origine en ré bémol, ici en ré majeur) et d’une série de cinq variations. De forme aabb, il est d’abord exposé aux cordes seules. Selon le même esprit de dynamisation progressive constatée dans le premier mouvement, la variation 1 anime le rythme des cordes pendant que le piano expose le thème les deux mains à l’unisson. C’est ensuite au violon d’orner le thème avec beaucoup d’élégance et de virtuosité retenue dans la variation 2. Puis une volubile, rapide et excitante partie de piano, qui elle, ne cache pas sa virtuosité, est accompagnée (pour le prétexte) par le thème aux cordes graves (violoncelle et contrebasse). Aboutissant à de lourds accords fiévreux de ré mineur dans la quatrième variation, puis se calmant peu à peu. Enfin la dernière variation, arrivant comme après l’orage, conduit une mélodie au lointain rapport avec le thème, alors que la toute fin ré-expose celui-ci clairement (au violon puis au violoncelle) avec l’accompagnement original du piano en sextolets. Le dernier mouvement Allegro Giusto composé de deux parties identiques comme pour l’Andante, comporte une vigueur rythmique marquée; débutant par un curieux unisson, il enchaîne quelques motifs à l’allure modeste de musique de danse pour n’éclater vraiment qu’un peu plus tard dans un passage franchement joyeux ponctué par les gammes chromatiques descendantes du piano. «La bonne humeur et la gaieté dominent ici, sans ombre, sans irruption du tragique, et le plaisir est celui du coloriste variant à l’infini sa palette» (Brigitte Massin).