Œuvre de référence : Vltava (
Bedrich
Smetana (1824-1884) vécut à Prague la plupart de sa vie, à part quelques
années en Suède. Il sait rencontrer les grandes figures de son époque
(Schumann, Liszt, Berlioz) mais n'en reste pas moins un personnage attaché à
représenter à travers son art la culture de son pays,
* La musique de Smetana n'est pas révolutionnaire ni avant-gardiste. Son lyrisme orchestral n'apporte aucune rupture par rapport à son époque, et ne pose aucun jalon sur l'avenir. Elle est l'expression contemporaine portée par l'idée de glorifier et mettre en valeur la culture de son pays.
* Ecrit à la fin de sa vie en 1874, le cycle "Ma Vlast"
(Ma patrie) se compose de six poèmes symphoniques attachés à décrire la nature
(«
* Universellement connue,
* Glorifier son pays, c'est la mission que s'est donnée Smetana. Pour cela, rien de tel qu'un beau thème, simple, facilement chantable et mémorisable, de façon à ce qu'il atteigne le plus grand nombre et ainsi assurer sa popularité. Smetana est donc tout le contraire d'un compositeur moderne et visionnaire recherchant l'originalité et un style nouveau. L'intérêt de son œuvre réside ailleurs, dans la parfaite maîtrise de l'orchestre et dans sa capacité à lui faire décrire des climats et des paysages.
* Il s'agit d'un poème symphonique. On se situe dans le cadre d'une musique à programme, d’une musique descriptive, à l'opposé de la musique pure, celle qui n'a pas vocation à illustrer quoi que ce soit.
* Sur le plan de la forme, il n'y a donc pas lieu d'y rechercher une forme instrumentale fixe (forme sonate par exemple). Les différentes étapes de la partition correspondent aux différents tableaux de l'évolution du fleuve, de sa naissance à son arrivée triomphale à Prague. Si le thème principal se retrouve à plusieurs reprises au cours de la pièce, ce n'est pas en vertu d'une forme pré-établie.
* Un grand orchestre symphonique est requis
(1 piccolo, 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes en do, 4 cors en do, 2
trompettes en do, 3 trombones, 1 tuba, timbales, triangle, grosse caisse, cymbales,
harpe, quintette à cordes). Smetana puisera dans les ressources et
possibilités innombrables d'un tel orchestre pour passer en revue tous les
tableaux: Après la naissance du fleuve jusqu’à son évocation par le thème
principal, suit une scène de chasse à courre et de danse paysanne. Puis à la
lueur d'une lune argentée, des nymphes d'eau dansent leurs rondes, des châteaux
forts fiers, des châteaux et des ruines vénérables incrustées dans les rochers
sauvages passent.
Parcours de l’œuvre: de tonalité générale de mi mineur, l’œuvre
décrit plusieurs tableaux:
1)
Pages 1 à 5
(mi m) [Mes 1 à 40]: une introduction
dans laquelle une flûte puis 2, puis 1 clarinette, puis 2 proposent un motif
volubile et tournoyant (à cause du rythme ternaire) évoquant la naissance du
fleuve.
2)
Pages 5 à 18
(mi m) [Mes 40 à 80]: le thème
principal fait son apparition page 5, alors que les cordes conservent le
mouvement volubile précédent des bois. Ce thème comporte une courbe mélodique
ascendante, puis descendante.
3)
Pages 19 à
30 (do M, modulant) [Mes 80 à 122]:
le mouvement volubile des cordes est conservé alors que les cors résonnent
fortement en évoquant une chasse à courre. C’est une scène de chasse dans
la forêt. Dans toute cette partie les trombones et le tuba ont aussi leur
importance (les cuivres).
4)
Pages 31 à
41 (sol M) [Mes 123 à 181]: cette
partie tranche avec la précédente par l’abandon du rythme tournoyant du fleuve
pour une danse paysanne simple au rythme binaire et identique pour
presque tous les pupitres. Remarquer les phrasés de deux en deux.
5)
Pages 41 à
61 (Lab M) [Mes
182 à 238]: La nuit est tombée sur le fleuve: c’est le temps du silence
et des créatures surnaturelles: les nymphes d’eau dansent leurs rondes. La
nuit est illuminée d’un clair de lune «Mondschein».
Le thème de la nuit et du clair de lune sont des images tout à fait romantiques
(voir la sonate dite «au clair de lune» de Beethoven). Dans cette partie, les
deux flûtes et les deux clarinettes reprennent le motif volubile du tout début
afin de garder l’idée du mouvement du fleuve, alors que les cordes chantent un
thème lent et très lyrique, ponctué par des traits de harpe. Page 51 [Mes 213] et suivantes, les cuivres se
font entendre discrètement: c’est un écho à la scène de chasse précédente.
Tout comme les flûtes et clarinettes avaient introduit le thème au début, elles
font de même ici dans ce qu’on pourrait appeler la ré-exposition
(bien qu’il ne s’agisse pas du tout d’une forme sonate).
6)
Pages 61 à
70 (mi m) [Mes 239 à 270]: on
retrouve le thème principal, écourté.
7)
Pages 70 à
86 (modulant) [Mes 271 à 332]: le
fleuve traverse les cascades St Jean. Les chocs violents que subit le fleuve
sont rendus par l’extrême densité orchestrale: fusées montantes des cordes,
martèlement des cors, un pupitre de cuivres très présent, des dialogues
rythmiques très denses jusqu’à leur apogée page 85 [Mes 323]. Après un calme soudain (page 86) [Mes 326 et ss], c’est la dernière
partie:
8)
Pages 87 à
la fin (mi M) [Mes 333 à fin]: Dans
une grande unité rythmique l’orchestre entier (et non plus uniquement les
violons comme avant) reprend le thème principal (en majeur cette fois) dans
un mouvement brillant et glorieux, marquant l’arrivée du fleuve dans la
capitale: Prague. Page 91 [Mes 359]
on trouve le thème du Vysehrad («La forteresse», qui est le premier poème symphonique du cycle «Ma Patrie»), le fleuve passe en effet à
côté de ce château aux abords de Prague. Enfin c’est le tutti final: homorythmie, insistance sur l’accord de mi majeur,
nuance fff.
Page 101 [Mes 404] le mouvement se
calme: le fleuve se disperse, avant que les deux accords conclusifs n’achèvent
définitivement la pièce.