Robert Schumann  (1810-1856)

 

 

Quintette pour piano et cordes en mib majeur  op.44      (1842)

 

Allegro brillante – In modo d’una Marcia – Scherzo: Molto vivace -   Allegro ma non troppo

 

 

             Deux ans après son mariage, Schumman entame une nouvelle période de création: celle qui le fera abandonner le piano seul pour la musique de chambre. L’année 1842 est à ce titre, particulièrement riche : trois quatuors à cordes, le quintette et le quatuor avec piano, tous deux en mi bémol majeur, les Phantasiestücke pour piano, violon et violoncelle op.88 et les variations pour deux pianos, deux violoncelles et cor. Il s’agit réellement de la première œuvre pour une telle formation. La Truite de Schubert, par exemple, était de formation proche mais comportait une contrebasse.

 

      La patte schumannienne ne peut se passer d’un piano roi, incontournable et magnifique. Tantôt accompagnateur harmonique du quatuor, tantôt concertant avec celui-ci, il détient une part très importante. Le premier mouvement Allegro Brillante, est de pure forme sonate. Une exposition au premier thème très énergique développé au piano comporte un second thème plus lyrique et chantant partagé par les chaudes sonorités du violoncelle et de l’alto. Procédé schumanien s’il en est: ce second thème module successivement au ton supérieur, on est pris par le vertige du climax ascendant typiquement romantique. Au développement, on entend le thème principal minorisé, puis les cordes tenant de longues notes sur un piano fièvreux et agité au parcours harmonique extrêmement mouvant. Cette écriture pinaistique typique de Schumann n’est d’ailleurs pas sans rappeler le final du Concerto pour piano. La réexposition, sans surprise ni réelle variation, laisse la place à une brillante coda qui conclut le mouvement. On ne peut que ressentir une ambiguïté tonale à l’écoute des premières notes du deuxième mouvement: encore mib majeur (du 1er mouvement) ou déjà la tristesse du do mineur ? In modo d’una Marcia. Un poco largamente, ce mouvement lent est une marche funèbre, faisant directement écho à celle de Beethoven (3e symphonie) ; de même tonalité, on peut également rapprocher cette page du mouvement lent du trio en mib op.100 de Schubert qu’affectinnait beaucoup Schumann. De forme lied évolué, il débute par la marche à proprement parler, aux silences pesants, aux dissonances chargées. Un épisode central plus lyrique et chaleureux, puis retour de la marche. Suit un Agitato tourmenté et plein de colère laissant au piano la part belle, puis celui-ci accompagne en batterie un alto de retour sur le thème de la marche. Encore un épisode généreux où le premier violon s’épanche en une belle mélodie à la facture brahmsienne, et retour de la marche, conclusion en do majeur. Le Scherzo molto vivace d’une extrême vélocité contient deux trios centraux, l’un apaisant, le deuxième encore plus agité, presque violent et harmoniquement très chargé. Cette page époustouflante laisse encore au piano une part très importante. L’Allegro ma non troppo, dans la même verve que le mouvement précédent (il débute dans la même tonalité de do mineur) est proche d’un rondo, de par le thème-refrain à l’allure martiale qu’il contient. Les refrains sont remplis d’idées, de développements à profusion, de style d’écriture divers (fugato..) de surprises, témoignant d’un enthousiasme débridé et romantique par excellence.